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Critiques de Honoré de Balzac (3267)
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Le Curé de Tours - Pierrette

Voici un très bon numéro de la collection Folio. Deux petits bijoux de Balzac réunis en un seul volume pour notre plus grand plaisir. Ce sont deux courts romans que l'auteur avait positionné dans la catégorie des " célibataires " dans sa gigantesque Comédie Humaine.



Je ne saurais trop vous dire lequel j'aime le mieux tellement ils sont à point tous les deux et de très haut vol. Ils montrent l'un et l'autre le lent travail de positionnement social et d'alliances pour parvenir à ses fins au détriment d'un tiers, en l’occurrence, celui ou celle qui donne son nom à l'ouvrage.



1) LE CURÉ DE TOURS.

On découvre ici le bon abbé Birotteau, qui accouchera quelques années plus tard d'un frère, le célébrissime César Birotteau, autre opus génialissime d'Honoré de Balzac. C'est donc un homme rondouillard, un peu simple d'esprit, qui ne voit de mal nulle part et qui s'imagine naïvement que les gens qui lui veulent du bien le font pour ses beaux yeux.



Ainsi, à la mort de l'abbé Chapeloud, chanoine de la cathédrale Saint-Gatien de Tours, son protégé, l'abbé Birotteau croit qu'il va hériter sans coup férir, " naturellement " pourrait-on dire, des prérogatives de son prédécesseur...



Une fois encore, Balzac saura faire surgir devant lui la plus grande mesquinerie humaine, l'envie, la basse vengeance, l'orgueil, le calcul politique, bref, tout ce qui fait que Balzac est Balzac, un auteur, pour ne pas dire L'AUTEUR incontournable de la littérature française toutes époques confondues.



Contrairement à certains de ses autres romans qui lassent parfois les lecteurs non avertis par des descriptions fouillées, nous avons ici affaire à un bref roman, à la limite de la nouvelle longue, où les descriptions ne sont point trop invasives et le plaisir est prompt à s'emparer du lecteur.



Encore une fois, le personnage qui donne son nom à l'œuvre ne semble pas être le personnage principal, puisqu'à la fin on assise encore à son échouage, victime des vicissitudes de la cruelle vie et des calculs des gens peu enclin à la noblesse d'âme, en l'espèce, le retors et machiavélique abbé Troubert.



L'autre grande figure de l'histoire est la logeuse de Birotteau, Mlle Gamard, grenouille de bénitier pingre, ambitieuse et malfaisante à souhait dont Honoré nous dresse un portrait aux petits oignons, qui à lui seul vaut le détour.



À lire ou à redécouvrir absolument sans modération pour se délecter des bas calculs, jalousies, orgueils et autres naïvetés. À mon sens, l'un des très bons crus acides, corrosifs à souhait de notre fantastique Honoré de Balzac, mais suis-je bien objective avec ce géant parmi les géants ?



2) PIERRETTE.

Ensuite, nous sommes transportés au sud-est de la région parisienne, dans le Provins des années 1825-1830 et l'on voit s'y épanouir la petite mesquinerie commerçante et provinciale d'un couple borné et absolument irrespirable, les Rogron frère et sœur, tous deux célibataires endurcis après une minable quoique rentable vie de merciers à Paris.



Parmi les rejetons éparpillés du rameau familial, exactement à l'instar des Rougon-Macquart capable de faire germer, sur un malentendu, un individu estimable, on trouve la petite Pierrette Lorrain, cousine des deux affreux, d'au moins vingt-cinq ans leur cadette, et aussi innocente, simple et admirable que les autres sont retors, prétentieux et détestables.



Par un hasard de mauvaises fortunes et d'héritages détournés, Pierrette va donc se retrouver pupille de ses cousins à Provins, elle qui a grandit près des embruns en Bretagne.



Tour à tour faire-valoir social, outil stratégique et enjeu matrimonial, on assiste impuissants à la mise au pilori de Pierrette (Pierrette et le poteau laid, en somme) par son cousin et surtout sa cousine Sylvie Rogron. Mais c'est sans compter sur l'intervention de Jacques Brigaut, un brave parmi les justes, qui voudrait bien arriver à inverser la tendance et à rendre à Pierrette un peu de sa dignité d'être humain et d'amour tout simplement. Y parviendra-t-il ? Ça c'est ce que je m'interdis de vous révéler.



En tout cas, c'est du très grand art Monsieur de Balzac, ça ne donne pas spécialement le moral, ça ne nous fait pas particulièrement aimer davantage l'humanité, mais c'est admirable dans son style, un patrimoine romanesque à inscrire sur la liste de l'Unesco, car malheureusement, ça a existé et ça existe encore de nos jours, peut-être avec une ou deux modalités différentes, mais si peu.



Bref, selon moi un autre opus majeur de la Comédie Humaine et de la littérature française en général, qui est probablement à la source des Rougon-Macquart de Zola et des Misérables d'Hugo, rien que ça, excusez du peu.



Mais ce n'est que mon avis, un tout petit avis aux pieds de l'immense Balzac, c'est-à-dire vraiment pas grand-chose.
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La Maison Nucingen (précédé de) Melmoth réconcilié

La Maison Nucingen est un court roman où Honoré de Balzac invite son lecteur à être une oreille indiscrète, qui écoute aux portes des confidences de quatre larrons — journalistes ou apparentés journalistes — bien connus de la comédie humaine : Bixiou, Blondet, Couture et Finot.



Lesquels amis commentent la réussite financière aussi subite qu'étonnante d'Eugène de Rastignac (héros du père Goriot) sous l'impulsion du Baron de Nucingen. Balzac y dresse un bref portrait du financier en général, dont Nucingen est selon lui l'archétype.



Ce faisant, l'auteur décrit aussi la mécanique d'auto dévaluation ou réévaluation de ses propres valeurs. le tout visant à faire exploser ou imploser temporairement la masse d'un portefeuille d'actions en vue soit de sa cession au-dessus de sa valeur réelle ou réciproquement de son rachat bien en-dessous.



Évidemment, beaucoup sont les dupes de ces transactions, et d'autant plus que l'on est un proche de Nucingen, que l'auteur compare à un loup-cervier. Si Nucingen est effectivement l'artisan de la fortune de Rastignac, il ne lui procure pas cet avantage par sympathie ou amitié, mais juste parce qu'il a besoin d'un porte-parole crédible pour ébruiter des " fuites " volontaires, le tout, bien sûr, dans le dessein d'affoler les places financières à son profit.



Cette mécanique boursière, évoquée un peu rapidement, presque en dilettante, est reprise, complétée et développée dans l'excellent roman de Zola, L'Argent. On peut en effet reprocher à Balzac, une fois n'est pas coutume, le côté succinct de la façon dont il traite un sujet aussi vaste, et aussi important de sa comédie humaine, car, peu ou prou, l'argent est cause de tous les maux de son œuvre, ou du moins d'un très grand nombre.



Il demeure un bon petit roman, plaisant, vite lu, mais pas à la hauteur de ses meilleures productions. Tout ceci, bien sûr, est sujet à fluctuations sur les marchés de la critique car ce n'est que mon avis, qui, à tout moment peut se dévaluer et ne plus valoir grand-chose.
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Eugénie Grandet

Bien qu'appréciant la littérature classique, l'oeuvre de Balzac ne m'a jamais particulièrement attirée, peut-être parce qu'elle me fait un peu peur ?



Toutefois, parmi les volumes qui composent la "Comédie Humaine", "Eugénie Grandet" est sans doute celui qui me fascinait et m'aimantait le plus et ce parti pris a sans doute compté dans le grand plaisir que j'ai eu à le découvrir enfin.



Il y a une rare audace à juxtaposer la pire avarice, celle du père Grandet, à la plus généreuse abnégation, celle de la fille Grandet, sans pour autant donner dans le manichéisme. Le charme agit, on ne sait pas trop comment d'ailleurs, étant donné le cadre sinistre que l'auteur donne à son récit. A croire qu'il fallait cette gangue de grisaille, de médiocrité et de vice pour mieux faire ressortir l'éclat et la pureté de l'âme d'Eugénie, d'un jeune cœur pur, prêt à l'abandon de l'amour et au dévouement de l'amitié.



Les quelques personnages croqués par Balzac et qui composent ce drame social sont extrêmement vivants et tangibles. La course aux faveurs entre les Cruchot et les des Grassins est particulièrement bien rendue et nous renvoie à l'éternel rapport de l'homme à l'argent, un rapport malsain et dévastateur qui, couplé à l'ambition, a fait, fait encore et fera toujours bien des ravages dans notre société.



J'ai d'abord cru que la personnalité d'Eugénie me taperait rapidement sur les nerfs mais il n'en fut rien ; bien au contraire, j'ai ressenti énormément d'empathie pour elle voire de l'admiration.



Un très grand classique, à la portée de tous.





Challenge ABC 2015 / 2016

Challenge 19ème siècle 2015
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Pierre Grassou

Pierre Grassou, c'est l'un de ces portraits-nouvelles auxquels Honoré de Balzac nous a si souvent habitués. Ce portrait, même s'il s'appuie vraisemblablement sur une personne concrète, est bien plus la peinture d'un type que de quelqu'un en particulier. Il est d'ailleurs grandement question de peinture dans cette nouvelle-ci.



Qu'a cherché à nous dire Balzac au travers de Pierre Grassou ? Encore une fois, une parcelle du fonctionnement social ou sociétal dans lequel nous nous inscrivons encore de nos jours et qui concerne certes la peinture, mais encore bien davantage : littérature, musique et, je pense, à peu près tout le monde des arts au sens large.



Qu'en est-il ? Pierre Grassou est un provincial d'origine modeste et qui est venu tenter sa chance à Paris. Il s'échine et ne ménage pas sa peine auprès de très grands maîtres qui, tous, lui signifient poliment mais fermement qu'il n'a aucun talent et qu'il ferait mieux de quitter ce milieu. Ils le trouvent tous bon camarade mais en qualité d'artiste, zéro.



Alors Pierre Grassou gratte, gratte, gratte, s'efforce, s'efforce, s'efforce. Il rampe centimètre par centimètre pour tâcher d'atteindre les sommets. Mais il reste, au mieux, un copiste honnête, qui refait en très ordinaire des compositions qui ont révolutionné l'art en leur temps.



Toutefois, parmi les gens du gratin mondain qui n'y connaissent pas grand-chose en art, il arrive que certaines oeuvres de Grassou puissent, sur un malentendu, satisfaire l'oeil de l'une ou l'autre grosse légume, au rang desquels on comptera le roi Charles X.



La cour des lèche-savates fait donc grand éloge du tableau de Grassou et, dans la minute, on lui en commande à la pelle, de la même veine. Grassou exploite honnêtement le filon et devient vite un artiste dans le vent, une sommité de pacotille, multi-décoré, qui siège aux académies compétentes...



Je vous laisse évidemment découvrir le sel narratif de cette nouvelle et le rôle d'entremetteur que jouera le roublard marchand d'art juif Élias Magus. Ce qu'il est intéressant de noter, c'est que rien, absolument rien n'a changé à l'heure actuelle. Toutes les assemblées dites " d'experts " ou " d'artistes " sont pour la plupart un ramassis d'auteurs ou d'interprètes de deuxième voire troisième zone qui, par les vicissitudes de la vie, se sont fait un nom à un moment donné et qui capitalisent dessus jusqu'au restant de leurs jours.



Il suffit de regarder les jolies têtes de veaux d'Éric-Emmanuel Schmitt, Didier Decoin et consort pour se faire une opinion de l'académie Goncourt, et je n'ose même pas vous parler de la réception récente du grand, de l'illustre, du génialissime Marc Lambron à l'abracadémie française. Comme Lambron y est, Grassou y est. (Excusez une nouvelle fois ma fâcheuse tendance matinale au calembour de bas aloi ; on ne se refait pas.)



Là, là vraiment, on se dit qu'il avait tout de même un sacré oeil d'observateur notre petit Honoré chéri. On pourrait évidemment élargir ceci aux victoires de la musique et autres singeries du même genre dans d'autres domaines spécifiques des arts. En somme, le fossé qui existe entre le génie des artistes et leur reconnaissance publique et/ou académique.



Vaste sujet qui nous emmènerait loin et sur lequel je ne souhaite pas m'élancer plus avant. Une nouvelle donc, très clairvoyante, de loin pas celle que je préfère De Balzac qui a su faire beaucoup, beaucoup mieux, mais un Balzac même de second choix reste plus intéressant que ceux écris par la ribambelle de tiers couteaux sus-mentionnée. Au demeurant, souvenez-vous que ce que j'exprime ici n'est que mon grassouillet d'avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le Père Goriot

Je n'ai pas lu beaucoup de livres de Balzac : quatre exactement : "Eugénie Grandet" (lu dans le cadre de mes études) que j'avais apprécié d'après mes souvenirs lointains, "la peau de chagrin" fort apprécié et "le colonel Chabert" apprécié également. Pourquoi ? Parce que, habituée très jeune à lire des classiques, j'ai voulu me pencher vers 14-15 ans dans la lecture des "illusions perdues". Déjà un peu effarée par le pavé écrit tout petit, j'ai renoncé très vite à dépasser le début du livre qui m'apparut d'emblée, d'une longueur et d'une écriture rebutantes. Mais voilà, j'étais bien trop jeune pour cette lecture.

Je viens donc de lire "Le père Goriot" et je l'ai beaucoup aimé.



L'histoire met en présence, d'une part les locataires d'une pension sordide , la "Maison-Vauquer" tenue par une femme du même nom née "de Conflans" et tout un panel de personnages de la "haute société" qui veulent tous non seulement posséder le luxe et jouir d'une prestigieuse situation sociale (sans travailler, cela va de soi).



Trois, voire cinq personnages émergent du lot :



1) Le père Goriot, ancien vermicellier qui a légué au fur et à mesure tous ses revenus à ses deux filles qu'il chérit au-delà de tout allant jusqu'au dénuement extrême et même jusqu'à la mort pour celles-ci.



2) Eugène de Rastignac, jeune étudiant venu de sa province pour étudier le droit à Paris mais qui abandonne bientôt ses études pour se consacrer à se hisser dans la "haute société" par laquelle il devient obsédé.



3) Vautrin, qui s'avérera être un ancien forçat qui voit le monde avec cynisme (ou tel qu'il est vraiment ?) qui ira jusqu'au meurtre pour aider celui qu'il a pris en affection , Rastignac à faire son entrée dans le monde et jouir de la richesse.



4) Anastasie, l'aînée des filles du Père Goriot qui grâce à la dot de son père a épousé un noble : le comte de Restaud.



5) Delphine, sa cadette a quant à elle, épousé un banquier alsacien : Nucingen.



Il va se soi qu'aucune de ces deux femmes n'aiment leur mari et ont toutes deux des amants; d'ailleurs elles n'aiment pas leur père non plus et non seulement contentes de le dépouiller, le chasseront de chez elles et le laisseront mourir sans lui rendre visite ni assister ni participer à ses funérailles.



Eugène de Rastignac s'éprendra de Delphine mais aimera aussi le Père Goriot qu'il sera l'un des seul à aider, écouter jusqu'à ses funérailles alors que celui-ci est raillé et abandonné de partout et par tout le monde.



Vautrin, enfin ex-forçat, chef d'une bande de malfrats, clairvoyant, distillera son venin ( et sa lucidité ?) à son protégé "Rastignac"



D'autres personnages gravitent autour de ce petit monde pas joli du tout.

Comme dit précédemment, le but (sauf exception) de tous les protagonistes étant d'amasser fortune et de briller dans la haute société et tous les moyens (trahisons, mensonges, coquetteries, dépouillement des autres ... etc) sont bons pour y arriver.



Balzac dénonce ces travers de la société parisienne alors que lui-même a tenté au cours de sa vie de se faire reconnaître dans ce milieu lui aussi.



Ce monde est infect, immonde au-delà de toute expression et donne envie de passer à la guillotine tous ces abuseurs ridicules et d'une méchanceté innommable. Le bon Père Goriot devient finalement ridicule devant le fanatisme amoureux qu'il éprouve envers ses filles et Rastignac, le plus sympathique au final car il hésite toujours entre le bien et le mal, fait le bien mais se laissera gagner par le mal.

Vautrin, sans morale ni foi ni loi, semble pourtant le plus lucide de tous même si ses actes sont répréhensibles.



L'écriture enfin, quoique joliment tournée, me semble un peu ampoulée et certains(nes) vont me lyncher, un peu désuète voire obsolète par rapport à notre époque ce qui n'est pas le cas de la plupart des auteurs classiques qu'il m'ait été donné de lire.

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Le message

Avec toutes mes condoléances, Madame...

Vous l'aurez compris, Le Message est une courte nouvelle qui relate la tâche, ô combien ingrate, d'annoncer à une femme de l'aristocratie de province, la mort de son amant dont elle est follement éprise, alors qu'elle se trouve précisément dans le château séculaire de son mari légitime, et bien sûr, en présence de celui-ci, ce qui est plus drôle...

Balzac s'en tire assez bien et nous fait toucher du doigt certaines sensations, sans toutefois qu'on puisse catégoriser cette nouvelle parmi les chefs-d'œuvre de l'auteur.

Il y dépeint un aspect de la fibre romantique si présente dans la jeunesse.

Une nouvelle vraiment pas essentielle dans le gros œuvre de la Comédie Humaine, mais assez plaisante tout de même, du moins c'est mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Le Colonel Chabert

Ce livre traînait depuis longtemps dans ma bibliothèque, je ne saurais dire les raisons pour lesquelles je freinais à y aller et je ne sais pas si c'était le côté colonel qui me faisait hésiter, ou bien autre chose, en tout cas mon geste d'y aller fut par le côté Balzac...

Le Colonel Chabert est un personnage tragique, réfugié dans une absolue solitude, sidéré par un monde qui se renverse, passant d'une société de l'honneur à celle de la cupidité et de l'argent. C'est sans doute là que se noue la tension de ce court roman.

C'est un récit en très peu de pages, mais ô combien dense en intensité dramatique. On est suspendu tout au long du récit au dénouement à venir, un peu comme à la sortie d'un tribunal, comme si nous attendions la venue des avocats pour nous révéler le verdict d'un procès.

Pour revenir à la narration, le Colonel Chabert, comte d'Empire, fier cavalier des armées de Napoléon, est un personnage sensé être mort sur le champ de bataille à Eylau en 1807, bataille dans laquelle par ailleurs il s'est conduit en héros. Or, visiblement il n'est pas mort, il ressurgit d'un charnier humain, aidé par un couple paysan qui le sauve.

Il revient dans le monde des vivants, apprenant qu'il est mort, presque oublié, sa veuve s'est remariée depuis avec un comte réputé et fortuné, celui-ci lui ayant fait deux enfants.

Une parole vient alors : « J'ai été enterré sous des morts, mais maintenant je suis enterré sous des vivants, sous des actes, sous des faits, sous la société tout entière, qui veut me faire rentrer sous terre ! »

L'affaire s'aborde tout d'abord sous l'angle judiciaire. Un avoué, un certain Derville, est approché, qui connaît les deux parties, cela semble une manière de pouvoir aborder sereinement le sujet, il apparaît neutre, permet de faire un pas de côté à tel point qu'il pourrait subtilement être l'incarnation De Balzac qui se serait introduit à notre insu dans ce récit. Mais l'affaire s'avère compliquée. Cet homme qui resurgit du néant, d'un charnier humain, alors que son décès est consigné dans des actes militaires, forcément on croit tout d'abord à la mystification, à la folie... Cela m'a fait penser à l'histoire de Martin Guerre, vous vous rappelez ?

La « veuve », devenue la comtesse Ferraud, ne l'entend pas de cette oreille. Aussi... Mais je m'arrêterai là pour ce qui est du récit et de l'intrigue.

Laissons place à mon ressenti : en deux mots, j'ai adoré. C'est un petit bijou finement ciselé qui se révèle peu à peu au détour de chaque page, offrant un suspense magnifiquement mené avec une émotion, une empathie, qui invite le lecteur à ressentir très vite une compassion pour ce pauvre Colonel Chabert. La narration est impressionnante, dans la manière dont Balzac la mène, mais aussi dans son talent de peindre à l'essentiel, à l'épure, les portraits saisis au vif des principaux protagonistes, ainsi en l'occurrence ces trois fameux personnages, le colonel, sa femme et l'avoué. Et puis il y a ces méandres dans lesquels les personnages vont évoluer, avancer, poser leur pions, se perdre dans le jeu de l'autre... À certains moments, mon coeur s'est serré sur les mots De Balzac lorsque je pensais à un autre de ses personnages célèbres, le Père Goriot, contexte certes différent mais personnage rejeté lui aussi d'une certaine manière par les siens et l'on sent au travers des pages toute l'empathie de l'auteur pour ses personnages qu'il nous esquisse.

Mais aussi il se dégage une forme de morale pas ostentatoire, qui se laisse questionner avec plaisir et intérêt par le récit, elle est décalée forcément avec la réponse que peut proposer la justice dans ces cas-là. La magie des mots De Balzac est subtile pour ne pas opposer ces deux antagonismes comme deux blocs monolithiques qui pourraient se confronter avec la violence attendue ; c'est l'art d'un couturier, d'un ciseleur qui opère ici. Balzac nous préserve de cela tout en disant les violences intérieures que la douleur d'un désastre peut dessiner.

Le Colonel Chabert, c'est un peu cet homme égaré qui revient vivant du pays des morts et qui se retrouve comme mort au pays des vivants...

C'est toute simplement beau et c'est à cela qu'on reconnaît un grand écrivain capable de traverser les âges et perdurer après nous. Ce court texte m'a tout simplement donné envie de me remettre en selle vers d'autres textes de ce fabuleux auteur classique.

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La grande Bretèche

Qu'y a-t-il derrière un mur abandonné ? Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu'il pouvait bien y avoir derrière ce que l'on prend du soin à dissimuler ?

Combien de fantasmes, d'histoires rocambolesques ne nous sommes-nous pas déjà construits, échafaudé sur rien de tangible, juste une impression qu'on nous cachait quelque chose.

Balzac titille cette fibre en nous grâce à La Grande Bretèche, une très belle nouvelle ayant à nouveau pour narrateur le médecin Horace Bianchon, tout comme la non moins réussie Messe de l'Athée.

Notre Honoré national nous emmène cette fois dans le Vendômois, où Bianchon s'est pris d'une passion pour un lieu insolite : La Grande Bretèche.

Il s'agit d'un magnifique domaine en bordure du Loir, parc à la française et manoir de caractère, le tout complètement laissé à l'abandon depuis au bas mot une dizaine d'années. Le médecin y goûte quelques temps le bonheur d'un lieu de recueillement propice à la création poétique. Jusqu'au jour où un vieux notaire de sinistre physionomie, maître Regnault, vient lui signifier qu'il n'est pas permis à qui que ce soit de pénétrer sur ce domaine et ce, par volonté testamentaire.

Quel mystère baigne cette incompréhensible décision d'un mourant ? c'est ce que vous découvrirez en même temps que Bianchon qui, émoustillé par le piment de l'intrigue décide d'en connaître le fin mot, quitte à tirer les vers du nez de Madame Lepas, l'aubergiste ou à faire les yeux doux à Rosalie, l'ancienne femme de chambre du domaine.

Par ce bref récit, Honoré de Balzac nous livre une nouvelle fois toute l'étendue de son talent de conteur ; si doué à susciter les merveilleux parfums de l'évocation et si prompt à faire palpiter les ressorts du suspense. Mais tout ceci, bien sûr, n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le Lys dans la vallée

Le Lys dans la vallée est le roman de la contention, de l'inhibition et de la frustration.



Dès les premières mesures.



L'enfance et l'adolescence tristes de Félix -le mal nommé- s'étiolent dans la froideur et l'indifférence maternelles: la première frustration est celle de l'amour premier, celui qui ouvre la porte à tous les autres, l'amour maternel.



Aussi quand il rencontre, à un bal, Blanche de Mortsauf, femme (mal) mariée, timide, et provinciale, leur découverte mutuelle se fait d'extraordinaire façon: un « parfum de femme » vient d'abord toucher les sens du jeune Félix, lové sur une banquette, comme un enfant que sa mère y aurait oublié. Ragaillardi par cette fragrance sensuelle, Félix se retourne : ce ne sont ni des yeux ni un visage qui donnent une forme à l’objet de son trouble , mais un dos, des épaules, un décolleté plantureux dans lequel son regard gourmand plonge et au ..sein duquel il enfouit bientôt son visage éperdu, sans un mot! Surprise, bouleversée, attendrie, madame de Mortsauf ne sait comment accueillir –et repousser - cet assaut : est-ce celui d'un jeune homme débordé par ses sens ou celui d'un enfant perdu? C'est en femme, en reine offensée, qu'elle réagit en s'écriant "Monsieur?" donnant ainsi à Félix le statut d'homme qu'il désirait violemment, mais la mère en elle choisit l’enfant, et la femme est touchée au plus profond..



Ce "raptus" amoureux donnera le ton à tout leur amour: fringale violente et mutisme torturé, audace et rétention, sensualité et maternage...



Félix et Blanche sont amenés à se revoir, à se désirer, à s'interdire tout autre licence, comme si toute leur libido s’était donné libre cours une fois pour toutes dans cette première rencontre, dos à dos..



Blanche est mariée à un homme cruel et peu aimable, elle est mère aussi, et bardée de devoirs conjugaux, familiaux, religieux…



Félix laisse alors sa sensualité s'exprimer avec une miss anglaise fort décomplexée. Blanche en souffre, dévorée d'une jalousie sans nom qui la ronge et la détruit. Félix commence sa vie quand elle l’achève mais il sera toujours marqué au fer par son premier amour, si incomplet fût-il, amour inoubliable, pur comme le lys de cette vallée de Touraine dont Blanche était le plus beau fleuron.



C’est un livre que j’ai lu trop tôt pour l’apprécier : le romantisme échevelé de cet amour chaste et tourmenté a très vite agacé l’adolescente que j’étais. Il me fallait des audaces plus stendhaliennes –Mathilde de la Môle coupant ses cheveux, Julien saisissant la main de Madame de Rênal sur le coup de dix heures, Madame de Rênal tirant sur Julien : voilà ce qui me faisait vibrer ! Les atermoiements et scrupules de Blanche, les transports muets de Félix avaient le don de m’énerver..



Puis un professeur exceptionnel, Gérard Gengembre, spécialiste de Balzac, et auteur d’une excellente monographie , m’a fait relire, découvrir et adorer ce livre complexe.



Je lui ai depuis trouvé des audaces, insoupçonnées à la première lecture- la scène de première rencontre, atypique et insensée, aurait dû me mettre la puce à l’oreille pourtant.



La maladie de Blanche dit assez clairement, pour un roman réputé puritain et romantique, les dégâts, sur le corps, des désirs insatisfaits. Le désir féminin y est exploré avec une rare pénétration…mais le tout est délicatement masqué par un emballage romantique de bon ton.



L’immaturité affective et sexuelle de Félix, privé de mère et qui se cherche autant une maman qu’une maîtresse, fait penser à celle de Jean-Jacques (Rousseau), autre enfant sans mère, qui trouva dans Madame de Warens une douce association des deux, la mère et l’amante, accomplit sous son patronage une éducation sentimentale accélérée et fit souffrir terriblement celle qu’il appelait « Maman » avec toutes ses fredaines de petit animal gourmand …



Le roman est aussi, on le sait, une transposition de la vie de Balzac, petit garçon doté d’une mère mondaine et peu attentive, qui chercha des mères de substitution dans toutes ses compagnes, à commencer par Laure de Berny , son premier amour, et eut même à la fin de sa trop courte vie, une amante épistolaire , Eve Hanska, ce qui est le comble de l’amour platonique et du goût exacerbé pour la distance -Eve était polonaise- et pour la lenteur -les postes du XIXème siècle n’avaient pas l’instantanéité de Facebook ou des courriels d’aujourd’hui… distance et lenteur qu’il considérait sûrement comme des aphrodisiaques puissants comme le montrent leurs lettres torrides et leur mariage…alors qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés !



Un livre plein comme un œuf de signes et de sens ..pas si « liliaques » ni élégiaques que cela !

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Le Chef-d'oeuvre inconnu

Voici une brève nouvelle, au sens strict, de par sa construction, mais que Balzac lui-même a placé dans la section "études philosophiques" de sa comédie humaine, et l'on comprend pourquoi.

En réalité il s'agit d'une parabole, sur la forme ultime de l'art, sur la quête évanescente et infinie des artistes. Balzac pose (ou repose car elles ont été formalisées bien avant lui) les fameuses et protéiformes questions : Qu'est-ce que l'art ? Qu'est-ce que le beau ? Qu'est-ce qu'une œuvre d'art ? Que recherche l'artiste ? Où se situent les limites ?

Balzac avec la lucidité prophétique qu'on lui connaît évoque ici, dès les années 1830, les brûlantes controverses qui agiteront la peinture au tournant du XXème siècle et jusqu'à nos jours avec l'abstraction, la subjectivité et l'incompréhension du spectateur ainsi que la notion même d'œuvre d'art.

En somme, pas le meilleur Balzac qu'on puisse rêver, mais pas inintéressant, loin s'en faut. Néanmoins, tout ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand chose.



P. S. 1 : Il fut tiré de cette nouvelle le film de Jacques Rivette intitulé La Belle Noiseuse (nom du tableau controversé dans la nouvelle) avec Michel Piccoli dans le rôle du vieux peintre Frenhofer et Emmanuelle Béart dans celui de Gilette.



P. S. 2 : J'en termine en vous offrant ces deux extraits, le premier reprenant un thème fort chez l'auteur, notamment dans son sublime Illusions perdues :



"Enfin, il y a quelque chose de plus vrai que tout ceci, c'est que la pratique et l'observation sont tout chez un peintre, et que si le raisonnement et la poésie se querellent avec les brosses, on arrive au doute comme le bonhomme, qui est aussi fou que peintre. Peintre sublime, il a eu le malheur de naître riche, ce qui lui a permis de divaguer, ne l'imitez pas ! Travaillez ! Les peintres ne doivent méditer que les brosses à la main."



"- Le jeune Poussin est aimé par un femme dont l'incomparable beauté se trouve sans imperfection aucune. Mais, mon cher maître, s'il consent à vous la prêter, au moins faudra-t-il nous laisser voir votre toile. (...)

- Comment ! s'écria-t-il douloureusement, montrer ma créature, mon épouse ? Déchirer le voile sous lequel j'ai chastement couvert mon bonheur ? Mais ce serait une horrible prostitution ! Voilà dix ans que je vis avec cette femme, elle est à moi, à moi seul, elle m'aime. Ne m'a-t-elle pas souri à chaque coup de pinceau que je lui ai donné ? Elle a une âme, l'âme dont je l'ai douée. Elle rougirait si d'autres yeux que les miens s'arrêtaient sur elle. La faire voir ! Mais quel est le mari, l'amant assez vil pour conduire sa femme au déshonneur ? Quand tu fais un tableau pour la cour, tu n'y mets pas toute ton âme, tu ne vends aux courtisans que des mannequins coloriés ! Ma peinture n'est pas une peinture, c'est un sentiment, une passion !"
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La Peau de chagrin

On oublie trop souvent que l'auteur de la Comédie humaine a excellé dans le registre fantastique. La Peau de Chagrin est une de ces excellentes variations romantiques sur le thème du pacte diabolique. Lorsque le texte paraît en 1831 c'est pour Balzac le début de la gloire. Le plus romantique des romans de Balzac ? Il est vrai que le héros Raphaël est seul au milieu de la multitude. Seule la nature est en accord avec son être intérieur...

Balzac considérait son roman comme une œuvre philosophique. En fait la Peau de chagrin est la combinaison de plusieurs genres: conte fantastique, roman philosophique, roman à caractère autobiographique...

On retiendra le fameux passage savoir, vouloir, pouvoir. " Vouloir nous brûle et Pouvoir nous détruit, mais Savoir laisse notre faible organisation dans un perpétuel état de calme».



Balzac a développé trois thèmes dans ce roman, l'argent, l'amour, et la vie.

L'argent en dénonçant Paris, le vice et la compromission.

L'amour avec d'une part une mondaine " la femme sans cœur", d'autre part une figure angélique Pauline.

La vie, on touche à la dimension réellement philosophique du livre : qui sommes-nous ? Qu'est-ce que le désir ? Que s'agit-t-il : de vivre calmement et dans l'absence de trouble ou bien intensément mais en brûlant la chandelle ? Qu'est-ce qui implique l'économie du désir ? Quelle femme justifie qu'on se damne pour elle ? Qu'imagine-t-on de l'autre qui ne vient que d'une projection de nous-même ? Autant de questions que Balzac traite sans jamais donner l'impression de faire le philosophe. La Peau de Chagrin est le symbole de notre existence car elle se rétrécit comme l'espérance de vie de Raphaël.



À présent Monsieur Balzac, j'arrête les flatteries. Votre style est impressionnant certes, mais n'en avez-vous pas trop fait par moment ? Des centaines de lignes pour votre seul plaisir ? Connaissez-vous la relecture? Je ne peux m'empêcher de penser que ce roman aurait pu être encore plus remarquable.

Pour finir, en quoi aviez-vous besoin de dénigrer les Auvergnates ?

« C’était une Auvergnate, haute en couleur, l’air réjoui, franche, à dents blanches, figure de l’Auvergne, taille d’Auvergne, coiffure, robe de l’Auvergne, seins rebondis de l’Auvergne, et son parler ; une idéalisation complète du pays, mœurs laborieuses, ignorance, économie, cordialité, tout y était. »

Votre héros a aimé se ressourcer dans les Monts d'Or au cœur de l'Auvergne. Votre description des paysages rend honneur à notre région mais en bonne auvergnate je n'apprécie pas du tout votre parodie des paysans auvergnats. Vous avez perdu une étoile !

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Gobseck - Une double famille

Gobseck est encore l’un de ces magnifiques romans-portraits auxquels Honoré de Balzac nous a habitué.

Ici, il s'agit d'un vieillard et, si vous me permettez le calembour douteux, on peut dire que celui-ci, il gobe sec.

Peu importe et ce n’est pas pour nous déplaire car le tableau est particulièrement réussi et haut en couleur (ou plus exactement, bas en couleur pour être plus conforme au personnage).

L'auteur fait reprendre du service à l’avoué Derville (voir Le Colonel Chabert) pour nous narrer le caractère, plus que l’histoire, de l’étrange Gobseck.

Celui-ci, hollandais de naissance usurier d’adoption, ne reconnais en effet que le pouvoir et les sortilèges de l’or. C’est le prêteur sur gage le plus rapace et le plus efficace de Paris.

L’on ne sait qu’une chose en entrant chez lui : on ressortira probablement avec de l’argent mais il va nous coûter cher !

Balzac le dépeint comme un cynique de la dernière espèce, tellement au fait des usages et des déviances des hommes qu’il en possède presque un don de divination.

Pourtant, et c’est là tout le génie de l’auteur, il arrive à faire poindre des nuances de hautes valeurs morales derrière cette façade inaltérable et impitoyable.

Le roman est court mais absolument truffé de phrases dignes de figurer dans nos pages roses de proverbes tellement elles semblent recéler une vérité générale.

Bref, un vrai petit chef-d’œuvre très largement sous estimé et sous connu de Balzac, mais ceci, bien sûr n’est que mon avis, qu'on ne peut guère laisser en gage et qui donc, ne vaut pas grand chose.
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Madame Firmiani

Madame Firmiani, c'est une courte nouvelle où Honoré de Balzac tâche de nous dire que les apparences sont parfois trompeuses. Bon, jusque là, pas de quoi être surpris car l'auteur est coutumier du fait.



Là où c'est un peu plus rare, tant pour Balzac que dans la littérature en général, c'est quand les apparences nous laissent suggérer calcul et manipulation, intrigue et combinaison, et qu'en creusant un peu, on ne trouve que...

... de la discrétion et de la vertu.



Oui, elle a tout pour plaire cette Madame Firmiani, elle est belle, encore jeune, pleine d'esprit, veuve ou peu s'en faut d'un mari que personne n'a jamais vu. Elle donne des réceptions où l'on ne côtoie que du beau monde, du raffiné s'entend et où la médisance ne semble pas la règle, comme c'est souvent le cas ailleurs.



Dissipatrice, alors ? Ça c'est bien possible. Un bruit court que certains sont prêts à se ruiner pour ses beaux yeux. D'ailleurs, c'est suite à ce bruit que Monsieur de Bourbonne, un riche propriétaire terrien de province, vient s'enquérir du sort de son neveu chéri, Octave de Camps.



Le vieil oncle a connu son neveu riche en province et le retrouve pauvre à Paris. Tous les témoignages concordent pour dire qu'il est un assidu du salon de Mme Firmiani. Sous un habile tour, M. de Bourbonne parvient à se faire introduire chez Mme Firmiani, un jour où il est sûr que son neveu ne peut s'y trouver.



À la fin de la soirée, alors que tout le monde a déjà déserté le salon, lui reste seul au déni de toutes les convenances. Il désire plus que tout avoir un entretien privé avec elle. Il y a va tout de go, se présente et annonce la couleur : il est l'oncle d'Octave et s'étonne de le savoir dans le dénuement.



Un trouble indéfinissable se peint sur le visage de Mme Firmiani. Mais bien malin celui qui pourrait interpréter ce trouve et il ne faut pas compter sur moi pour vous en dire davantage.



Bref, une petite nouvelle, sans déplaisir mais également sans prétention, avec une fin heureuse qui pourra satisfaire le dépressif ou l'optimiste. Mais bien sûr, ceci n'est que mon avis, un bruit qui court — encore un ! — sur Madame Firmiani, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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L'Interdiction

L'Interdiction est un titre qui peut porter à confusion quand on ne sait à quoi cette interdiction se réfère.

De nos jours, la formule consacrée pour désigner cette forme d'interdiction serait très certainement " la mise sous tutelle ".

Ici, il sera bien sûr question d'argent, de jugement, et, accessoirement, de noblesse.

En effet, la très noble, très en vue et très soucieuse de son apparence, Madame la Marquise d'Espard, qui vit séparée de son légitime époux et de ses deux enfants depuis douze ans, réclame cette susnommée interdiction à l'encontre de son mari, estimé fou et non responsable de ses actes, notamment en qualité de spoliateur et de dissipateur d'une fortune appréciable.

La marquise, qui tient un salon très couru fréquenté par nombre de (très) grosses légumes (il s'agit de cette même personne qui sera la protectrice de Madame de Bargeton dans les Illusions Perdues), essaie de jouer de toutes ses influences pour piper les dés de l'arbitrage judiciaire.

Or, le juge d'instruction mandaté pour faire toute la lumière sur cette requête en interdiction n'est autre que l'humble, discret et fort honnête juge Popinot, positivement connu des pauvres et des nécessiteux, oncle du non moins philanthrope médecin Horace Bianchon, vieille connaissance des habitués de la Comédie Humaine.

Après un démarrage assez poussif, Honoré de Balzac relance l'intérêt de ce petit roman et nous ravit en faisant de son juge Popinot un avatar avant l'heure du célèbre lieutenant Colombo.

Jean-Jules Popinot, homme d'allure minable, qui joue les niais mais qui sait mieux que personne percer à jour les plus habiles plaideurs et les plus retorses intentions et qui laisse stupéfaits (j'allais écrire " interdits ", mais ce ne me semble pas judicieux) ceux qui l'ont sous-estimé de prime abord.

Qu'en est-il de la folie du Marquis d'Espard ? Qu'obtiendra la ravissante fourberie de la Marquise ? Voilà bien deux questions pour lesquelles je m'en voudrais de vendre la mèche.

En somme, un bon petit roman (peut-être même qualifiable de nouvelle) qui une nouvelle fois met à mal tant la Vertu humaine (avec un grand V comme Vérole) que le crédit qu'on peut escompter de notre sacro-sainte Justice (avec un grand J comme Judas).

Oui, une fois encore, n'hésitez pas à venir gratter un petit peu le vernis de l'humanité avec notre vieil ami Balzac, afin de voir ce qu'il y a en-dessous, vous ne serez pas déçus, à tout le moins, c'est mon misérable avis, qui ne vaudrait pas grand-chose en justice.
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Le Chef-d'oeuvre inconnu

Balzac nous transpose au XVIIe siècle dans le monde artistique des peintres. Un jeune homme alors inconnu, Nicolas Poussin, discute avec deux autres de ses pairs : Porbus et un personnage un brin mystérieux, haut en couleurs, maître Frenhofer. Porbus vient de peindre Marie L’Egyptienne mais aussi beau et intéressant que soit ce tableau, Frenhofer ne peut s’empêcher d’y mettre sa touche, au point que la toile est sublimée. Il leur explique qu’il est en train d’achever un tableau un peu particulier, La belle Noiseuse, un chef-d’oeuvre. Cependant, pour cela, il lui faudrait comme modèle une femme parfaite…



J’ai déjà eu l’occasion de le dire, je préfère nettement Balzac dans ses nouvelles que dans ses romans. Et là encore, cela s’avère vrai. Le lecteur plonge dans cet univers pictural, se régale avec ce peintre génial ou fou (c’est selon) qu’est Frenhofer. Celui-ci veut comprendre tous les rouages de la création et faire une peinture plus vivante que nature.



Entre moments sensuels et passages culturels et philosophiques, nous nous transformons, en l’espace de quelques pages, en un disciple du peintre… mais attention à la chute !
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La vendetta

Balzac et moi c'est une drôle d'histoire, j'ai lu Les Chouans adolescente, le meilleur moyen pour moi d'associer Balzac avec un vomitif, ben non je n'étais pas une surdouée... ensuite, jeune adulte j'ai lu Ferragus, chef des Dévorants et j'ai adoré. Encouragée j'ai lu La Peau de chagrin et j'ai certes apprécié mais sans étincelles. Autant dire qu'Honoré et moi, ce sont un peu les montagnes russes.



C'est donc sans espoir démesuré que j'ai entamé La Vendetta et bien m'en a pris. J'ai eu comme l'impression de découvrir une pépite puis je me suis souvenue que c'était Balzac... Ah bah oui pfff !



La Vendetta nous offre une écriture légère, sans trop de fioritures, mais attention c'est Balzac donc c'est travaillé, maîtrisé de bout en bout, le génie est là pas de doute cette fois.



On est d'abord intrigué par cette petite famille Corse qui vient s'installer à Paris avec son histoire de vendetta, puis on s'intéresse à l'unique fille de la famille Ginevra au caractère aussi fort et sauvage que les côtes de son île natale et enfin on tombe sous le charme du roman dans son entier. On est pris au cœur par le parcours de Ginevra et son destin Shakespearien et on ne lâche plus le bouquin.



Une magnifique performance pour moi et pourtant c'est un roman de seulement 119 pages, ce qui prouve bien que ce n'est pas la taille (du crayon) qui compte, mais la façon dont on s'en sert. 😜
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Illusions perdues

Excellente observation du comportement humain. Les temps ont changé ? Oh, pas tellement ! Un écrivain devra de toute façon traverser ces expériences humiliantes et perdre peu à peu ses illusions. Plus que jamais, l'homme est avide d'argent et de pouvoir, l'art n'a pas de valeur en soi...
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Massimilla Doni

Ouuhh ! Attention, écartez-vous, je vais cracher sur Balzac ! Je ne sais pas trop le faire méfiez-vous, je risque d’éclabousser. Effectivement, ce n’est pas souvent que vous me prendrez en flagrant délit de crachat sur mon Balzac adoré, mais Massimilla Doni (ça se prononce " ma semelle à dîner ", c'est vous dire si c'est savoureux) c’est un truc indigeste absolument pas comestible.



En fait, je crois qu’en écrivant cette nouvelle, Honoré de Balzac a voulu se faire plaisir à lui, mais malheureusement pas à nous. Il nous y exprime de long en large son amour pour l’Italie en général et pour Venise en particulier. C’est long, c’est pléthorique, c’est ennuyeux, on se croirait dans Vingt Mille Lieues Sous Les Mers quand Jules Verne s’attaque à la description systématique de chaque tête de boulon du Nautilus.



Donc, après avoir subi la description de Venise sous toutes ses coutures, vous ne serez pas encore au bout de vos peines car, un peu à la façon de Gambara mais en pire, vous allez subir l’explication musicale mouvement par mouvement, instrument par instrument, note par note du Moïse de Rossini et franchement, sans la musique, c’est rébarbatif au possible. Balzac nous en met plein la vue, plein les oreilles, il veut nous montrer qu’il en connaît un rayon en matière d’art (que ce soit musical ou pictural) mais c’est d’un lourd, mes aïeux ! d’un lourd ! On prendrait Big Ben sur le pied qu’on n’y verrait pas trop de différence.



Et enfin, cerise sur le gâteau, v’la ti pas qu’il nous greffe là-dessus une mièvre histoire d’amour de duchesse marshmallow et de prince barbapapa croisée avec une jalousie de cantatrice à la gomme et de ténor casse-bonbon, je ne vous dis que ça. J’ai adoré !



Bref, c’est pédant, c’est mal senti, c’est d’un intérêt très limité, cent fois plus limité qu’à l’accoutumée avec cet auteur que je porte pourtant particulièrement dans mon cœur. Balzac y rebrode le canevas qu’il a déjà ourdi dans Le Chef-d’Œuvre Inconnu et dans Gambara, à savoir que lorsque l’on va trop loin dans son art, on en devient incompréhensible par le commun des mortels. Ici, c’est le ténor Genovese qui, lorsqu’il veut époustoufler la cantatrice Tinti devient grotesque alors qu’en temps normal, c’est le plus grand ténor de sa génération.



L’autre thème vaguement abordé dans Massimilla Doni, c’est celui de la perte de pureté en faisant basculer l’amour du platonique au charnel. Oui… bon…, tout ça pour ça… tournons la page et oublions ça très vite mon cher Honoré, vous qui ne vous êtes pas beaucoup honoré avec cette soupe vénitienne.



Pour ceux qui souhaiteraient tout de même tenter l’aventure, voici le synopsis en deux mots. Massimilla Doni, fille d’une illustre famille florentine a passé sa jeunesse au couvent puis, comme ça se faisait beaucoup à l’époque, s’est vue mariée à un inconnu de duc qu’elle n’a évidemment pas choisi et qui doit lui servir de mari pour le restant de ses jours. Coup de chance, le duc de mari n’est pas entreprenant et brille même par son absence tous les jours que Dieu fait, lui laissant une totale liberté où son angélique religiosité peut s’épanouir à plein.



Émilio Memmi, lui aussi prince de sang d’une très illustre famille, mais vénitienne quant à elle, souffre de l’indigence matérielle dans laquelle lui et les siens sont tombés. Sa demeure est en train de tomber en ruine et il n'a pas le sou pour la remonter. Toutefois, il rencontre Massimilla Doni, paf ! ils tombent amoureux comme des angelots, c’est beau, c’est platonique, ils ne demandent rien de plus, ils peuvent rester purs, faites grincer les violons, etc., etc. Jusqu’au jour où, sur un malentendu, Émilio se retrouve dans la chambre de la sublime cantatrice Tinti que tout le monde courtise et qui éconduit chacun.



D’abord surprise puis séduite, la Tinti va consommer avec notre brave Émilio ce que jamais d’ordinaire il ne consomme avec sa Massimilla adorée… Tatam ! Qu’en attendre ? Tatatatam ! Et bien là n’espérez rien. Qu’en attendre ? Un long et vaste ennui. Mais bien évidemment, ceci n’est que mon avis, c’est-à-dire, pas grand-chose.

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Le Père Goriot

Ce roman aurait pu s’appeler la maison Vauquer tant le lieu lui-même comme ses pensionnaires sont présents. C’est d’ailleurs sur sa description qu’il s’ouvre. Et si le roman est présenté comme l’histoire de l’amour paternel déçu du père Goriot, beaucoup de personnes se croisent dans ce titre et l’on retrouve la plupart dans d’autres titres de la Comédie humaine.

Ce personnage de Goriot est extrêmement attachant. Ancien vermicellier, il s’est retiré des affaires et s’est logé dans le plus bel appartement de la pension. Il a marié richement ses deux filles Delphine à un baron, Anastasie à un comte, à une époque où le mariage était la seule possibilité de réussite des femmes. Pensant recevoir l’affection de ses filles en retour, il est au contraire bientôt écarté de leurs foyers et ne les voit que lorsqu’elles sont à court d’argent. Il se dépouille petit à petit et doit bientôt changer successivement d’appartement jusqu’à une misérable mansarde. Même s’il s’est fourvoyé dans son amour inconditionnel pour ses filles qui le lui rendent si peu, cet amour maladroit, on peut même dire malsain, est pourtant à la fois compréhensible et tellement touchant. Touchante aussi sa fausse naïveté qu’il trahit parfois : « . Ah ! mon bon ami, monsieur Eugène, vous ne savez pas ce que c’est que de trouver l’or du regard changé tout à coup en plomb gris. Depuis le jour où leurs yeux n’ont plus rayonné sur moi, j’ai toujours été en hiver ici ; je n’ai plus eu que des chagrins à dévorer, et je les ai dévorés ! J’ai vécu pour être humilié, insulté. Je les aime tant, que j’avalais tous les affronts par lesquels elles me vendaient une pauvre petite jouissance honteuse. Un père se cacher pour voir ses filles ! Je leur ai donné ma vie, elles ne me donneront pas une heure aujourd’hui ! »

Autre personnage récurrent, Rastignac, dont j’avais toujours entendu parler comme d’un affreux arriviste, et c’est vrai qu’il le deviendra plus tard. Mais lorsqu’il arrive à Paris et s’installe dans la pension Vauquer, c’est encore un cœur relativement pur. Relativement car il n’hésite pas à exploiter l’amour inconditionnel que lui portent sa mère et ses deux sœurs. Il sera le seul avec le futur docteur Bianchon à s’intéresser à ce vieil homme, à le soigner, à s’indigner de son sort. Et si c’était un personnage réel, pour cela je trouverais qu’on peut beaucoup lui pardonner. Autant que le portrait d’un « Christ de la Paternité », c’est le roman d’apprentissage de Rastignac. Arrivé depuis peu à Paris, il apprend grâce à madame de Beauséant à se conduire dans le monde. Et dessillé tant par le sort du père Goriot que par les conseils de Vautrin, il finit par prendre la décision de réussir à tout prix et particulièrement par les femmes.

Autre personnage qui parcourt la Comédie humaine, Vautrin, qui apparait dans ce titre. Ancien bagnard, sachant se couler dans des personnalités différentes, il est très intelligent et cynique. Il offre son aide à Rastignac afin qu’il réussisse dans le monde. Il n’hésitera pas, pour montrer son pouvoir, à faire assassiner sous couvert de duel, un jeune homme afin que sa sœur soit enfin accueillie par son père qui la rejette depuis des années.

Que celles et ceux qui n’auraient pas lu cet ouvrage et envisageaient de le faire, ne soient découragés par cette critique. D’une part l’œuvre est tellement connue que je ne pense pas avoir dévoilé grand-chose et d’autre part il y a beaucoup d’autres éléments dans ce merveilleux livre de Balzac. Connaissez-vous par exemple la charmante mademoiselle Michonneau ?

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Une rue de Paris et son habitant

Je découvre tout juste cette nouvelle de Balzac. 35 pages dans lesquelles on découvre le Paris du XIXe siècle, avec « des rues courbes, des rues qui serpentent. » Mais qui est ce fameux habitant indiqué dans le titre ? Il s’agit d’un savant, un certain Marmus, ou plutôt, pour être plus exacte, du « célèbre professeur Jean-Népomucène-Apollodore Marmus de Saint-Leu, l’un des plus beaux génies de ce temps. » C’est à travers ce personnage quelque peu particulier que nous déambulons dans la Capitale, en 1827. Nous faisons également connaissance avec l’épouse du savant. Il faut avoir un bon caractère pour être la compagne d’un tel homme ! Elle dira ainsi, à sa domestique, « un savant, voyez-vous, est un homme qui ne sait rien du tout… de la vie, s’entend. »



Cette nouvelle oscille entre le sérieux et l’humour. Oui, oui, j’ai bien dit « humour ». Je sais que ce n’est pas courant chez cet écrivain mais c’est bien le cas ici. J’ai pris plaisir à la lire.
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