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Citations de Jacques Lacarrière (282)


Tristesse de la cité
  
  
  
  
Le bruit est mort dans cette ville
inquiète. Ce qu’on entend n’est rien
qu’un écho de la vie qui s’obstine,
la voix des morts lugubres qui survit
en suspens, ne s’éloigne pas même
quand on a refermé les tombeaux.
Dans les rues vides se promène
le souvenir de ceux
qui ont vécu pleins d’élans, de passion,
et voilà ce qui reste
de ces gens
qui ont vécu leur vie dans cette ville.
Ils vont et viennent, parlent parfois
peut-être, ces troupeaux humains,
errant çà et là, sans but, délaissés,
mais partout s’est posé un affreux silence,
brisant le cri de la douleur :
et celui qui l’entend est vraiment mort.


// Zoé Karèlli / Ζωής Καρέλλης (1901 – 1998)

/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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Capitale de la volupté : Alexandrie. Capitale des désirs. Des déviances. Tous les amours y avaient cours : l'amour fou, lubrique, angélique, démoniaque, platonique, primate, vénal, anal, homo, hétéro, lesbien, pédophile, nymphophile, zoophile même (assez naturel dans un pays où les animaux passaient pour le réceptacle des dieux). Alexandrie sut dépasser Athènes et Rome dans l'art d'apparier féeriquement en l'homme l'ange et la bête.
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Lapidaire - extraits
     
~ Hercynite
     
J’aime ton mot de nuit et ton nom
d’avant l’homme quand, infante, la terre
s’apprêta aux sacres des volcans.
Pavane des soleils. Cantate des calcaires.
En toi dort et attend, chrysalide, le temps.
     
     
~ Opale
     
Embruns d’anges. Chatoiements d’ailes.
Cortèges irisés en l’arche des silices.
Et cette Élévation harassée de lumière.
Qui dit l’exsangue histoire où tarit ton sang clair.
     
     
~ Émeraude
     
Verdoie le cri des nuits. Et verdoient le silence
et l’espérance oeuvrée au secret des granits.
Hosannah de l’herbe enclose en ton éclat.
Printemps premier. Puisque, vestale,
tu veilles le temps vierge.
     
     
(Première publication : Lapidaire.
Gravure de Piza. Paris, Fata Morgana, 1980)
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* Et, pour m'aider à relire et corriger ces lignes, à l'occasion de cette réédition, une bouteille de Chablis 1973.
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Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne

p160
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À dix-huit siècles de distance, la parole et l'exemple des gnostiques demeurent toujours aussi décapants. Avec ses tueries absurdes, ses violences quotidiennes, ses programmes d'abrutissement collectif, le monde d'aujourd'hui légitime au plus haut point le refus absolu que lui opposaient déjà ces lointains rebelles. Pour eux, une création pareillement ratée ne peut être le produit que d'un Dieu méchant, un Dieu ennemi de l'homme. "Viscéralement, impérieusement, irrémissiblement, note Lacarrière, le gnostique ressent la vie, la pensée, le devenir humain et planétaire comme une œuvre manquée, limitée, viciée dans ses structures les plus intimes. (...) Mais cette critique radicale de toute la création s'accompagne d'une certitude tout aussi radicale, qui la suppose et la sous-tend : à savoir qu'il existe en l'homme quelque chose qui échappe à la malédiction de ce monde, un feu, une étincelle, une lumière issue du vrai Dieu, lointain, inaccessible, étranger à l'ordre pervers de l'univers réel, et que la tâche de l'homme est de tenter, en s'arrachant aux sortilèges et aux illusions du réel, de regagner sa patrie perdue, de retrouver l'unité première et le royaume de ce Dieu inconnu, méconnu par toutes les religions antérieures."
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J'ai lu très peu de récits de voyage en Grèce. J'ai lu la Prière sur l'Acropole de Renan, lu aussi l'Itinéraire de Paris à Jérusalem de Chateaubriand, les deux merveilleuses nouvelles du comte de Gobineau, Le mouchoir rouge qui se passe à Céphalonie et Akrivie Frangopoulo qui se passe à Naxos. Ajoutons quelques pages de Lamartine et le Voyage en Orient de Gérard de Nerval. J'ignore ce que Barrès a pu dire de la Grèce et ne m'en soucie nullement. J'oubliais aussi quelques pages de la correspondance de Flaubert où il parle de ses excursions dans le Péloponèse et de son séjour à Patras. Rien d'autre. Dans ce domaine, je n'ai ni modèle ni référence. Les livres sur la Grèce moderne se sont multipliés ces dernières années mais à part Le colosse de Maroussi d'Henry Miller, les merveilleux ouvrages, inconnus en France, de Patrick Lee Farmor sur la Roumélie et le Magne, et ceux de mon ami Lawrence Durrell sur Rhodes et le Dodécanèse, aucun ne m'a vraiment touché et ne semble être entré dans le cœur des êtres et des choses. Si: quelques très belles et justes pages de Michel Déon dans Le rendez-vous de Patmos. C'est peu pour un helléniste. Mais je n'ai jamais ressenti à propos de la Grèce le besoin de lire à tout prix ce qui fut écrit sur ce pays, du moins sur le pays moderne. Ne me sentant pas la mentalité ni les goûts d'un explorateur j'ai vite fui l'exotisme et le pittoresque pour rechercher ce familier différent qui est la seule approche possible d'un pays. Rien d'ethnologique donc dans ma façon de voir et de vivre. Je dirais même (et je m'en rends compte justement en écrivant ce livre) que je n'ai jamais observé la Grèce ni les Grecs d'une façon systématique ou approfondie.
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Dès qu'il eût terminé la création des animaux - au soir du cinquième jour - Dieu se tourna vers l'archange Gabriel, son assistant, et demanda :
- Alors où en sommes-nous ?
Gabriel compulsa son computer cosmique, décoda la réponse sur l'écran du ciel et répondit :
- 30 000 espèces de protozoaires
80 000 espèces de mollusques
750 000 espèces de d'arthropodes
70 000 espèces de vertébrés. On continue ?
Dieu eut un geste las :
- Non ça suffit pour aujourd'hui.
Et, l'oeil ému, il contempla les résultats de l'admirable Création : à peine formés, à peine surgis, Cnidaires, Coelenthérés, Chélicérates, Pycnogonides, Myriapodes, Pogonophores, Céphalocordés, sans oublier les Acantocéphales et les Némathelminthes, s'adonnaient déjà aux joies de la lutte pour la vie et s'entre-dévoraient grâce aux maxilles, mandibules, trompes, pédipalpes, tentacules, crochets, becs, tarières, serres et chélicères dont ils étaient pourvus pour broyer, sucer, saisir, serrer, pincer, hacher, trouer, perforer, triturer... Quel merveilleux spectacle !

L'animal-somme, p. 271
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Dans l'île de Patmos, en Grèce, j'ai habité longtemps une pièce nue, d'une blancheur immaculée et donnant sur la mer . Aux murs rien ou presque rien : une icône, une veilleuse, une photographie . Je rêve depuis ce temps d'un tel dépouillement pour l'écriture . Je rêve de murs chaulés et nus, d'une immaculée construction qui serait la vierge matrice d'un livre-dieu toujours ressuscité . Je hais les entassements d'objets hétéroclites, tous les capharnaüm de la mémoire, le fouillis étalé au grand jour des chambres funéraires de notre esprit . La méditation, la réflexion n'ont besoin que du vide intérieur, de l'absence, de la nudité des désirs .
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On connaît le calendrier établi par certains savants : si l’on faisait tenir l’histoire de la vie sur Terre dans la durée d’une seule année et que la vie débuté le 1er janvier, les premiers vertébrés marins surgiraient fin juillet, les premiers mammifères fin octobre. L’ère tertiaire débuterait le 13 décembre, l’ère quaternaire le 31 décembre. Quant à l’homme, le Pithécanthrope naît vers 17h30, l’Homo sapiens vers 23h50, l’époque néolithique commence à 23h54 et l’âge de bronze à 23h59. Il ne reste plus qu’une minute pour toute l’histoire de notre civilisation ! Nous ne sommes donc qu’au tout début de notre évolution et, loin d’être des créatures achevées, comme le croient et comme le proclament les principales religions, nous ne sommes qu’une esquisse ou qu’un brouillon d’homme, un être encore inabouti, un bipède simplement ébauché.
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Argo



Mes histoires je les ai apprises près des bateaux
non par des voyageurs ou des marins
ou par les autres sur les jetées qui attendent
débarqués perpétuels, cherchant dans leur poche une
    cigarette.
Des visages de bateaux hantent ma vie :
les uns ouvrent les yeux comme le Cyclope
immobiles sur le miroir des eaux
d’autres avancent comme des somnambules, dangereusement,
    d’autres encore
ont sombré dans les abysses du sommeil
chaînes bois voiles et cordages.
Dans la petite maison fraîche au jardin
parmi les trembles et les eucalyptus
près du moulin couvert de rouille
de la citerne jaune où tourne seul un poisson rouge
dans la petite maison fraîche qui sent l’osier
j’ai trouvé une boussole de marine
elle m’a montré les anges de tous les temps qui hantent
le silence du plein midi.
                                                                    Novembre 1948


//Yòrgos Sefèris (1900 – 1971)
/Traduit du grec par Michel Volkovitch
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De toute façon on ne peut suivre qu'un chemin à la fois .
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CAIRNS



À la croisée des vents,
il convient d’édifier pierre à pierre
son havre et sa maison de certitude.

Cairns : bouées de pierre
disposées tout au long des chemins d’éclairs et d’orages
pour orienter et pour aider les naufragés de l’altitude.

Une à une, sur le socle nu des saisons,
ces pierres déposées, distillées par le ciel,
comme les stalactites de l’azur.

Je suis seuil et je suis chemin.
Je suis pierre qui dit l’horizon.
Je suis l’enclos des pas nomades.

Je suis paume
où se lisent les lignes
de l’ailleurs.
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"Ecrire à un homme de lettre, me dit un autre jeune lecteur, c'est un peu tendre sa main à un médecin. Que va-t-il penser de moi ? La main devient moite et style ampoulé."
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Depuis Chabreloche, j'ascends régulièrement chaque jour de quelque deux cents mètres.

p153
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Tous ceux qui ont traversé la Grèce et le Proche-Orient par ces moyens locaux savent qu'il existe aussi des méridiens pour les moteurs et pour les mécaniques. Je veux dire que la façon d'utiliser, de manoeuvrer, de réparer automobiles, autocars et camions est foncièrement différente à partir d'un certain degré de longitude. Bien sûr, vis, écrous, soupapes sont les mêmes mais on dirait qu'une fois passés entre les mains d'un Grec, d'un Turc, d'un habitant des hauts-plateaux ou des déserts, les moteurs fonctionnent selon d'autres principes, les carrosseries ignorent la limite d'âge, les véhicules deviennent brusquement investis d'une sorte d'immortalité.
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Athos est une survivance, une parcelle de Byzance enclose en notre époque. Et le monde des vivants y reproduit avec tant de rigueur celui des morts et des ancêtres que les moines donnent parfois l'impression d'être des icônes animées, des silhouettes d'autrefois égarées dans notre présent. Oui, c'est bien une sorte de miroir invisible qu'on franchit en traversant le golfe de Longos au bout duquel tremblent ce mont et ce monde des ombres. Cette fixité, cette pérennité du temps d'Athos n'est pas une impression romantique ou forcée.
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Un anachorète qui vivait autrefois dans le désert d'Egypte et dont la vie ascétique exemplaire attirait de nombreux visiteurs, vit venir à lui un jeune moine tout impatient qui lui demanda : " Maître, apprends-moi comment sauver mon âme et gagner mon salut." L'anachorète l'examina puis lui dit : "Avant que je t'enseigne, va d'abord t'installer là-bas, au pied de la colline que tu vois et comptes-en les grains de sable. Après tu reviendras." Le disciple ne revint jamais.
Egypte ou Bourgogne, sable ou herbe, on trouve toujours autour de soi de quoi occuper son besoin d'infini. Nous parlerons plus tard de l'Egypte et du sable. Puisqu'elle est à ma porte, devant ma fenêtre, commençons par cette colline et commençons par l'herbe. Car, autant le redire pour que tout cela soit clair, tant que je ne connaîtrai pas l'herbe de cette colline, il me parait vain, stérile et inutile d'aller ruminer le monde.
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Imagination du moi
extrait 2
  
  
  
  
Immobile à tous les pas
sans un geste j’accomplis
une foule de gestes je sens
le moindre geste
             plaisir
tu es du temps le terrible
principe où se rencontrent
privation et multitude
angoisse durable le temps
inlassable inexorable
où j’endure, tout dure
où je me trouve, je me retrouve
et vois
à travers l’espace du temps
le temps du corps, qui prend corps.


// Zoé Karèlli / Ζωής Καρέλλης (1901 – 1998)

/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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La neige ici n’en finit pas …
  
  
  
  
La neige ici n’en finit pas. Dans l’Attique
on l’accueille comme une pause bienfaisante
ou le recueillement avant les amandiers en fleur
ou le draps du théâtre d’ombres après les flonflons.
Les gens sont contents, sortent dans la nature, oublient
la pauvreté. La neige ici
c’est le zéro. À des milles en dessous de zéro
tandis que le sable blanc scintille, des visages
sans joues, sans traits, des yeux
veillent loin de la terre bénie.
Je n’oserais parler de prières, et pourtant
on sacrifie un agneau parfois :
le sang jaillit, soleil explosant, aveuglant.

Instants où tout s’en va, où tout bruit
semble le premier ; tombant, dirait-on
dans une main de pierre ou de bois.
Et les hommes s’en vont, d’où naissent des statues.

                                 Janvier 1949


// Yòrgos Sefèris / Γιώργος Σεφέρης (1900 - 1971)

/ Traduit du grec par Michel Volkovitch
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