Il se pourrait bien qu'il y ait bien plus de civilisation, d'urbanité, d' humanité , où la présence humaine dans un rayon de centaines de km se compte sur les doigts de pas plus de deux mains. Après tout, même dans ce domaine, la qualité (humaine) compte plus que la quantité, n'est-ce pas ? Eh bien, je pense qu'une bonne réponse à cette question a été donnée - et réitérée à plusieurs reprises - par Jørn Riel et sa bizarre bande de chasseurs polaires.
Dans ce cas également, comme pour les autres livres de la série, Jørn Riel décrit ses histoires comme " une vérité qui pourrait être un mensonge, ou un mensonge qui pourrait être un mensonge ": une sorte de légende urbaine hyperboréenne, en somme, de dérivation orale claire, à travers laquelle transmettre avant tout des histoires d'hommes dans des endroits difficiles avec une pléthore adéquate d'ajouts, de raffinements, d'ajustements, de personnalisations, afin de les rendre extrêmement fascinant et captivant tout en restant toujours crédible, même s'il soulève fréquemment les sourcils et s'amuse constamment.
D'un autre côté, même le cadre des histoires de Riel est absolument stupéfiant : le nord-est du Groenland, une terre extrême de fjords gelés et d'énormes montagnes enneigées, de vastes espaces encore largement inconnus, de froid intense, de silence profond, de solitude inexorable. Une terre où l'homme est remis à sa place par rapport à la Nature qui à son tour redevient impérative et invincible sur tout et sur tous, humains et animaux ; mais aussi, d'autre part et pour la même raison, une terre où - pour ainsi dire - un surplus d'humanité est nécessaire pour survivre sinon (exploit presque héroïque) vivre. Un lieu hostile au pouvoir maximum dans lequel, cependant, l'homme peut redécouvrir la valeur authentique de certaines vertus telles que l'amitié, l'entraide, la solidarité, la communauté de visions et de modus vivendi et non moins la conviction en ses propres moyens, en ses possibilités et dans la capacité de résistance et de sacrifice.
Bien sûr, tout ce qui peut provenir d'hommes trop « conformés » à la dureté des lieux ou, avec le temps, moins habitués aux homologations ordinaires de la civilisation, et dans la bande des chasseurs de renards, de phoques, d'ours et des bœufs musqués racontés par l'écrivain danois (qui, de surcroît, connaît bien le Groenland pour y avoir vécu et travaillé seize ans) chaque personnage se distingue par quelques-uns de ses propres caprices, des caprices étranges, une passion extravagante ou par un caractère qui lui est propre.
Je crois que la grandeur de Riel réside aussi dans sa capacité à rendre toute la beauté glaciaire du paysage arctique d'une manière profondément touchante mais sans jamais excéder en déclarations redondantes et en hyperboles narratives : pourtant le Groenland est là, bien présent, proéminent mais pas écrasant, éducateur de vie rigide mais profondément didactique, éducatif et, même, dans certaines situations presque accueillant, à condition de savoir tisser un lien pleinement anthropologique et culturel avec son territoire ancestral et puissant, et avec son puissant Genius Loci, respectueux, correct et jamais futile, peut-être même anguleux ou abrupt, jamais vide de sens et de substance.
Les personnages de Riel savent le faire au mieux, par nature innée, tempérament acquis ou par simple et efficace esprit de survie : ils savent construire un paysage plein de valeur humaine sur lequel coulent même des événements bizarres et, je crois, c'est précisément dans ce paysage humain d'une valeur anthropologique absolue que Riel sait s'immerger et en tirer sa narration intrigante.
Quelles sont les deux limites à l'intérieur desquelles la nature humaine évolue inexorablement, de gré ou de force, comme on le voit bien en ce moment. Après tout, c'est aussi pour cette raison que les récits de Riel sont dotés d'une force littéraire et narrative ultratemporelle, qui les rend toujours lisibles, en donnant toujours un grand plaisir ainsi qu'une grande profondeur culturelle. Même au milieu d'un groupe fou de robustes chasseurs arctiques...
Lisez-les, les livres de Jørn Riel :
on a toujours besoin de l'authenticité humaine et culturelle qu'il est si capable de raconter et de rendre emblématiquement fascinante.
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