Troisième et dernier volet de cette saga qui retrace un millénaire de la vie au Groenland. Ce roman suit la vie de Soré et de sa mère Maria qui l'a abandonnée enfant. Ici point d'angélisme sur les minorités ethniques, on est loin du “bon sauvage”: Maria est battue violemment par son mari alcoolique, Soré se fait violer adolescente par des marins danois. Sans parler d'un environnement hostile.
La mère et la fille vont être séparées et chacune mènera sa vie avant de se retrouver et de raconter, à travers leurs parcours, le XXe siècle groenlandais. La domination des danois, puis l'autodétermination, le nomadisme qui disparait, arrivée d'une certaine modernité, la pauvreté qui perdure, maladies et alcoolisme également. Malgré tout la culture et l'identité des autochtones sont préservées tant bien que mal.
Jørn Riel, dans cette trilogie, exprime tout son amour pour ce pays si dur pour ses habitants et si généreux grâce à eux. Avec notamment une prédominance de personnages féminins forts et marquants. Une évocation sensible, avec une touche d'humour salutaire, des aventures et des voyages dignes des grands explorateurs. L'auteur conclut ici cette trilogie de fort belle manière.
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Vous n'auriez pas pensé au Groenland pour vos prochaines vacances ? Vous changerez peut-être d'avis après avoir lu Jørn Riel, auteur danois qui y a vécu 16 ans... Dernier tome du "Chant pour celui qui désire vivre", Soré peut aussi bien se lire indépendamment du reste de la trilogie qui retrace 1000 ans d'Histoire du peuple Inuit. Il met en scène une héroïne contemporaine renversante de courage : la jeune Soré, recueillie par son grand-oncle Lûtivik après la mort violente de ses parents. Par-delà les épreuves dramatiques qui émaillent sa vie, elle redécouvrira son plus grand trésor : l'histoire de sa famille et de ses ancêtres. Au fil de ses pérégrinations pour reconstituer celle-ci, Soré se fait le témoin d'une société en mutation, dont les valeurs d'humilité et de solidarité restent les meilleures armes face à une nature aussi rude qu'enchanteresse.
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« Toute jeune, j'ai reçu en cadeau le don du conteur, dit-elle. En ce temps-là, j'avais une voix claire et une imagination galopante. Magga se souvient sûrement que j'avais toujours une histoire en tête, et que je savais relier les mots en phrases, aussi facilement que je nouais les fleurs en couronne en été. C'étaient mes histoires, nées de tout ce que j'entendais et que je vivais. Les récits poussaient et voulaient sortir. Ils s'élevaient en moi et devenaient immenses parce qu'ils souhaitaient être racontés. Tant que ma mère Abelone vécut, ce fut ainsi. J'étais si heureuse alors. Puis il arriva quelque chose qui pendant longtemps tua ma joie de raconter. »
Nous savons, que de tout temps, les Kavdlunait1 ont considéré les hommes dont la peau et le mode de vie différaient des leurs comme sous-développés et arriérés. Ils pensent que notre langue est primitive parce que nous n’avons pas de mots pour exprimer ce qui appartient à leur monde. Pour pouvoir, nous expliquer, nous empruntons à leur langue des mots qui auparavant étaient inutiles.
Lûtivik était un artiste doué d'une grande imagination. Un Noël, il fit un jeu d'échecs pour Johannes. Les tours étaient des morses, les cavaliers des baleines, les fous des rennes, et les reines des ours. Les pions étaient tous de petits phoques marbrés et les rois des aigles, l'animal que Lûtivik admirait le plus, même s'il lui volait de temps à autre un agneau.
C'était une vieille maison, une des dernières dont le toit était encore couvert de tourbe. Une grande fenêtre donnait sur la mer, et du côté de la montagne s'élevait un monticule de terre et de pierres. Deux grands blocs de granit l'entouraient, la protégeant contre le vent du nord, et elle soupirait et gémissait sans cesse, comme le font les vieilles maisons ; en hiver à cause de la pression de la neige et des grands coups de vent, en été à cause de la pluie ou du soleil brûlant. C'était une vieille maison grognon, mais elle était très belle : quand on la regardait, on sentait le lien entre les hommes et la nature.
Nous savons que de tout temps,les kavdlunait ont considéré les hommes dont la peau et le mode de vie différaient des leurs comme sous-développés et arrièrés .Ils pensent que notre langue est primitive parce que nous n'avons pas de mots pour exprimer ce qui appartient à leur monde.Pour pouvoir nous expliquer,nous empruntons à leur langue des mots qui auparavant étaient inutiles.
Jørn Riel est né au Danemark en 1931.
Parti avec lexpédition de Lauge Koch en 1950, il a vécu 16 ans au Groenland. Du fatras des glaces et des aurores boréales, il rapportera une bonne vingtaine douvrages, soit à peu près la moitié de son œuvre à ce jour.
Le versant arctique des écrits de Jørn Riel (dédié pour une part à Paul-Emile Victor quil a côtoyé sur lîle dElla, pour lautre à Nugarssunguaq, la petite-fille groenlandaise de Jørn Riel) est constitué dabord par la série des racontars arctiques, suite de fictions brèves ayant toujours pour héros ou anti-héros magnifiques les derniers trappeurs du nord-est du Groenland, paumés hâbleurs, écrivain de pacotille, tireur myope, philosophe de comptoir devant un imbuvable tord-boyaux, bourrus bienveillants, tous amoureux de cet être cruellement absent de la banquise, la femme. Au-delà du rire, parce que les livres sont de nature à dérider les plus mélancoliques, cest bien toute une nouvelle vision du monde que nous offre Jørn Riel.
Il vit aujourdhui en Malaisie. Histoire de décongeler, se plaît-il à dire. Mais derrière la boutade se cache quelque chose de plus fondamental. «Jaime la nature, quand il y en a assez, les étendues de glace de larctique et la jungle tropicale.» Et cette nature, et les hommes qui la vivent encore, Jørn Riel va maintenant les retrouver, quelques mois chaque année, parmi les papous de lIrian Barat en Nouvelle Guinée. Qui vivent encore à lâge de pierre, et navaient jamais vu dhomme blanc avant lui
Transfo Maton
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