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Citations de Louis Calaferte (698)


Au bout

Nous arrivâmes à la nuit tombée.
Ce lieu était celui où nos porteurs devaient nous quitter, s'étant refusés, malgré notre insistance et notre offre de primes alléchantes, à poursuivre le lendemain avec nous.
Depuis, nous errons dans une plaine aride, sans espoir de retrouver jamais le chemin qui nous amena ici.
Page 56
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Les livres avaient sur moi un pouvoir hypnotique . Longtemps , mes rêves de la nuit ont été encombrés de librairies aux proportions fabuleuses où j'étais accueilli en ami bienvenu , où l'on mettait à ma disposition des bibliothèques cachées contenant des éditions introuvables .
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Rien ne change autant qu'on croit; en soi-même moins encore. Cette distance du vieillissement sert à nous enseigner qu'il ne va jamais dans notre moule que ce qu'il est en mesure de contenir. Ce n'est point tant : "Fidèle à soi-même", que : "Réduit à soi-même".
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Démons du dehors. Démons du dedans.

Ceux du dehors sont facilement apaisés. Leurs aspirations sont grossières.
Ceux du dedans sont raffinés, soupçonneux, perspicaces. On ne les dupe pas. Ils se nourrissent de notre propre chair. Parfois, il nous faut les consoler d'être, et de n'être que ce qu'ils sont.
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Toi, ma mère, garce, je ne sais où tu es passée. Je n’ai pu retrouver ta trace. J’aurais bien aimé pourtant. Tu es peut-être morte sous le couteau de Ben Rhamed, le bicot des barrières dont les extravagances sexuelles t’affolaient. Si tu vis quelque part, sache que tu peux m’offrir une joie. La première. Celle de ta mort. Te voir mourir me paierait un peu de ma douloureuse enfance. Si tu savais ce que c’est qu’une mère. Rien de commun avec toi, femelle éprise, qui livra ses entrailles au plaisir en m’enfanta par erreur. Une femme n’est pas mère à cause d’un fœtus qu’elle nourrit et qu’elle met au monde. Les rats aussi savent se reproduire. Je traîne ma haine de toi dans les dédales de ma curieuse existence. Il ne fallait pas me laisser venir. Garce. Il fallait recourir à l’hygiène. Il fallait me tuer. Il fallait ne pas me laisser subir cette petite mort de mon enfance, garce. Si tu n’es pas morte, je te retrouverais un jour et tu paieras cher, ma mère. Cher. Garce.
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L'important n'est pas tant de réfléchir que de déchaîner des forces. Ce n'est pas à la sagesse que doit aspirer l'artiste, mais à plus de folie, plus d'audace, plus de liberté. En profondeur ou dans l'étendue, l'art doit être déchirure. Le but supérieur de l'art est le fracassement.
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Mon frère Lucien fit mieux : il ne céda pas au fil de laiton destiné à le tuer dans l'oeuf. Il se contenta de naître idiot.
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Il y a dix-sept ans mourait mon père.

(...) Il m'aimait. (...)

Seul dans la pièce bien propre, bien ordonnée, la fraîcheur du matin, sa pureté, s'infiltrant par la fenêtre entrouverte, je me suis rappelé avoir quelquefois trouvé mon père, chaque jour debout avant nous tous, à cette place même où je suis assis.Nous faisions ensemble le tour du jardin.Il aimait les arbres. Il les touchait, les flattait de la main.Il me tenait par le bras.J'avais un peu froid.L'herbe était humide.Il y avait des touffes de grands Iris mauves, qui étaient ses fleurs préférées. Nous nous attardions à les contempler.

( Denoël- 1968, p.166)
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En quittant la chambre, elle était grave et cette gravité s'accordait si intimement à ma propre émotion que j'ai éprouvé une satisfaction paisible à la laisser, par le silence entre nous, se prolonger, jusqu'à ce que nous fussions ensemble assis sur le banc du cèdre. Encore est-ce elle qui m'a demandé si j'avais bien connu sa mère et si elle était jolie. (Elle ne me regardait pas. Elle épluchait entre ses doigts une tige d'herbe qu'elle avait cueillie.)
Je lui ai dit que sa mère était jolie et qu'elle lui ressemble. Nous nous sommes tus. Clémence nous a apporté des fruits.
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Je ne me suis pas rendu compte qu'on m'enlevait mon pyjama pour le remplacer par mon vieux costume beige.
En l'abaissant sur le col, la pointe de mon menton rencontre l'enflure relâchée du nœud de cravate. Mes mains maladroitement croisées ont été ramenées sur mon abdomen.
Je suis allongé, les pieds joints, un coussin sous la tête.
Je n'ai pas froid. Je déplore seulement une espèce d'empesage, d'ankylose des muscles de mon visage ; la peau ne coulisse plus sur l'os du crâne. J'ai l'impression de ressentir l'implantation de chacun de mes cheveux, comme autant de minuscules échardes, et je n'ai plus le sentiment de ma pesanteur. J'ai conscience encore de ma dimension, de mon volume, de ma forme générale, mais plus de leur densité.
J'aimerais essayer ma voix, gémir : je n'ose pas.
Page 110
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On l’arrête parce qu’il a été dénoncé. La police française arrête sur dénonciation. La Gestapo arrête sur dénonciation. Les Français se dénoncent entre eux.
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La lecture contribuait à tempérer au fond de moi cette anxiété, dont j'ai longtemps souffert, de n'être qu'un raté.
J'avais beau miser indéfiniment sur le lendemain ou l'année suivante, les jours se succédaient sans changement notable......
.....Ce genre de confrontation avec soi même est affreuse. C'est l'échéance. Lorsqu'on arrive ainsi au point mort de l'échec on est fatalement seul, et, qui plus est, sans argent.
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Puisque ce livre fut publié post-mortem , quoi de mieux pour l'illustrer qu' un poème de l'auteur :
PRIÈRE POUR QUAND JE MOURRAI
Voudrais qu'on m'enfougère , qu'on m'envente , qu'on m'enrose , qu'on m'encoquelicotte , qu'on m'enféminise , qu'on m'endoucisse , qu'on m'enciélise ....
Voudrais pas qu'on m'enterre .
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-Personne n’attend plus le jour à notre époque. Personne sauf les malades. Personne sauf ceux qui veulent gagner un jour de vie, et les enfants qui ont peur.
-Nous, on attend le jour, m’sieur Lobe.
-Nous oui… Oui petit : nous.
Il se baissait vers moi, m’embrassait sur le front. Ça piquait, c’était humide et doux. Une grosse peine enflait en moi. Un chagrin aux raisons obscures, aux racines ancestrales, qui n’osait éclater.
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L’homme se fait par l’homme. Il faut plonger avec les hommes de la peine, dans la peine, dans la boue fétide de leur condition pour émerger ensuite bien vivant, bien lourd de détresse, de dégoût, de misère et de joie.
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Elle attend ma chute, mon cri d'impuissance qui annonce, précède la chute.
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C'est le sort qui vous tire.
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Choisissant régulièrement le moment où je mâchais à belles dents une grosse bouchée de pollen parfumé pour téléphoner au secrétariat de l'usine afin de m'excuser de mon absence motivée par un inexplicable malaise qui m'avait pris dans la nuit sans que rien l'eût laissé prévoir la veille au soir. De peu de gravité, je pense. L'affaire de vingt-quatre ou quarante-huit heures au pire. Transmettez à la Direction générale, oui, mademoiselle, textuellement, j'y tiens beaucoup. Ajoutez à l'intention personnelle de M. Igoliogobulus, notre Directeur-gérant, que, cette année, le pollen courant est de toute première qualité. Celui des boutons-d'or en particulier. Je dis bien : boutons-d'or – petites fleurs innocentes qui ornent symboliquement la braguette tant soit peu voyante de notre frère David, lequel est justement en train de se vautrer dans l'herbe à mes côtés, me faisant signe de vous présenter ses compliments d'usage. Trop occupé à mastiquer un bouquet de xylothropes lunaires pour prendre lui-même l'appareil, mais se sent tout disposé à vous attendre ce soir à la sortie de votre travail, disons six heures et demi. Paierait les frais de la soirée et se ferait un devoir de vous raccompagner en taxi sans vous peloter plus qu'il n'est concevable. Quant à moi, mademoiselle, je me ses déjà en voie d'amélioration. Serai sûrement sur pied dès ce soir à la nuit tombante. Disponible. Peux vous consacrer une nuit entière avec coups à répétitions, si vous voyez où je veux en venir. Vous ferai profiter d'une expérience patiemment acquise. La vie est splendide prise dans un certain sens. Et je ne vous cacherai pas plus longtemps que votre cul que je vois chaque matin par la baie vitrée du standard téléphonique à l'entrée de l'usine est pour moi un objet de curiosité insatiable qui me traverse l'esprit plusieurs fois par jour sans que j'y mette pourtant de complaisance spéciale, au contraire, n'ayant jamais encore eu l'occasion d'apercevoir votre physique, la Direction prévoyante se doutant du danger que représenteraient pour d'humbles ouvriers de ma sorte une dizaine de paires d'yeux et de nichons bandés, sans parler de l'épaisseur, de la forme ou de l'expression des lèvres. En vertu de quoi elle vous a installées, vous et les autres, le dos tourné à l'entrée, commettant tout de même une grave erreur, car, à mon sens, rien n'est moins anonyme qu'un cul de femme quand on a le temps de se familiariser avec, ce qui est le cas pour le vôtre depuis bientôt six mois que je le retrouve à sa place matin, midi et soir si l'on compte pour rien les heures que j'ai passées à l'imaginer dans mes mains se promenant en cadence de droite à gauche sur le bout de mon gland, partie terminale du pénis, comme il est dit en anatomie. Un aveu entraînant l'autre, laissez-moi vous dire un mot de cette érection matinale imprévue qui se manifeste en ce moment même dan la cabine du téléphone public d'où j'appelle, rien qu'en vous évoquant, assise sur votre tabouret métallique, telle que je vous ai toujours vue, les fesses saillantes dans le tissu plaqué de la robe à fleurs qui se creuse légèrement en suivant la fente que je me plais à imaginer longue, charnue, étroite, un peu grasse et garnie de poils courts jusqu'au bourrelet de l'ouverture que je me propose d'écarter un jour ou l'autre avec toute la science requise. Dans l'attente, soyez assurée que cette image de vous restera vivace en ma mémoire et que je m'efforcerai par quelques lignes d'en communiquer à mes semblables le contenu émotif, car, si vous ne le saviez pas encore, je suis au bord de l'accouchement d'un monstre à visages multiples dont l'un d'eux aura très exactement la forme de ces fesses admirables, évasées sous les hanches, devenues avec le temps dans le fouillis des souvenirs comme la synthèse permanente de toutes les croupes féminines qui m'ont accroché l'œil au passage. Écrivain, voilà mon ambition. C'est l'origine du malaise qui me retiendra aujourd'hui, une fois de plus, loin de mes activités habituelles. Ayant rêvé livres, je ne me sens plus le cœur à gambader dans la cage d'un air guilleret avec les autres. Ce matin, alors que j'étirais le bras pour bloquer cette saloperie de réveil, il m'est brusquement venu à l'idée que je pourrais dormir deux heures de plus sans que ma vie en soit brisée, que je pourrais boire mon café au lit, choisir un bon livre, le déguster mot à mot et même prendre quelques notes dans l'éventualité où je serai tenté de commencer prochainement à écrire. Menus travaux que je remets toujours par manque de temps. Les idées perdues sont pourtant difficilement rattrapables. Passons encore pour les idées, à peu de chose près toujours les mêmes, mais les sensations ! Les sensations, hein ! Quoi de plus volatil ? Fumée et moins que fumée. Du vent, comme disait l'Ecclésiaste qui s'y connaissait. Il me faudrait à chaque instant un crayon et un papier, où que je sois, au graissage de motrices, dans le monte-charge, au sous-sol ou dans le poste de vérification. Ai-je une seule chance de convaincre quelqu'un de chez vous de cette évidence pourtant absolue ? Non, bien sûr. Donc, par déduction, il est non moins évident que je dois m'octroyer ça et là, de mon propre chef, des journées de détente si je veux qu'un jour la peinture soit brossée de ce capharnaüm étourdissant que vous broie la cervelle en même temps que les oreilles. Le bruit, les machines et les odeurs n'étant qu'un amalgame de sensations momentanées, ainsi d'ailleurs que la rangée impressionnante des fesses du standard qui, abstraction faite de sensations, redeviendraient ce qu'elles sont – un banal incident de l'anthropogénie. Thème qui mériterait que nous l'approfondissions ensemble, vous et moi, un de ces soirs. Je suis un esprit tellement curieux ! Je n'ai du reste plus une seconde à perdre. Saluez de ma part mes camarades de l'atelier Nord. Tous mes vœux les accompagnent. L'huile lubrifiante est dans la remise à gauche au fond du couloir. La trousse à outils accrochée par sa gaine extensible au huitième clou en partant du haut. Et naturellement, hier au soir, j'ai pendu ma dépouille de trépassé dans mon vestiaire, mais proprement, sur le cintre numéroté que la Direction nous alloue afin que nous en fassions le meilleur usage. Je n'ai gardé sur moi que mes organes reproducteurs. Je ne pense pas que l'on puisse y voir un trait de mauvais esprit de ma part. Auquel cas, vous me préviendriez des dispositions à prendre. Merci de votre sollicitude. Et allez vous faire foutre jusqu'à la moelle, vous, votre usine, vos disciplines consenties, votre pointage, votre chaîne roulante, vos équipes de relève, vos boulons crantés, votre tableau d'absence, vos records de production et vos salaires garantis. Je vous donne même, par anticipation, ma médaille de travailleur si toutefois vous trouvez encore preneur.
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N'obéissez pas.
N'obéissez pas.
N'obéissez pas.
Vous n'avez de supérieurs nulle part.
L'obéissance est une maladie.
Vous ne devez obéissance à personne ---- qu'à la
Vie.
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Comment se fait-il que par ce temps éclatant j'en vienne à me remémorer la pure beauté de ces nuits d'hiver, sous la pleine lune qui diffuse une laque bleutée réfléchie par la neige ? Nuits si parfaitement limpides qu'on voit autour de soi aussi distinctement qu'en plein jour, mais le velouté de la lumière liquide ajoute, embellit le paysage.
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