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Critiques de Marcel Aymé (598)
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Le passe-muraille

On s'amuse en découvrant les autres, étranges , nouvelles absurdes.

Marcel Aymé, célèbre pour son Passe-muraille, se déploie avec un humour décapant dans les Sabines, sur le modèle du fait divers, de manière abracadabrantesque. Je le recommande à tous ceux qui sont intéressés par les nouvelles fantastiques ne relevant pas du cauchemar mais d'un imaginaire à la Magritte.
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Le chemin des écoliers

Une splendide fresque familiale sous l'Occupation. Pierre Michaud, père, honnête, bon patriote, employé consciencieux. La mère est a l'hôpital tout le temps du roman. La famille subit les pénibles restrictions de la guerre. Un jour, le père découvre les activités de ses fils. Frédéric risque sa vie en distribuant des tracts communistes, tandis que l'autre, Antoine, 16 ans, fait des millions grâce à des affaires sur le marché noir, entretient une maîtresse et fréquente des bars. Le père, dans un premier mouvement, s'indigne de cet argent «sale», mais bien vite il considère cette fortune comme un don du ciel. «Celui qui fait la puissance d'un autre fait en même temps sa propre ruine», dit Machiavel, et il n'a pas tort. Si l'on peut faire un usage honnête de cet argent, il est bien mieux entre nos mains que dans les poches des autres. Le père fondera une nouvelle entreprise qui lui permettra de faire sa richesse quand viendra la Libération.



Aymé utilise un procédé que je n'ai revu dans aucun autre roman. Au cours de l'histoire, de nombreux personnages secondaires croisent le chemin des membres de la famille Michaud. Ce sont des figurants d'importances minimes sur les événements. Aymé les dote de courtes biographies en notes de bas de pages. En quelques lignes, nous avons droit aux vies futures de ces personnages. Certaines sont déroutantes, mais toutes sont savoureuses à souhait.



Dans le film Cours, Lola, cours, il y un procédé similaire qui nous fait voir en quelques photos le futur des figurants rencontrés par la protagoniste.



Si jamais quelqu'un connait d'autres œuvres qui se servent de dispositifs semblables, ne vous gênez surtout pas à me le faire savoir.
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Nouvelles complètes

Ces « Nouvelles complètes », comme l'indique le titre, sont un recueil exhaustif de plus d'une centaine (105 au total) de textes du grand auteur malheureusement un peu tombé dans l'oubli aujourd'hui. le lecteur y trouvera surtout l'ensemble des nouvelles publiées entre 1927 et 1967, mais également nombre de jolis contes dont les fameux « Contes du chat perché » qui font encore les délices des enfants dans les diverses versions illustrées que l'on peut trouver en librairie.

Marcel Aymé était un esprit curieux, indépendant et malicieux et par certains côtés, émule de Jean de la Fontaine. Tout comme l'homme des fables, il sut faire parler les animaux et même oser les rendre un tantinet précieux car les siens ont de la culture, ils ont appris à lire et peuvent en remontrer aux enfants. Humour léger, poésie et même une certaine forme de morale ou de philosophie latente parsèment ou illuminent cette oeuvre aussi brillante que non conformiste. Inutile de préciser qu'aucun de ces textes n'a pris la moindre ride et que le plaisir est partout présent.

De la lecture de ces textes courts mais soigneusement ciselés, ressort partout un grand amour de l'humanité et particulièrement des petites gens, Monsieur et Madame Tout le monde qui sont toujours croqués avec finesse et causticité mais sans aucune méchanceté. Et, par la grâce de ce démiurge bienveillant, toutes ces existences très ordinaires basculent à un moment ou à un autre dans un fantastique léger et bon enfant. L'un des personnages traverse les murs, un autre se retrouve en train d'arborer une bien encombrante auréole et un dernier se voit soudain doté du don d'ubiquité. Suivant l'ordre chronologique (très intéressant pour suivre l'évolution d'une production littéraire complète), cette somme ravira les inconditionnels de Marcel Aymé et pourra sans peine servir d'introduction à celles et ceux qui feront l'effort de le découvrir ou de le redécouvrir.
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Le Nain

J’ai retrouvé intact le plaisir que j’avais eu enfant à lire les contes du chat perché, le début de ma passion pour la lecture.

Quel bonheur de retrouver l’esprit et la plume de Marcel Aymé.

Cette série de nouvelles est un vrai régal.

Les situations et les personnages sont très visuels. J’avais l’impression de les voir, comme de petits films qui se succèdent.

Toutes différentes et pas une qui ne m’ait laissée indifférente.

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La Tête des autres

Une critique de la justice et de ceux supposés la rendre. Des imbroglios à n'en plus finir, quelques répliques savoureuses. Bon, je ne suis pas "fan" de ces pièces où de nombreux personnages se croisent et se retrouvent dans des situations peu probables ( ce qui revient à dire que je ne suis pas "fan" de comédies théâtrales).
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Le Confort intellectuel

Une suite d'entretiens philosophiques, un peu dans la tradition classique, sous la forme de dialogues (de sourds quelquefois...) entre l'auteur et un certain Monsieur Lepage, petit bourgeois borné et réactionnaire qui condamne avec la plus grande vigueur les dérives de la littérature et de la poésie moderne, toutes deux égarées dans les marécages du romantisme, du surréalisme, de l'existentialisme et de toutes sortes de perversions en isme. D'après lui, tout a commencé par les romantiques pour en arriver à sa bête noire, le grand pervertisseur, Charles Baudelaire et aller ensuite de mal en pis avec des auteurs comme Valéry, Gide ou les poètes hermétiques. Progressivement, le mal s'est étendu à la peinture avec Picasso et consorts puis à toutes les formes d'art avant de contaminer jusqu'à la substance même de la civilisation. Résultat : le bourgeois ne croit plus du tout en lui-même et en arrive à bêler à l'unisson de ses pires ennemis : les communistes.

Un essai politico-socio-philosophique assez particulier marqué au coin du bon sens et dans lequel Marcel Aymé se garde bien de prendre parti. Mais c'est un esprit fin, roublard, un peu anar et un tantinet retors. Il profite de ces dialogues faussement socratiques pour asséner quelques vérités bien envoyées tout en montrant le ridicule d'une théorisation tranchée et même poussée jusqu'à l'absurde. Ecrit en 1949, ce texte assez court (150 pages) n'a pas pris une ride. La sottise et le pédantisme tiennent toujours le haut du pavé aujourd'hui...
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Le Confort intellectuel

Cet essai est un propos supposé entre l'auteur et Mr Lepage, un interlocuteur imaginaire quelque peu obtus et réactionnaire.

Ces réflexions sur les milieux intellectuels, bourgeois et artistiques permettent à Marcel Aymé d'égratigner, avec un sourire souvent moqueur et parfois cruel, la société de son époque et, de considérer avec ironie les nantis et les bien-pensant.

Cet ouvrage paru en 1949, n'a pas pris une ride et démontre, s'il le fallait, de la modernité de l'oeuvre de Marcel Aymé.
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Derrière chez Martin

« Martin » est le nom de famille le plus répandu dans l’hexagone, bien avant Dupont (ou Dupond) et Durand (ou Durant). Peut-être est-ce pour cette raison que Marcel Aymé en a fait son personnage principal, et multiple en même temps, de ce recueil singulièrement particulier, et pourquoi ne pas l’avouer, particulièrement singulier :

« Les critiques superstitieux ou simplement attentifs aux coïncidences remarqueront peut-être que dans ces nouvelles, la plupart des héros s’appellent Martin. Les titres devenant plus rares d’année en année, j’en ai profité pour appeler mon livre « Derrière chez Martin », quoique j’eusse pu aussi bien l’appeler « Devant chez Martin » ou « A côté de … » ou « Au-dessus-de … » ou simplement « Martin » ou encore « Les aventures de Martin, Les Métamorphoses de Martin, Les Trente-six visages de Martin, Les Travaux de Martin, Confidences de Martin, Heurs de Martin … » Je me sens plein de regret » …

Les neuf nouvelles qui composent ce recueil sont presque toutes consacrées à un personnage nommé Martin. Mais le patronyme est le seul lien qui soit commun à ces personnages, tous différents :

« Le romancier Martin » se voit un jour dépassé par ses personnages

« Je suis renvoyé » : Aberdame Martin est viré de la banque où il travaille

« L’élève Martin » : est-ce bien lui l’auteur des graffitis infâmes ?

« Le Temps mort » : Martin ne vit qu’un jour sur deux. Forcément ça cause des problèmes…

« Le cocu nombreux » : Pas de Martin dans cette histoire, mais un cocu multiple.

« L’Ame de Martin » : Après avoir tué sa femme et ses beaux-parents, Martin perd son âme, par la faute d’une diablerie des plus … diaboliques

« Rue de l’Evangile » : quand un pauvre arabe, Abd-El-Martin, traîne sa misère la rue de l’Evangile

« Conte de Noël » : l’adjudant Constantin se transforme en père Noël pour ses trouffions préférés

« La statue » : on élève une statue posthume à l’inventeur Martin… qui n’est pas mort !

Au total neuf contes, bien différents les uns des autres, mais qui ont en commun ce qui fait l’ADN de Marcel Aymé, ce mélange de réalisme, de poésie et de fantastique du quotidien qui n’appartient qu’à lui : Devant l’incongruité des situations, on devrait être surpris, agacé, peut-être même choqué…. Pas du tout, quand c’est Marcel Aymé qui le raconte, ça coule de source, ça n’étonne personne, il y a une normalité dans l’anormalité.

C’est sans doute dans ses nouvelles que Marcel Aymé est le plus efficace. Ici, il n’y a pas encore la verve sarcastique, féroce et jubilatoire qu’il affichera pendant les années de guerre et d’après-guerre. Il y a cependant un regard très ironique sur ses contemporains, parfois même sévère, mais constamment tempéré par cette fantaisie poétique qui est sa marque de fabrique.



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La Vouivre

Quel Marcel Aymé préférez-vous ? Le citadin ou le campagnard ? l’observateur féroce des travers humains dans la grande ville, ou le chroniqueur rural affichant une matoise gaillardise ? Difficile de choisir, n’est-ce-pas ? Marcel Aymé joue gagnant sur les deux tableaux : il est grandiose quand il passe à la moulinette toutes les turpitudes et toutes les bassesses de l’Occupation, il l’est tout autant quand il promène son humeur narquoise au détour des bottes de foin, dans les héritages douteux entre l’étable et l’écurie, ou bien quand il introduit dans la réalité la plus prosaïque un brin de fantastique qui n’appartient qu’à lui.

« La Vouivre » est le type même de ces récits où se mêle le réel et l’imaginaire, où les légendes locales sont tellement vraisemblables qu’elles en deviennent vraies. La légende c’est une créature irréelle, qui a la forme d’une superbe jeune femme ornée d’un superbe rubis : mais qui veut lui prendre le rubis s’expose à être piqué par un serpent. La réalité c’est qu’il y a une jeune fille qui est exactement comme la Vouivre. Arsène Muselier peut vous en parler : il l’a vue se baigner dans un point d’eau, vêtue de sa seule chevelure, après avoir déposé son rubis dans l’herbe tendre. Notre Arséne est subjugué par la créature (on le serait à moins). La Vouivre, elle, est touchée que ce gars n’en ai pas profité pour piquer le rubis, et se met à lui courir après. Ce qui est embêtant parce qu’Arsène aime Juliette Mindeur, Vous savez, c’est un petit village, tout se sait, et ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir est tout de suite amplifié par les antennes locales. Entre guerres de clans, déboires amoureux et superstitions récalcitrantes (mais est-ce bien de la superstition ?) notre ami Arsène a fort à faire. Et comme au fond c’est un bon garçon, il n’hésite pas pour sauver le petite Belette, à affronter la Vouivre et ses serpents.

On est toujours touché et attendri par le Marcel Aymé campagnard. Il a toujours une pointe de sympathie pour ce monde rural, près de la terre, qui lui ressemble tant. Dans ses chroniques « champêtres », Marcel Aymé est toujours aussi corrosif, mais cette férocité est atténuée par un regard amusé, complice et même affectueux (nettement moins sensible dans ses romans citadins).

Et puis il y le fantastique « à la Marcel Aymé » : cet homme-là n’a pas son pareil pour faire s’imbriquer l’insolite dans le banal, l’extraordinaire dans le quotidien : D’autres auteurs peineraient à plaquer des phénomènes étranges sur la réalité la plus prosaïque. Marcel Aymé, lui, crée une osmose entre le réel et l’irréel, entre le merveilleux et la vie de tous les jours : au point que personne ne s’étonne de cette incursion du fantastique.

A cela s’ajoute le talent du romancier. Nous avons parlé du ton, ironique, sarcastique, parfois plus émouvant, parfois plus dévastateur. Ajoutons-y les petites inventions qui donnent un petit côté légèrement déjanté à cette histoire qui l’est déjà pas ma : par exemple ces personnages à contre-emploi : le curé est… sceptique ; le maire, radical, est… croyant. Ou bien ces personnages hors normes : la « dévorante » est une nymphomane jamais repue ; et ce personnage extraordinaire du fossoyeur, le bien nommé Requiem, ivrogne invétéré amoureux d’une pocharde notoire…

On se régale toujours à lire Marcel Aymé. Avec ce livre, on a plus que jamais la conviction que cet auteur est de salubrité publique !

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Le vin de Paris

En 1947, la guerre est finie depuis deux ans, mais Marcel Aymé n’en a pas fini avec elle. Inquiété à la Libération pour quelques amitiés suspectes (dont Robert Brasillach), et pour quelques écrits faisant polémiques, il déchaîne sa verve caustique et terriblement efficace contre les autorités (qu’elles soient de droite et de gauche) mais surtout contre les effets de la nature humaine en temps de crise : bassesse, ignominie, délation, hypocrisie et surtout bêtise.

Quelques romans (« Travelingue - 1941 », « Le chemin des écoliers – 1946 », « Uranus - 1948 ») et ce recueil de nouvelles (« Le vin de Paris – 1947 ») lui donnent l’occasion de revenir sur cette époque, mettant dans le même sac collabos monstrueux et revanchards sinistres (les adjectifs sont interchangeables), et dépeignant avec férocité le quotidien sordide des Français (pas tous, mais beaucoup) : dénonciations, marché noir, règlements de compte privés sur le dos de « l’actualité » …

« Le Vin de Paris » est avec « Le Passe-muraille » l’un des plus célèbres recueils de nouvelles de notre auteur : huit récits s’y succèdent, la plupart se situant pendant l’Occupation : « L’Indifférent », « Traversée de Paris », « La Grâce », « Le Vin de Paris », « Dermuche », « La Fosse aux péchés », « Le Faux policier » et « La Bonne peinture ».

Le ton général est bien sûr sombre, noir même par moments. Mais Marcel Aymé ne serait pas Marcel Aymé s’il ne ponctuait pas sa prose de notes d’ironie sarcastique et même de fantastique, ce fantastique du quotidien dont il a le secret.

La plus connue de ces nouvelles « Traversée de Paris » est célèbre par l’adaptation remarquée de Jean Aurenche et Pierre Bost pour le film de Claude Autant-Lara « La Traversée de Paris » (1956) avec le trio magique Gabin-Bourvil-De Funès. Il faut savoir que la fin a été changée (celle du livre est beaucoup plus tragique). C’est l’histoire profondément cynique d’un épisode de marché noir : la traversée de Paris par deux hommes très différents, l’un, Martin, plutôt sympa, l’autre Grandgil, franchement antipathique. Tous deux transportent dans des valises, un cochon clandestin. C’est ici (dans la nouvelle, pas dans les valises) qu’on trouve la fameuse citation « Cochons de pauvres ! »

Les autres nouvelles sont d’intérêt variables : plusieurs valent le détour :

« La Grâce » raconte l’histoire d’un brave homme tellement pétri de qualités qu’il se voit gratifié d’une auréole. Sous l’influence de son épouse, il cherche à s’en débarrasser en se livrant éhontément aux sept péchés capitaux.

« Le Vin de Paris » qui donne son titre au recueil, est l’histoire d’un pauvre type qui devient fou, à force d’être privé de vin. Il voit des bouteilles partout. Il finit à l’asile où on le soigne… à l’eau de Vittel !

« La Bonne peinture », c’est celle d’un peintre montmartrois qui s’aperçoit qu’en regardant ses tableaux, les spectateurs ne connaissent plus la faim. La bonne affaire ? Oui, mais pour qui ?

Peut-être plus que les romans les nouvelles de Marcel Aymé traduisent son univers inimitable, mélange d’ironie, de causticité, d’humour, souvent teinté de fantastique, et où transparaît toujours l’amour de l’auteur pour ses personnages et, quoi qu’il essaye de nous prouver le contraire, pour la nature humaine.

En plus du film d’Autant-Lara, on notera les excellentes adaptations à la TV de « La Grâce » (Pierre Tchernia – 1979) avec Michel Serrault, et « La Bonne peinture » (Philippe Agostini – 1967) avec Claude Brasseur.

Sur le site de l’INA un coffret Marcel Aymé est disponible : il comprend ces deux téléfilms, plus « Le Passe-muraille » (Pierre Tchernia – 1977) avec Michel Serrault, et « Le Nain » (Pierre Badel – 1961) avec Roland Lacoste. Un coffret indispensable pour les amis de Marcel Aymé (collection : « Les Inédits fantastiques »)





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Uranus

L’histoire, dit-on, est faite par ceux qui la font (pardon, par ceux et celles qui la font), nous sommes bien d’accord. Mais ceux et celles qui la racontent, c’est une autre histoire, je dirais même plus, c’est une « autre » histoire, c’est une vérité recomposée. Tous les historiens et romanciers vous le diront (je le suppose n’en connaissant pas personnellement) : si on a devant soi sur la table, les faits, avec toutes les preuves, en revanche les causes, les effets, les motivations, tout ce qui n’est pas matériellement prouvé, reste du domaine de l’interprétation. La logique bien sûr permet de combler quelques trous, mais tout le reste peut être soumis à discussion, voire à polémique. Et quand on touche à des sujets sensibles – en gros ceux qui nous touchent personnellement) – je vous raconte pas (comme dit mon fils qui met des négations partout, sauf dans sa façon de parler).

« Uranus », publié en 1948, est pour Marcel Aymé un certain coup de culot, d’audace et certainement de courage. A cette époque les esprits étaient échauffés, et les têtes près du bonnet (surtout certaines femmes qui avaient payé de leur chevelure le trop plein de courage de certains de leurs concitoyens). Le roman évoque clairement la période de l’Occupation et de la Résistance, que nous connaissons en long en large et en travers, et celle de l’épuration, plus discrètement évoquée dans nos manuels scolaires. Il ne s’agit pas ici de dire qui sont les bons et qui sont les méchants, encore moins de juger et condamner. La chose certaine c’est qu’il y a eu globalement un combat entre la barbarie et la civilisation, mais le problème c’est que les combattants étaient des êtres humains, donc tour à tour barbares et civilisés, suivant qu’ils étaient guidés par leur esprit, leur cœur ou leur âme, ou bien leur portefeuille, ou encore autre chose encore plus bas… Marcel Aymé, on le connait : il ne fait pas dans la dentelle. Vous vous souvenez de Jean Dutourd et de « Au bon beurre » ? Côté causticité, c’était déjà du costaud. Marcel Aymé, c’est pareil, il va peut-être même plus loin dans la dénonciation de la veulerie, de la malveillance, de la délation, du manque de scrupule, de l’opportunisme…

Nous sommes à Blémont, un patelin qui pourrait être n’importe où, y compris chez vous ou chez moi. Léopold est cafetier. Mais pas n’importe quel cafetier. C’est un cafetier, sans doute un peu alcoolique et un peu brut de pomme, mais il est du style du cuisinier Ragueneau dans « Cyrano » : il a des prétentions littéraires, et une prédilection pour Racine, en particulier « Andromaque ». Aussi quand, à la suite de bombardements, son café (le « Café du Progrès ») devient l’école du village, il est aux anges. Entre les cours de français où il se délecte et les conversations de comptoir où il tient sa place, il ne s’ennuie pas. C’est que la clientèle, c’est du premier choix : des néo-résistants de la dernière heure, des trafiquants de marché noir, des militants communistes, socialistes, tout ce que vous voudrez, des nostalgiques du Maréchal, etc. etc. De calomnies en délation, les ignominies qui avaient cours sous l’Occupation se perpétuent, elles changent seulement de camp, et pas toujours.

Et tout ça sous l’œil de Marcel Aymé. En fait c’est lui le seul personnage positif de cette histoire : son regard à la fois malin et cinglant, d’une terrible lucidité, est impitoyable. Pourtant il n’accable pas ses personnages, il ne les défend pas non plus. Certains critiques ont cru voir dans ce roman une réhabilitation du maréchalisme, d’autres une dénonciation du gaullisme naissant sur les mythes de la Résistance, billevesées que tout cela : s’il y a dénonciation, c’est celle de la bêtise et de la bassesse humaines. « L'homme est une laide chenille pour celui qui l'étudie au microscope solaire » disait Alexandre Dumas dans « Le Comte de Monte-Cristo ». Marcel Aymé ne disait pas autre chose :

« Je ne dis pas que vous soyez un hypocrite, mais il y a des époques où le meurtre devient un devoir, d’autres qui commandent l’hypocrisie. Le monde est très bien fait. L’homme a en lui des dons qui ne risquent pas de se perdre. »

Je n’ai pas besoin de vous conseiller le magnifique film de Claude Berri (1990), avec Gérard Depardieu, Jean-Pierre Marielle, Philippe, Noiret et Michel Galabru (entre autres) ...



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Uranus

Nous sommes juste après la seconde guerre mondiale, après l'occupation.

La France doit tout reconstruire après les bombardements.

Nous avons donc des sinistrés qui n'ayant plus de logement logent chez

d'autres, mais il y a des disputes...

Les opinions politiques divergent et c'est l'heure des règlements de comptes.

Je trouve que le personnage de Léopold est truculent avec sa passion de la

poésie et de Andromaque. Cet aspect m'a bien plu.

Il est difficile de ne pas penser à l'adaptation de Claude Berri en 1990 avec

beaucoup d'excellents acteurs.

J'avais adoré le livre "Gustalin" du même auteur.
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Le passe-muraille

Marcel Aymé, est le type même de l'écrivain inclassable. Classique et moderne à la fois, il n'appartient à aucune école, sinon à toutes : il est tour à tour et parfois en même temps réaliste et poétique, citadin et campagnard, aussi à l'aise dans l'âpreté que dans la tendresse; Marcel Aymé est un auteur complet : romancier et dramaturge, essayiste et auteur de contes, sans compter plus d'une centaines d'articles parus dans les journaux. Son originalité lui a valu d'être plus ou moins exclus des milieux intellectuels traditionnels, et ses prises de position lui ont occasionné parfois des haines féroces.

Marginal, donc, mais pas dispersé pour autant. L'œuvre de Marcel Aymé, pour être éclectique, n'en présente pas moins une certaine unité, avec un certains nombre de fils rouges : la lutte contre l'intolérance et la bêtise, la force de ses convictions (fidélité dans ses amitiés, au point de défendre des amis réputés "collabos"; plaidoyer contre la peine de mort dans "La Tête des autres", etc.), attachement viscéral à sa Franche-Comté natale, et à Paris, sa patrie d'adoption... . Adulé par le public mais peu goûté par la critique, Marcel Aymé reste un auteur éminemment populaire, souvent adapté au cinéma ou à la télévision, et la plupart du temps avec bonheur.

"Le Passe-Muraille" est une longue nouvelle, rédigée en 1941, qui figure dans le recueil éponyme paru en 1943. Les neuf autres nouvelles se situent dans le contexte de la France occupée, occasion pour l'auteur de dépeindre les heurs et malheurs d'une population frappée par la misère et le découragement.

"Le Passe-Muraille" est d'une autre veine. C'est l'histoire de Dutilleul, un citoyen lambda, falot même, petit fonctionnaire sans envergure, qui se découvre un jour "le don singulier de passer à travers les murs". Il commence par rendre fou son chef de service, commet quelques petits larcins et finit par cambrioler banques et bijouteries, en signant du nom énigmatique de Garou-Garou. Il s'accorde même le luxe de se faire arrêter pour mieux s'évader de la prison, à la grande incompréhension des gardiens. L'histoire pourrait continuer longtemps ainsi , mais, il tombe amoureux d'une femme, et un jour, en sortant de chez elle...

La guerre, l'Occupation, l'arrière-plan social et politique n'apparaissent quasiment pas dans ce petit chef-d'œuvre d'humour et de fantaisie, mâtiné ici de fantastique. Mais le fantastique de Marcel Aymé n'est jamais hostile, ni inquiétant, bien au contraire, il est bon enfant, ludique et plein de malice.

"Le Passe-Muraille" a fait l'objet de trois adaptations remarquables : la première au cinéma en 1951 : Garou-Garou, le passe-muraille, un film français de Jean Boyer avec Bourvil, Joan Greenwood, Raymond Souplex, Gérard Oury; les deux suivantes à la télévision : en1977 : Le Passe-muraille, un téléfilm français de Pierre Tchernia avec Michel Serrault, en 2016 : Le Passe-muraille, un téléfilm français de Dante Desarthe avec Denis Podalydès.

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Le passe-muraille

Farces et déboires, gageure assurée, jeu de dupes de l'un à l'autre ….

Passer et repasser, voir et entendre sans être vu, qui ne l'a jamais rêvé ?

Les choses peuvent elles être sans fin et à sens unique, ou bien, faut il s'interroger ?

Arroseur arrosé, malin qui se fait prendre à ce jeu de miroir avec ou sans tain ….

A découvrir dans sa farce et sa candeur …….
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Les contes bleus du chat perché

Alors que j'en gardais d'excellents souvenirs d'enfance, j'avoue ne pas avoir été à nouveau touchée par la magie de l'imaginaire de Marcel Aymé lors de cette relecture, en duo avec mon garçon.

Je ne saurais d'ailleurs trop expliquer pourquoi. Peut-être les dessins de cette nouvelle édition ne m'ont-ils pas convenus (noir et blanc, peu nombreux, traits pas très enfantins), peut-être l'écriture m'a-t-elle semblé un peu désuète (nécessité de procéder à de nombreuses explications de vocabulaire), ... Je ne sais pas trop, en fait ... J'ai tout de même apprécié, mon fils aussi, mais moins que je ne l'espérais ...

Les contes rouges et bleus restent néanmoins un basique de la littérature enfantine !
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Théâtre complet (1948-1967)

Sa première pièce, "Lucienne et le boucher", soumise à Jouvet et à Dullin, fut refusée. La deuxième, "Vogue la galère", écrite en 1944, ne fut jouée qu'en 1951.

Entre temps, "Lucienne et le boucher", raccourcie et remaniée par son auteur fait à Paris un triomphe en 1948 au "Vieux Colombier" avec Valentine Tessier dans le rôle de Lucienne, ainsi que Robert Arnoux et Jacques Fabbri dans les rôles de Duxin et d'Alfred.

Marcel Aymé commence, alors, une belle carrière d'auteur dramatique.

Ce passionnant recueil est l'occasion de se replonger dans cette œuvre théâtrale et magique. Certaines de ces pièces sont bonnes, la plupart sont formidables et quelques unes exceptionnelles.

Marcel Aymé y fait preuve comme toujours de beaucoup d'audace, d'irrévérence et d'esprit.

En 1950, "Clérambard" fit se renfrogner les cagots de toutes chapelles, en 1952 "la tête des autres", à la manière d'une chanson de Brassens, fit scandale. Elle est ici augmentée des variantes de l'acte IV imaginées par l'auteur et coupées à la mise en scène.

Dans "Patron", un spectacle réalisé par Roland Petit, Marcel Aymé imagina qu'un gang s'était monté au ministère des finances pour renflouer les caisses de l'état grâce au butin de ses nombreux et fructueux cambriolages.

Une de ses dernières pièces représentées fut "Le minotaure" brillamment interprétée par Edwige Feuillère et Jean Le Poulain.

Et ce passionnant volume, à l'heure de se refermer, nous fait un dernier et somptueux cadeau. Il nous offre quatre pièces inédites et non jouées de Marcel Aymé.

La première, "les grandes étapes" est une pièce très courte en trois actes qui se joue dans une salle de cinéma où deux spectateurs échangent des propos acides.

"Le mannequin" et "le commissaire" appartiennent au genre peu commun du policier teinté de fantastique.

La dernière, "le cortège" nous propulse dans un monde merveilleux puisque chacun des personnages est suivi de son ange gardien qui jauge et commente tous les gestes de son protégé.

Le rideau se lève sur un jardin publique où un gardien fait bien du foin pour un carré d'herbes...







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Le passe-muraille

De Montmartre aux petits villages de province, le narrateur nous entraîne dans des histoires improbables, où le possible existe. Des personnages attachants, entre misère humaine et petites existences bien réglées, sont soudain bousculés par quelque chose.



Ah, la Madeleine de Proust! C'est le premier livre que j'ai lu en cachette avec une lampe de poche sous les draps! Impossible de m'arrêter à l'époque! Même rengaine cette fois-ci. Le style léger de Marcel Aymé fait toujours effet. Je le conseille à tous les jeunes lecteurs, et à ceux qui veulent retrouver une saveur de pupitre et d'encre sur les doigts...
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Clérambard

Au début du vingtième siècle, le comte de Clérambard est un original, doublé d'un tyran.

Dans son hôtel particulier il force sa famille à s'échiner sur des métiers à tricoter, tandis qu'il traque toutes sortes animaux familiers pour garnir sa table.

Un jour St François d'Assise lui apparait et lui reproche vertement son attitude envers ces derniers.

Soudain métamorphosé, le comte emmène, alors, sa famille en roulotte sur les chemins de la vertu.

Il décide même de marier son fils, promis à la riche héritière de l'avoué Galuchon, à une fille légère ''la langouste''...

C'est une excellente pièce de théâtre fantaisiste que nous offre Marcel Aymé, où il joue avec la mystique et le merveilleux et, où le sourire n'est jamais très éloigné de l'ironie.



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Maison basse

Dans le quartier des Epinettes, durant les années 30, mademoiselle Martin propriétaire de l'immeuble en face la maison basse, est décédée.

Le même jour Mr Josserand, professeur, et Mr Turel, chef de bureau, se rencontrent au cours d'une altercation malheureuse...

Dans ce roman Marcel Aymé nous raconte l'histoire de différents locataires d'un immeuble sans âme du 17ème arrondissement.

Grâce à son énorme talent de conteur, de son ironie mordante et de son immense tendresse, il nous offre des portraits touchants, humains, drôles où pathétiques qui font de cet ouvrage un de ses chefs d’œuvres.
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La Vouivre

Roman à mon avis mineur dans l'oeuvre de Marcel Aymé, "La Vouivre" tient son nom d'une divinité des eaux qui court les forêts comtoises en commandant aux serpents et en déposant de temps à autre sur l'herbe, afin de goûter aux plaisirs du bain, sa tiare où étincelle un rubis légendaire. Malheur à quiconque tente dérober le joyau : les vipères convergent alors vers lui et il meurt dans d'atroces souffrances, étouffé par les mille piqûres du venin.



Un jour, Arsène Muselier, qui a repris la ferme après la mort de son père, surprend la Vouivre. Mais ce garçon réfléchi résiste à l'envie de s'emparer du rubis et préfère engager la conversation avec l'étrange fille-fleur. Or, depuis cinquante ans, ainsi qu'elle le lui dit sans ambages, aucun homme ne l'a jamais regardée avec les yeux du désir : tous n'ont eu de regard que pour le rubis. L'attitude hors-norme d'Arsène interpelle la dryade et elle semble vouloir s'attacher à lui.



Ce qui ne l'empêche pas de poursuivre ses baignades dans la forêt. Bientôt, tout le village - ou presque - l'a vue. Y compris le maire et le curé qui, ici, reprennent un thème cher à Marcel Aymé : l'opposition entre la raison rationaliste et la foi chrétienne, hantée par le démon.



Arsène finit par se retrouver pris entre la Vouivre, Belette, la jeune servante et ses projets personnels de mariage avec une héritière locale. Et l'issue du conflit sera dramatique ...



Un roman mélancolique et tendre où Marcel Aymé met en sourdine son ironie et sa férocité habituelles, ce qui explique en partie pourquoi "La Vouivre" peut déconcerter. ;o)
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