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Critiques de Robert Lalonde (63)
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Le monde sur le flanc de la truite

Une lecture enchantée…



Il est des auteurs que nous voudrions avoir pour ami, des auteurs dont les livres, même ouverts au hasard, recèlent à chaque page des îles aux trésors sur lesquelles trouver refuge, un endroit où se blottir, une lumière venant éclairer nos noirceurs, réchauffer notre âme, atténuer nos angoisses, nous redonner foi en la vie et en l’espèce humaine. Des auteurs qui engendrent la joie avec leurs mots.

Robert Lalonde est de ceux-là. Il est de cette trempe-là. De cette humanité-là. Sincère et indomptable, il fait grandir son lecteur pour le rendre meilleur en lui réapprenant à voir, à entendre, à écrire et à lire. Il donne envie de murmurer avec émotion, parfois de lire à voix haute avec un large sourire, de noter frénétiquement des phrases en vue de les apprendre par cœur, de surligner des passages entiers, notamment des phrases d’une poésie éblouissante, tant il sait exprimer l’indicible, tant il sait décrire la beauté. Il nous donne envie de prendre stylo et feuille blanche pour gratter à notre tour, pointe de langue sortie et regard pétillant.

Oui, ce livre se déguste, le cheminement sur quelques pages mérite ensuite une pause tant il y a de richesses sur lesquelles méditer et revenir inlassablement. Il faut laisser infuser. Ce livre ne peut d’ailleurs pas être rangé et oublié entre deux livres, il doit rester sur la table de chevet, dans le sac, sur la table basse à côté de la tasse de café pour pouvoir être sans cesse ouvert, picoré, boulotté. Il n’est jamais fini. Il est et sera. Une lecture enchantée oui. Sur le point de révéler tout de la vie.



« La nuit est bleue et on voit toutes les étoiles, plus distinctement que des cailloux au creux d’un ruisseau clair. Au bruit de l’arroseuse, dans le verger voisin, répond le cri de l’engoulevent, couché sur le toit de la grange. Je suis posté, véritable sentinelle qui, à la veille d’une bataille, scrute les champs, l’horizon, le ciel. Ma présence est discrète, mais ardente : un peu plus et je m’enflamme et saute dans la nuit, où je laisserai, moi aussi, une trace brillante, mon égratignure ignée d’étoile filante : The line of words feels for cracks in the firmament (les mots alignés montent et se glissent dans les brèches entre les galaxies) écrit Annie Dillard ».



Dans son chalet à Oka au Canada, en compagnie de son chien et de sa chatte, Robert Lalonde nous partage ses observations, ses pensées, son quotidien durant quatre saisons, saisons bien marquées dans ce coin de nature canadien. Il écrit sur le temps qui fait, le temps qui passe, la nature qui l'entoure. « Ça parle d'oiseaux, de livres, de chevreuils…de désir, d'espérance, de lueurs aperçues…Ça parle de moi, en scribouilleur obsédé…». L’auteur convoque tous les auteurs qu'il aime, méditant sur la vie, la mort, le processus de création littéraire.

Entouré de Annie Dillard, de Flannery O’Connor, de Jean Giono, de Barry Lopez, d’Emily Dickinson, de Colette, de Montaigne, entre autres, il cite ses maitres, ce qui vient enrichir et approfondir ses propres pensées. Il s’en inspire tout en brodant notes, entretiens imaginaires, aphorismes, anecdotes, autour des maximes aimées. Et nous offre pour les auteurs anglophones sa propre traduction. Et que cet éloge à la littérature est bon, que cette boulimie de lecture et d’écriture donne envie, qu’il est étourdissant d’être littéralement submergé par les citations, cités avec un bel à-propos auréolé de respect et d’amour !



La plume de Robert Lalonde, vous l’aurez compris, est éminemment poétique, une poésie parfois mystique, animiste, fantastique, d’incroyables fulgurances où nous le voyons se donner entièrement à la nature, lâcher prise, nous livrant des passages d’une beauté étrange et surprenante où nous sentons confusément qu’il atteint un degré d’abandon suprême :



« Il y a des secrets à surprendre, la grande marche turbulente et tranquille de l’univers, sa déambulation nuiteuse de gros animal qui se tourne dans son sommeil et libère l’herbe, des milliers d’insectes, et tant de désirs reprennent à l’immense air libre. J’écris pendant que l’univers tourne, que Castor et Pollux virent sur leurs flancs, qu’une lueur monte, qui n’est pas le matin encore, déjà, mais cette espère d’incandescence de lait bleu, un clair de nuit, un gigantesque halo, une aurore boréale à la grandeur du ciel. J’imagine une navigation à peau nue, dans cette eau pâle qui coule dans la nuit sans fin, une sorte de descente galactique, bras et jambes écartés, une longue chute de côté, comme dans une rivière avec des cascades et des petits lacs, des remous et des grandes baies d’eau libre. J’écris mon désir d’abandon, mon besoin d’être emporté par une grande bête bienveillante, mon souhait d’enfant et d’adulte encore d’être enlevé dans les étoiles… ».



Que j’aime sa façon de plonger dans le cosmos, tous les cosmos depuis celui observé dans les yeux de son chat à cette étonnante descente galactique…de l’infiniment petit à l’infiniment grand, Robert Lalonde étreint toutes les dimensions, observe tous les éléments avec le même étonnement et la même sensibilité.



« La chatte est perchée sur le bras de la chaise de rotin. Elle ouvre, sur la table et le halo de lumière où j’écris, deux grands yeux couleur de thé fort et où je découvre un gisement inaperçu, encore, des dizaines de points d’or luisants, palpitants comme de petits astres vivants ».



Puis il redevient pour un moment plus terre à terre, sous ce grand ciel « bardassé » de nuages qui ne font rien, avec son chien qui fait le mort dans l’herbe, sa chatte qui joue au tigre dans la belle brousse effrayante qu’est le jardin et se contente d’admirer, de respirer, présence ancrée mais insignifiante, fragile existence… « A partir du moment où l'on cesse d'inventer le monde, être mort ou vivant, c'est presque la même chose… ».





Robert Lalonde écrit en incarnant, « en donnant chair et sueur, sang et effluves d’haleine », et nous le sentons à notre manière d’être plus vivant en le lisant. Notre façon d’avoir envie de lutter pour le bonheur. De désirer.



« Chaque instant, chaque mot, chaque regard jetés au hasard, chaque pensée profonde ou badine, chaque tressaillement à peine perceptible du cœur humain, de même que le duvet aérien des peupliers ou le feu d’une étoile dans une flaque d’eau nocturne, sont des grains de poussière d’or… ».



Un écrivain enchanteur...



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Le vacarmeur

"J'ai des rages, des hontes, des cataclysmes longs mais transitoires, des découragements d'ange déchu, de violents mais fugaces désespoirs d'animal dans le piège, des tristesses de rêveurs sorti de sa chimère par le fracas de l'arbre qui tombe..."



Moi aussi, je connais tout cela mais l'avantage que j'ai sur Robert Lalonde, c'est qu'il me suffit d'ouvrir un de ses livres, de tourner quelques pages, savourer quelques mots pour que les phrases se transforment en guirlandes d'étoiles scintillantes et que leur clarté diaphane pourchasse les tristes pensées.





Ouvrir un recueil de cet écrivain, c'est laisser caracoler cinq chevaux sauvages dont on essaye de tenir solidement les rênes : ça part dans toutes les directions, c'est la fougue au bout des doigts, c'est une sollicitation grisante, on est avide de lire, de filer à toute allure à travers les phrases et d'en partager le plus possible.



Le texte s'écoule sur quatre saisons, une année qui se lit dans les ciels changeants, dans les fluctuations des contours des nuages, prenant naissance à la fin de l'été quand l'air se fait plus doux et que la lumière plus floue redessine toute chose, que la pensée s'alanguit, ainsi que la volonté.

C'est le temps pour évoquer, définir, retrouver les muses et les écrivains aimés et admirés. En les conviant encore une fois - ce texte fait suite au "Monde sur le flanc de la truite"-, Robert Lalonde essaye de nous faire entrevoir ce qu'écrire représente, englobe de l'existence. Ecrire n'est qu'une forme de vision, n'est qu'un amour partagé, n'est qu'une invite à écarquiller les yeux sur la nature et sur ce que nous voisinons.

En suivant les pensées de Robert Lalonde, Les couleurs se font plus ardentes, les chants d'oiseaux plus cristallins et dialoguer avec le chien devient une évidence, les cimes des arbres bruissent, et tout un monde s'évade du livre venant à la rencontre du lecteur dans la solitude tranquille de celui-ci.





Robert Lalonde convoque bon nombre des ses inspirateurs de l'écrit, ceux vers lesquels il revient toujours, pour nous faire toucher le secret des mots, que ce soit de jongler avec ou de les lire pour en extraire toute la magie et de voir, écouter, palper ce qui deviendra le levain du texte.

Ecrire, c'est prendre un pinceau et brosser à coups de mots un tableau de ce que l'on perçoit, écrire c'est recueillir l'inspiration en revenant toujours auprès de ces maîtres, ces écrivains qui savent parler au coeur et à l'âme, ceux qui secouent et ébranlent par leurs écrits, qui font pirouetter les idées et les emmêlent pour obliger à les détricoter en méditant.

Ecrire , c'est dire cette vie dans laquelle on avance en se démenant toujours, à tous âges..



L'encre dont se sert l'écrivain est la fuite du temps, le passage de l'enfance à âge adulte, ce territoire peuplé de secrets, d'instants fulgurants, de sentiments qui bouillonnent quand ce n'est pas le regard attendri de l'homme sur les années passées laissées en friche puisqu'il y revient sans arrêt. Son encrier est son royaume peuplé d'arbres, de lacs et d'herbes folles, d'animaux sauvages, de myriades d'oiseaux qui vont et viennent au gré des migrations comme les idées, rencontrées ou pistées par ce "vacarmeur" qui débusque pour l'unique joie de les faire entrevoir au lecteur.







"On n'écrit bien que sur ce qu'on aime le plus" dit en substance Robert Lalonde, et il le réussit merveilleusement, on referme le livre chamboulé, renouvelé, en sachant qu'il suffira de relire quelques phrases pour retourner dans ce pays où se côtoient Annie Dillard, Flannery O'Connor, Eudora Welty, Jean Giono, Jean-Claude Pirotte, Colette, Gabrielle Roy, Emily Dickinson, Jacques Poulin et d'autres dont Il est réconfortant de savoir qu'en plus de la plume de Robert Lalonde qui attend, là, à portée de main, pour recolorer les jours un peu trop ternes et chasser la mélancolie qui s'y invite, la pile de livres de ces écrivains qu'il adule, érigée au fil de la lecture est gage d'autres bonheurs à partager.
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La reconstruction du paradis

Une pépite ,enfin reçue hier,… que j’avais commandée à la Librairie du Québec, à Paris, près du Jardin du Luxembourg….J’en ai commencé la lecture dans la magie de ce Jardin…et l’ai achevé dans la nuit !…



A l’origine de ce récit autobiographique, l’incendie de la maison de l’écrivain et de son épouse, en décembre 2018, des milliers de livres partis en fumée…Mais pas de larmoiements, ni jérémiades… Bien sûr le choc de la perte de cette maison arrangée, embellie au fil des années, avec femme, enfants et petits-enfants, entre l’Amour et les lieux familiers de la lecture et de l’écriture…de l’écrivain !



Surtout lorsqu’on rajoute que l’écrivain a 72 ans lorsque cet événement violent survient…Au lieu de se plaindre, il prend cela comme une possibilité de changement, de reconstruction, de RENAISSANCE….



Non pas de faire table rase, mais d’aller à l’essentiel, de faire le bilan d’une vie remplie par l’écriture, les Livres, les rencontres, l’amour pour sa femme… Pour redonner un nouvel élan vital, Robert Lalonde se donne le projet de traduire « Feuilles d’herbes » du poète Walt Whitman… Ainsi à chaque fin de page de sa narration, il conclue avec quelques vers du poète…



Je retiens les suivants s’accordant parfaitement à la philosophie de vie de l’auteur : « Whitman m’accompagne. Tout va bien. Tout ira bien.

- Tout homme est à la fois une interrogation et un défi….

- Il est souvent bon de chuter…

- Il faut accepter

- De perdre la bataille comme de la gagner. «



Il en profite pour nous faire vivre les lectures l’ayant marqué et ayant jalonné durablement sa vie : André Gide, Colette, Erri de Luca, Sylvain Tesson et « sa Panthère des neiges », Albert Camus, Karen Blixen, Gabrielle Roy, Nikos Kazantzaki, Eluard, Giono, etc.



« Marie-Claire Blais, Virginia Woolf, Jean Giono, Faulkner, Hemingway, Gabrielle Roy, Albert Camus, Colette, Maupassant, Flannery O'Connor et tant d'autres proches amis ont brûlé, indispensables compagnes, camarades de première nécessité. « (p. 17)



« Mes quelques chers auteurs sauvés du feu (...)

Je les revisite, ensorcelé comme autrefois, réapprenant les beaux risques qu'ils m'ont, chacun à sa manière, autorisé à prendre. (...)

Je relis, je revis, je revois, je trie, je prends, je laisse, je fais la guerre et la paix avec l'avide liseur que je fus. (p. 64)”



Une sorte d’ »Art de vivre », tout personnel, entre l’amour du Vivant, de la nature, des siens, famille, amours et amis… de l’Art : Ecriture et peinture, avec la présence intense du père de l’écrivain qui choisit tardivement de s’exprimer par la peinture



…Ainsi qu’un magnifique hommage à la littérature, à la Poésie ainsi qu’aux nombreux auteurs ayant nourri, enrichi son « chemin »…Une prose poétique, fluide, simple et élégante, pour exprimer, envers et malgré tout la Beauté de la Vie et du monde vivant : nature, animaux… J’allais omettre le plaisir supplémentaire des descriptions épatantes de la belle nature québécoise ainsi que la faune… même si Robert Lalonde regrette de faire moins, avec les mots, que son père, avec ses pinceaux et ses couleurs, ses mots nous ravissent !!



« Presque tous mes livres sont partis en fumée. Bien sûr, je pourrai encore me procurer certains d’entre eux. Mais ma désolation est ailleurs et va plus loin. Elle frôle les abords du révolu, me pousse à accepter de regarder béatement défiler les années emmêlées aux livres, les désirs accolés aux complots imaginés en leur compagnie, tout ce qui s'est tramé en moi à déchiffrer les partitions de ces écrivains de haute taille » (p. 23)



Même si, même si…l’auteur suggère très discrètement des périodes très sombres de doute absolu et de désespérance…l’ensemble reste souriant et constructeur. Cette lecture est solaire, bienveillante, lumineuse et pleine d’Espérance. Un petit trésor d’humanité et d’amour fou pour la Belle littérature ! Une lecture qui fait un bien fou !

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C'est le coeur qui meurt en dernier

C’est le cœur qui meurt en dernier est le genre de bouquin qui fait du bien à l’âme. Le Québécois Robert Lalonde rend un ultime hommage à sa mère (décédée) en évoquant plusieurs moments de sa vie. Cette mère, issue d’une famille trop nombreuse, elle réussit à échapper temporairement à son destin en se trouvant un emploi de domestique en ville. Mais, trop vite, sa condition de femme du début du vingtième siècle la rattrape : elle se marie et engendre à son tour des enfants. L’auteur raconte un peu ça, oui, mais surtout sa propre relation avec sa mère. Houleuse, tendre, bouleversante, remplie de larmes et de rires. Pas toujours facile, les rapports parent-enfant ! Il est de ces épisodes qu’on souhaiterait effacer… Mais, dans l’ensemble, c’est gratifiant car, si l’incompréhension règne parfois, l’amour toujours triomphe. J’ai un peu plus d’une génération d’écart avec Robert Lalonde et, conséquemment, une autre avec sa mère. Il va sans dire que leur réalité et le type de rapports qu’ils entretenaient ne ressemblent pas vraiment à ceux que j’ai vécus avec ma propre mère. J’étais capable de comprendre et d’apprécier ce message d’amour mais, évidemment, je ne me sentais pas autant interpelé. Mais bon, dans l’ensemble, c’était touchant sans tomber dans la mièvrerie.
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Sept oiseaux, mon père et moi

Un tout petit bijou, une œuvre d’art. Un album d’une quarantaine de petites pages mais si minuscules qu’il tient dans la main. « Sept oiseaux, mon père et moi » est une sorte de bestiaire littéraire assez inhabituel. Il s’agit de sept courts textes, écrits par Robert Lalonde. Toujours le mot juste, précis, beau. Tellement qu’une certaine poésie s’en dégage. Mais, surtout, de la tendresse. L’auteur évoque sa jeunesse (l’artiste devait avoir entre cinq et dix ans, pas beaucoup plus, je présumme) alors que son chemin croise, à sept moments différents, sept oiseaux : une sterne, un pluvier kildir, un moqueur polyglotte, un butor, un huart, un engoulevent puis un garrot.



À chacun de ces moments, le père de l’auteur était présent, dans sa toute puissance mais aussi sa sagesse. Il a toujours le mot pour nommer les oiseaux, expliquer leur comportement, partager son savoir, vivre un instant de complicité avec son fils. C'est un homme d'une autre génération, de peu de mots, mais qui sait aller à l'essentiel puis laisser son fiston pensif, rêveur. Bref, on assiste à des moments très beaux qui, visiblement, ont laissé leur marque sur Robert Lalonde. Un seul point m’a déplu : c’est trop court ! Beaucoup trop court!



Ces sept petites histoires sont accompagnées d’illustrations produites par l’artiste René Derouin. Les arts visuels, surtout les modernes, ne sont pas ma tasse de thé. J’ai trouvé les illustrations belles. Toutefois, je trouve regrettable que les dessins ne me permettent pas toujours au lecteur de se faire une tête précise des oiseaux nommés dans les histoires. Quelques uns m’étaient inconnus et j’ai dû chercher ailleurs un descriptif adéquat. Ce n’était peut-être pas le but des dessins mais quand même… Malgré cela, l’ouvrage est tellement joli !
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Le vacarmeur

« La vie est tragique et joyeuse. On se brise, on se rafistole, on se déchire, on se recoud. On vit au jour le jour notre vie de grands fêlés, toujours debout, nos racines à fleurs de ciel. (p. 69)”



Il y a un peu de l’esprit et du sens poétique de Christian Bobin dans le regard de Robert Lalonde…dans ses descriptions de la nature, d’infimes détails qui le sauvent de ses moments d’abattement… Une jolie lumière, un oiseau, l’affection de son chien, une belle lecture, et l’Amour de la Vie, surgit, avec ses enchantements, ses petits émerveillements…qui sauvent « notre » écrivain !



Un texte que j’ai eu l’agréable surprise de « dénicher » dans les fonds de la Réserve Centrale des Bibliothèques de la ville de Paris ; je l’ai demandé et reçu quelques jours plus tard…



Un récit toujours intime, personnel de Robert Lalonde, qui narre son appréhension du quotidien, de ses doutes , de ses phases noires, mais aussi des phases heureuses, créatrices, qui lui redonnent l’Enchantement de VIVRE, même si…parfois c’est très douloureux et incompréhensible…



Sa curiosité, son amour des mots, de la littérature ainsi que ses admirations envers d’autres écrivains ré--illuminent « ses jours ». Parmi ses vénérations indéfectibles : Flannery O’Connor, Jean Giono, Gabrielle Roy, Anne Dillard, Rick Bass, Montaigne, Emily Dickinson, Henry Miller, Cocteau, Philippe Jaccottet, Jean-Claude Pirotte, Eudora Welty, Constantin Paoustovski…



Comme chaque fois, Robert Lalonde, à travers ses enthousiasmes littéraires, m’a fait « connaître » par ce texte, d’autres « littérateurs », comme André Major, et Constantin Paoustovski… qui « titillent » ma curiosité !..



D’abondantes analyses sur l’acte de « LIRE » comme celui d’ »ECRIRE »…les questionnements, doutes, angoisses universels et enrichissements qu’ils induisent l’un comme l’autre !

Sans oublier son amour de la Nature qui le ressource, l’apaise , qu’il décrit toujours magnifiquement…!



Poursuivant dans mon élan enthousiaste, j’ai commandé aujourd’hui à la Librairie du Québec, sa dernière publication, éditée en ce mois de septembre 2021…à Montréal, aux éditions Boréal, son éditeur attitré, proposant un cheminement littéraire et historique que je suis bien impatiente de recevoir : « Pas un jour sans un train »… Un titre qui fait déjà voyager et rêver !...



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Le Petit voleur

D’habitude, les romans de Robert Lalonde m’émeuvent. Le petit voleur n’a pas réussi à en faire autant. Pourtant, tout avait bien commencé. Anton Tchekov, malade, qui doit quitter sa Russie natale et chercher un climat plus clément pour guérir ses poumons malades. Direction Paris puis Côte d’Azur. Au même moment, Iégor, un pauvre jeune homme rempli d’admiration pour le grand auteur russe, se rend à la demeure de celui-ci, Mélikhovo. En effet, un échange de lettres et de bons conseils l’avaient convaincu de le retrouver mais le maitre est déjà parti.



Par la suite, le roman se divise en deux trames narratives intercalées, souvent composées de correspondances : on retrouve les péripéties de voyage de Tchekov et les aventures de Iégor, qui s’immisce dans la vie des proches de l’auteur, restés à Mélinkhovo. En d’autres mots, il lui vole sa vie et sans doute un peu plus…



J’ai trouvé Tchekov froid et distant, très négatif. Il faut dire qu’un homme souffrant ne trouvera pas à rigoler en traversant l’Allemagne en train ni à s’emmitoufler dans les cafés parisiens en plein hiver. N’empêche, quant il s’agit d’un des deux personnages principaux, ça n’aide pas à bien plonger dans la lecture. J’aurais peut-être dû m’informer un peu plus sur le grand auteur auparavant… Quant à Iégor, j’ai mis beaucoup de temps à le saisir et à comprendre ses motivations. Je pataugeais dans l’inconnu.



Bref, ce rendez-vous manqué entre les deux protagonistes en fut également un entre Robert Lalonde et moi-même. Tout au long de ma lecture, je cherchais à concilier ces deux trames narratives et ce ne fut pas aisé. Quel était le but de l’auteur ? Porter hommage au grand Tchékhov, bien sur, mais je m’attendais à plus. Ou c’est peut-être moi qui suis passé à côté de quelque chose ? Des fois, on ne lit pas le bon roman au bon moment. Je préfère croire à cette théorie car j’ai toujours bien aimé la plume de Lalonde. Il y a quelque chose dans sa manière d’écrire qui m’attire irrésistiblement, même dans Le petit voleur, et c’est la raison pour laquelle je lui ai tout de même attribué une bonne note.
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Un jardin entouré de murailles

L’auteure Robert Lalonde, à travers ses romans, a partagé son admiration, sa passion, son amour pour quelques grands auteurs. Dans Un jardin entouré de murailles, c’est au tour de Marguerite Yourcenar. Il s’avère que j’ai moi-même un grand intérêt pour cette grande dame de la littérature française. Mémoires d’Hadrien est un des premiers romans que j’ai lus en tant que jeune adulte et j’en garde encore un excellent souvenir. Il est dans mon top 5. Ce roman est mentionné à quelques reprises dans celui de Robert Lalonde, et d’autres encore. Toutefois, Un jardin entouré de murailles n’est pas une autobiographie. C’est un bref épisode de la vie de Yourcenar, romancé, le temps de quelques jours, alors que l’écrivain préparait et faisait une tournée de conférences au Québec. Cette tournée connaît quelques difficultés qui creusent un différent entre la grande dame et son assistante Grace Frick. Un peu comme une dispute de couple. Les remises en questions qui en découlent (et des rencontres fortuites) sont l’occasion de plonger dans l’intellect de Yourcenar et dans ses lectures préférées (Gide, Montherlant…). Et par la même occasion d’aborder son amour de la langue française tout comme des grands thèmes de la vie. Le portrait que Lalonde brosse de l’écrivain me paraît juste. J’ai vu deux entrevues de Yourcenar et, à travers la narration et les dialogues, je retrouvais son énergie, sa fougue, son aplomb et sa grande culture. J’avais l’impression de me sentir plus proche d’elle, de la comprendre un peu mieux. Ce roman était un bel exercice.
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Un poignard dans un mouchoir de soie

Je ne peux pas affirmer être un grand amateur de Robert Lalonde mais j’apprécie plutôt bien ses romans de temps àa autre. J’en ai lu près de dix. Eh bien, ce dernier, Un poignard dans un mouchoir de soie, n’a pas réussi à capter mon intérêt ni mon attention. Irène, cette actrice vieillissante à laquelle on confie de moins en moins de rôles, puis Romain, un professeur de philosophie à la retraite, sont réunis par Jérémie, un sans-abri un peu poète à ses heures. Cette prémisse, je l’ai trouvé un peu improbable, artificielle, elle m’a empêché de m’investir dans ce roman. Mais j’ai continué à lire – les romans de Lalonde ne sont jamais bien longs –, même si c’était sans grande envie. Cela a fait en sorte que, rendu à un moment dans ma lecture, il était question d’un prince russe et d’un certain Thomas. Qui sont-ils ? Comment sont-ils impliqués dans cette histoire ? Je n’avais aucun désir de relire les chapitres précédents alors j’ai continué à lire, encore, en espérant que tout s’expliquerait. Ça a fonctionné, j’ai pu suivre les aventures de ce trio étrange jusqu’à la fin, inattendue, même si je ne les ai pas plus appréciées. Je dois admettre que des romans dans le genre Un poignard dans un mouchoir de soie, que j’associe à des feel good movies, me plaisent rarement (chaque personne a une parcelle de gentillesse au fond d’elle, mérite de trouver l’âme sœur et il y a toujours de l’espoir, etc.) et que ça a inévitablement teinté mon opinion. Mais c’est ainsi.
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Que vais-je devenir jusqu'à ce que je meure ?

Que vais-je devenir jusqu'à ce que je meure ? Ce vers de Victor Hugo, emprunté, fait une apparition tardive dans le roman de Robert Lalonde et lui sert également de titre. Il s'y prête merveuillesement bien, décrivant l'indescriptible état d'âme du narrateur, ce jeune garçon, cet adolescent malheureux. Quelque part au milieu du 20e siècle, prisonnier dans un pensionnat, il s'applique peu à l'école, ne fournit pas autant d'efforts qu'il le devrait et ses résultats en pâtissent. Mais il n'est pas plus heureux les rares fins de semaine où il rentre à la maison. Incompris, son mal de vivre est tout de même communicatif et je le ressentais pendant ma lecture du roman. de rares camarades soupçonnent quelque chose, mais quoi ? Devant son mutisme, ils passeront à autre chose, laissant le garçon à sa solitude. Mais ce n'est pas si mal, il trouvera un réconfort dans les livres, entre autres. La littérature exaltera un peu son imagination mais, plus tard, se révèlera importante, voire utile.



Robert Lalonde nous présente un portrait touchant, juste d'un jeune homme d'une autre époque, d'un Québec profond. À cette période, les quelques garçons doués étaient pris en charge par un système d'éducation catholique, rigide et dépassé (le latin et la versification, aussi intéressants que je les trouve, ne menaient pas à une situation une fois dans le vrai monde). C'est assez loin des personnages d'adolescents que nous proposents les auteurs contemporains. Mais en même temps je m'y retrouvais. Je me suis demandé si le roman était autobiographique, ne serait-ce qu'en partie. Dans tous les cas, ça m'a plu. Pendant ma lecture, il me revenait de vagues réminescences de jeunes tourmentés comme ceux que proposaient les grands auteurs du siècle dernier (comme dans Le désarrois de l'élève Törless, de Robert Musil, ou bien Demian, de Hermann Hesse). C'est le genre de livre que j'apprécierais relire éventuellement.
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La liberté des savanes

Bouquin difficilement classable que La liberté des savanes. Ce n’est pas vraiment un roman ni une autobiographie, même si l’auteur Robert Lalonde se raconte quelque peu l’espace de quelques saisons. À travers son quotidien, ses promenades, ses réactions aux événements qui le touchent de près ou de loin, on le découvre un peu plus. Du suicide du fils d’un de ses voisins à la mort de l’écrivain Umbert Eco, il livre ses impressions mais surtout ses questionnements devant les mystères de la vie, la majestuosité de la nature, etc. J’ai envie de parler d’une philosophie de la vie même si je crois que l’auteur s’en défendrait. Peut-être un essai ?



Robert Lalonde semble considérer comme étranger le fourmillement de ses semblables, en quête de sens, ou se méprenant sur le sens de la vie. « Avons croisé nombre de touristes inaptes à voir et à entendre, occupés qu’ils étaient à texter, placoter, selfier, ratant scandaleusement l’aventure. » (p. 148). La liberté des savanes, c’est savoir profiter du moment présent. L’auteur se promène souvent dans la nature près de chez lui, près de la rivière, de la forêt et probablement d’une ou deux montagnes. Il faut tout de même avouer que c’est un peu plus facile de chanter l’élégie des grands espaces quand on n’habite pas dans la frénésie d’une (grande) ville…



Mais il n’y a pas que la nature. Même si de grands auteurs l’ont chanté, ils ont aussi sondé l’âme humaine. Tout est propice à rappeler à Robert Lalonde ses lectures et à nous en faire part, parfois allant jusqu’à citer quelques grands auteurs, de Victor-Lévy Beaulieu à Nicolas Bouvier en passant par Henry David Thoreau, Walt Whitman, Jean Giono et Tomas Tranströmer. Pour ne nommer que ceux-là. D’ailleurs, la liste complète des auteurs mentionnés ou cités se retrouve è la fin. Trois pages ! Il s’agit de ses « amis », ses compagnons, dont les paroles l’accompagnent, peut-être même l’habitent. J’en ai été impressionné.



Je termine La liberté des savanes sur une note positive. Le début m’a intrigué, je me demandais où Robert Lalonde voulait m’amener. Je dois admettre que, parfois, j’éprouve de la difficulté à rester accroché quand la trame narrative est floue (voire absente) alors, vers le milieu de ce bouquin, mon intérêt commençait à s’amenuiser. De temps à autre, la mention ou la citation d’un grand auteur ravivait mon intérêt, j’essayais de la relier au livre. Ça a marché. Vers la fin, je me laissais entrainer par les mots, par les images qu’ils évoquaient devant mes yeux.
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Pas un jour sans un train

En voiture! Départ immédiat pour un voyage en train!



— C’est d’être à bord d’un train, n’importe lequel et peu importe où il va, qui me fait vraiment envie. C’est filer, décamper, fuir… T’imagines? On a un bon livre dans une poche, un cahier, un crayon dans l’autre, et ça suffit, on est seuls et on est contents… (p.130)



En fait, c’est à toute une série de petits voyages que nous convie l’auteur Robert Lalonde. Il nous accompagne pour quelques escapades, mais pour d’autres chapitres, nos voisins de compartiment seront des auteurs qu’il a aimés et qui comme lui, ont un jour pris un train. La présence de ces compagnons de voyage sera plus intéressante lorsqu’on connait déjà un peu ces quidams et leurs œuvres, la complicité est alors immédiate. Le parcours devient ainsi une ode à la littérature en plus d’une invitation au voyage.



Un livre que j’ai beaucoup aimé et qui vous plaira, si comme moi, vous rêvez de littérature et de voyages.

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Que vais-je devenir jusqu'à ce que je meure ?

Découvert tout récemment cet auteur québécois [grâce, entre autres, à deux billets de l'amie-babéliote, nuala… ]



Edité par les éditions Boréal, seule une petite partie est diffusée dans l'hexagone… J'ai donc pris contact , été fouiner à la Librairie du Québec [rue Gay-Lussac, près du Jardin du Luxembourg], malheureusement, plus un seul livre de cet écrivain ; j'ai dû passer commande de trois ouvrages… Je prends donc PATIENCE ; ma curiosité la plus vive va à son dernier ouvrage : « La Reconstruction du paradis »…que j'ai hâte de lire !



Dans ce roman où l'on croit ressentir quelques échos de la propre adolescence de l' auteur.

Robert Lalonde exprime sa colère envers une adolescence d'enfermement , de poisons par la religion catholique…de surcroît, un secret honteux familial est évoqué....au fil de ce récit rageur !



« Là-bas, dans notre maison, on m'attendait sans m'espérer. J'étais fils, neveu, cousin, et pourtant j'étais seul. J'étais seul chez nous comme j'étais seul au collège (...)

Les miens allaient de nouveau me reconnaître, moi qui ne me connaissais pas. Ils allaient exiger de moi que je bouge comme ci, parle comme ça, et docilement j'imiterais l'enfant qu'ils savaient par coeur, leur grand, en congé, cet enfermé que sa permission agitait comme la bourrasque l'arbrisseau. (...)

Je me roulai en boule sur la banquette. Je m'assoupis et le rêve recommença. Dans le vent fou rempli d'oiseaux, j'étire les bras, je vole, je quitte pour toujours le village, le collège, cette terre, leur cosmos. Je disparais sans avoir à mourir. “(p. 11)



L'auteur nous raconte une enfance et une adolescence douloureuse chez les curés ! Ces curés hypocrites et « tourmenteurs »… le récit de mauvais traitement subis : les plus forts sur les plus faibles ou les élèves différents, le côté permanent punitif et écrasant des « curetons »…



Une adolescence de mal-être, de colère… Heureusement, notre adolescent, pour se sentir moins seul et se donner du courage songe à son grand-père, l'écrivain d'un seul livre, qui était, bien avant lui, contre les curés… et qui aurait empêché, si il n'était pas décédé trop tôt, que son petit fils aille en institution catholique !!... Cela me fait songer à d'autres propos de révolte de Denise Bombardier contre ces milieux catholiques , dans les années 60-70. Des institutions très oppressantes , obsédées de censure , nourries d'interdictions et d'hypocrisie !!



On sent vraiment très intensément la douleur, le chagrin, la violence du quotidien de « notre adolescent »…Les révoltes, la rage difficiles à contenir… C'est un récit de résilience absolue… Achevons sur du positif… cette jeunesse mal vécue, mal acceptée sera la force ultérieure de « notre » future écrivain, devenu un auteur prolifique et un homme de théâtre reconnu :

« Et puis, quoi qu'on dise, quoi qu'on fasse, on se console pas. Il faut pas se consoler. On construit du solide avec le chagrin, quand on lui survit.

(p. 111)”



**Ouvrage commandé à Caractères- Librairie- Issy

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Fais ta guerre, fais ta joie

Commandé et acquis à la très compétente et accueillante Librairie du Québec *rue Gay-Lussac, Paris - Juillet 2021



Une absolue « pépite » que ce texte de l'auteur québeccois.Un texte magistral d'émotion et de questionnement sur la douleur et le bonheur de tout acte créatif… Un hommage à un père adoré qui a peint tardivement, prisonnier d'un travail de « barbouilleur-Lettreur pour commerçants en gros et détail », afin de « payer les factures », alors qu'il ne rêvait que peindre à plein temps…



L'auteur se sent toujours très proche de son père, même lui, parti …il reste son modèle absolu. Il a voulu suivre les traces paternelles dans le chemin difficile de « La Création », en choisissant, lui, le travail avec les MOTS….son « pinceau personnel » !

« Mil huit soixante-six. le jeune Emile Zola écrit, de Paris, à son ami d'enfance, Paul Cézanne, vivant toujours en Provence:

"Suis-je un peintre égaré dans l'écriture ? Je me demande si ma plume n'est pas un succédané de pinceau..." (p. 106)”



L'un des plus beaux livres de Robert Lalonde qui est , en plus de l'hommage bouleversant, à son père-artiste « contrarié », une célébration pour tous les artistes qui doutent, souffrent en construisant leurs oeuvres…

Un très convaincant parallèle entre les Ecrivains et les peintres… Robert Lalonde, même si complètement « habité » par les mots, n'en demeure pas moins extrêmement sensible à l'Art , au travail souvent douloureux des peintres, comme si il était « à vie » animé, enrichi de tout ce son père lui avait transmis de son art et de son propre parcours, hérissé de joies fulgurantes mais aussi de souffrances aussi accablantes…Robert Lalonde nous raconte aussi ses amitiés, ses complicités avec les artistes, dont il se sent très proche !



Robert Lalonde, dans ce livre très personnel, où, tout en évoquant son enfance, ses souvenirs liés à son père adoré, parle aussi passionnément des artistes qui l'interpellent plus intimement : que cela soit Van Gogh, Alberto Giacometti, Monet, Cézanne, Gauguin, Audubon, ou des artistes canadiens : comme Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, ( 1869 - 1937 ),que je découvrais pour la première fois, ainsi qu'Emily Carr, [ 1871 -1945 ], une sorte d'icône canadienne, une des artistes les plus reconnues …., Jean-Paul Riopelle, un expressionniste abstrait surtout connu pour ses paysages non figuratifs… et mon « préféré », Marc-Aurèle Fortin (1888-1970) ,un artiste québécois dont l' oeuvre est entièrement consacrée au paysage…



Je fais un clin d'oeil malicieux et reconnaissant à l'amie babéliote, m'ayant fait découvrir cet auteur québeccois, récemment… Un écrivain qui m'enchante. L'amie se reconnaîtra !!...je lui renouvelle tous mes remerciements…. [Même si c'est un parcours du combattant pour obtenir ses textes essentiellement publiés par Boréal] … Je viens heureusement de dénicher dans la réserve centrale des Bibliothèques de la ville de Paris un autre de ses textes, « le Vacarmeur », que je vais me hâter d'aller chercher .Un autre bonheur de lecture , en perspective , qui me réjouit par avance !



J'ai curieusement du mal à parler de cet ouvrage, tant il est dense et prodigue en questionnements, fusant de toutes parts… et puis le style éminemment poétique de Robert Lalonde est malaisé à rendre, à sa juste qualité… vous me pardonnerez, j'espère, d'ajouter un dernier extrait aussi « lumineux » que tous ceux , nombreux, que j'ai soulignés au fil de ma lecture :

« A présent, vous dessinez, vous crayonnez, vous durez devant l'objet de beauté. Vous avez l'engouement opiniâtre, l'attention soutenue du témoin. ça se passe dans l'oeil, ça vous saisit la main. Vous faites vôtre le visage , l'arbre, la fontaine, ce fouillis de branches, la naissance du crocus dans l'herbe neuve, le saule à l'envers dans le miroir du lac. Qu'importe que vous ne possédiez qu'un pauvre talent, vous n'intercédez que pour vous seul, ne vous adressez à personne, n'articulez que pour vous une allégresse qui ne s'explique pas, ne devez à nul autre que vous la jubilation provisoire. (p. 33)”



Hymne très puissant à La Création et aux Créateurs…riche d'une bienveillante empathie pour leurs doutes, leurs crises d'abattement et même de désespoir , leurs peurs de ne pouvoir mettre au monde « leur oeuvre », ce qu'ils voient et ressentent plus fort que les autres!!







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Fais ta guerre, fais ta joie

« J’ai vu tellement de chefs-d’œuvre que j’étais comme assommé, comme si plus rien ne me touchait tout d’un coup. Et dans la vitrine d’un bric-à-brac, j’ai vu une petite toile. J’ai pensé à mon père qui travaillait en dehors des académies, qui a eu du mal, toute sa vie, à se faire reconnaître. Ensuite, j’ai pensé à moi, à mon écriture, à mon travail, à l’art. »

C’est en sortant du musée du Louvre, que Robert Lalonde explique qu’il a eu l’idée d’écrire son roman « Fais ta guerre, fais ta joie ».



« Vous étiez seul, il était seul. Mais il y avait ce brasillement, ce chatoiement, ce diaprement, cette translucidité du ciel. Vous avez pensé, sans comprendre : tous les deux, on a de quoi voir et faire voir, lui avec ses couleurs, moi avec mes mots. »

Pour écrire ce récit, R. Lalonde utilise la 2e personne du pluriel, « vous ». Il s’adresse en fait à lui-même, étant enfant, mais par la même occasion à nous, lecteurs. C’est habile !



L’un écrit une route pour dessiner sa vie, quand l’autre dessine une route pour peindre sa vie…

« L’un », c’est Robert Lalonde, « l’autre » c’est Gilles, son père.

Robert Lalonde assiste, tout petit, aux créations picturales de son père, qui est peintre…



Son père a honte de son petit boulot de barbouilleur-lettreur pour les commerçants.

Dès qu’il est libre de son temps pour lui, Papa Lalonde s’empresse de peindre des toiles, et de façon passionnelle.

Mais souvent, il est dans le doute, tourmenté, souvent il lutte de manière acharnée devant sa toile, car rien ne va ! La création est douloureuse, elle fait souffrir.

« L’art, c’est de l’alchimie », comme disait Chagall !

Le peintre est dur avec lui-même. C’est un insatisfait permanent !



Gilles appelle son atelier-capharnaüm, son « foutoir de lendemain d’ouragan ». Et dans son grenier s’entasse ce qu’il nomme son « matériel de péché ».

Avant la jubilation et l’allégresse, il y a souffrance, tâtonnements, désespoir, mais jamais abandon, car créer, c’est un besoin irrésistible, une passion et un engouement persistant.

Avant la satisfaction de la création, il y a combat devant la toile, fièvre, acharnement, sueur…

Ainsi, je trouve que le titre de ce livre de R. Lalonde, « Fais ta guerre, fais ta joie », prend pleinement son sens !



Robert Lalonde multiplie les exemples qui montrent à la fois le découragement qui envahit les créateurs, mais aussi la flamme qui les anime et qui leur procure du plaisir au final.

Des citations et des anecdotes bien choisies viennent ponctuer ce livre, et sont des hommages à Paul Cézanne, Claude Monet, Vincent Van Gogh, Rodolphe Duguay, Marc-Aurèle Fortin, Jean-Paul Riopelle… mais aussi à Julien Grack, Léonard Cohen, Emile Zola, Jean Giono, …

Robert Lalonde tend de solides et sensibles liens entre création picturale et création littéraire.



En rapprochant la poésie de la peinture, il se questionne sur le travail de création fait par les artistes, que ce soient des grands maîtres comme Van Gogh et Gauguin ou ses amis peintres, qui lui ouvrent leur atelier et qui le fascinent.

« Je suis un grand visiteur d’ateliers de peintres, à la suite de l’influence de mon père. J’ai été très influencé par ça et je continue de l’être. »



J’ai découvert avec ce livre la belle écriture poétique de Robert Lalonde.

Il faudrait de nombreux adjectifs pour pouvoir bien définir sa jolie plume : lyrique, enjouée, lumineuse, rythmée, et avec une pointe d’humour, de temps à autre… Avec ses mots, il arrive à tout magnifier !



Mais l’écriture, n’est-ce pas là une des façons les plus phénoménales de peindre ?

Ce livre est un grand hymne à la Création !



« L’art, comme l’amour, prend du temps. » - « L’art est acte de foi. »

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Pas un jour sans un train

« Je voyage avec elles, avec eux. Je lis, j'écris, donc je voyage. » Robert Lalonde prend des trains « afin de travailler en paix, tout bonnement ». Se calant dans de « bienfaisants fauteuils », observant et écoutant les autres voyageurs, regardant défiler par la vitre le panorama, Lalonde se retrouve dans les wagons comme dans de « tranquilles cabinets de lecture ». Crayon et papier en mains, il laisse son imagination vagabonder et invite à bord de célèbres écrivains dans de brefs récits qui laissent place au secret et mystérieux mécanisme de l'écriture. Ainsi, Colette, Marcel Proust, Arthur Rimbaud, Flannery O'Connor, Gustave Flaubert, Gabrielle Roy, Emily Dickinson, Gabriel Garcia Marquez, William Faulkner, Marina Tsvetaiëva, Jean Giono, Virginia Woolf, Ernest Hemingway, Valdimir Nabokov, Jack Kerouac, Simone de Beauvoir, James Baldwin, Rainer Maria Rilke, Constantin Paoustovski, Peter Handke, Eudora Welty, Herman Melville, Fedor Dostoïevski et Robert Walser, reviennent à la vie, sous nos yeux, le temps d'un trajet en train qui leur permet d'avancer dans leurs écrits en cours.

En partie autobiographique, ce recueil de textes est d'une grande beauté. Il s'y dégage un souffle qui ne faiblit jamais et qui m'a emportée sur les ailes de la création littéraire à travers plusieurs époques. Il donne le goût de lire et de relire sans cesse et peut-être, sait-on jamais, de poser soi-même son imaginaire dans un cahier.

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Où vont les sizerins flammés en été ?

Ouvrir un recueil de nouvelles de Robert Lalonde, c'est un peu comme soulever le couvercle d'une boite à malices : ça vous saute à la figure, c'est coloré comme un lutin enchanté, un chapeau inimaginable vissé sur la tête. On sourit, on rit mais il faut le reconnaître, le jaillissement du coquin pantin surprend, même si on était prévenu de sa fulgurance. On adore la marionnette pour son côté fantasque et plein de joie mais l'espace d'un instant, le coeur a battu plus vite comme sous l'effet d'une petite peur, d'une grande appréhension...



Les nouvelles qui constituent ce livre vous feront le même effet : une grande empathie pour les personnages, l'imagination qui s'envole à la suite des oiseaux et il y en a de toutes sortes prêts à s'élancer de ces pages, l'écoute qui se fait plus attentive aux murmures de la rivière et puis, au détour d'une phrase, un pincement au coeur parce que tout ne peut pas être idyllique, parce le Mal se déguise toujours un peu, pas la cruauté, non, juste le manque de compassion, ou l'égoïsme ou le rejet de l'autre qui habitent un ou deux personnages et c'est déjà tant.



Les thèmes chers à l'écrivain se rejoignent d'un livre à l'autre, toujours en écho et c'est le bonheur de savoir qu'on va vivre ces pages en symbiose avec la nature, qu'on sera tourmenté par les aléas du temps, tempête soudaine, orage violent qui malmène hommes et bêtes, aurore boréale dans laquelle les nuages se transforment en chevaux ou en arbres échevelés, que les oiseaux piailleront autour de nous. On croisera la solitude, celle des êtres qui vieillissent ou celle de celui qui brandit sa fierté comme un flambeau, celle de celui qui est différent dans sa Culture ou dans son être et qu'on évite parce qu'on craint ce qui ne nous ressemble pas.

La religion surgit, tout comme les gardiens de la société, comme pour poser les limites d'une vie convenue et sans imaginaire.



C'est bouillonnant, étincelant de perceptions et de couleurs, ça bruit des sons de cette nature tantôt refuge, tantôt démence, ça fourmille de personnages à qui on a envie de tendre la main parce qu'on aimerait poursuivre la route auprès d'eux, parce que leurs tranches de vie nous ont fait réfléchir à nos destinées et qu'il est grand temps de s'ouvrir le coeur et la tête aux autres et à ce qui nous entoure et à tout recevoir comme un don qu'il faut protéger.





Refermez le couvercle de la boite magique, ou la dernière page du livre, il vous restera en tête la langue chantante de Robert Lalonde, sa poésie, ses descriptions imagées, sa palette de couleurs qui, le temps d'une lecture, auront redessiné la vie.





(Juin 2021)

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La reconstruction du paradis

Le projet de traduire pour le plaisir les vers de Walt Whitman a permis à Robert Lalonde de retomber sur ses pattes à la suite de l’incendie dévastateur de sa maison qu’il habitait avec sa compagne depuis plusieurs années.

« Loose the stop from your throat

Crache le mors qui entrave ta voix

Pas mal… »

Bien d’accord avec lui. Ces vers et bien d’autres superbement convoqués reviennent presque à chaque page, comme une ponctuation apaisante dans un récit fragmenté où l’émotion et les souvenirs affleurent. Car en sus de la perte physique du logis, il y a les écrits, les photos et les souvenirs familiaux disparus à jamais.

Je crois avoir déjà dit mon appréciation du travail de Robert Lalonde en écriture. C’est à chaque fois une joie de le lire, couplée à un sentiment de bien-être enveloppant.

Si vous aimez les douces introspections en littérature, partez sans hésiter à la rencontre de cet auteur.

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Le monde sur le flanc de la truite

J'ai découvert cet auteur et ce livre grâce à une critique de Nuala. Un grand merci pour cette belle découverte de ces "Notes de l'art de voir, d'écrire et de lire" les saisons, la nature, les animaux, la littérature, chaque instant de la vie.



Ce livre, cette "drôle d'affaire... météorologique et littéraire" comme la définit avec humour Lalonde (p. 141) dans un dialogue imaginaire avec Flaubert, se savoure page à page. Elle raconte le métier d'écrivain, l'art de lire, de s'imprégner de mots, de les partager. Pendant toute une année "d'avril à avril" (p. 184), le lecteur accompagne Robert Lalonde dans ses promenades, ses découvertes, sa vie en train d''écrire son livre, les lectures des auteurs qu'il aime et qui l'inspirent.



"Ecrire, voir, c'est pareil ! Ca exige la même vigilance tranquille. J'ai peut-être su dire cela, au moins, cette espèce de flânerie circonspecte, libre et exacte, qu'est la vraie chasse, la lecture enchantée, l'écriture qui transcende" (p. 188)
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Le monde sur le flanc de la truite

Il existe des livres qui, après la lecture, ne sont jamais délaissés car ils obsèdent le lecteur : autant de petits papiers multicolores marquent les pages à relire, à retrouver et c'est un signe quand, prenant le livre dans les mains, on se surprend à empoigner un arc-en-ciel.

Ce livre est de ceux-là et peut-être le premier de tous et, aussi, le premier d'une longue série qu'il me faudra désormais lire...





Robert Lalonde convie le lecteur à l'accompagner pendant quatre saisons, à méditer sur l'écriture, sur la nature, sur la vie aussi, finalement. Juste un séjour en compagnie de ce guide, de son chien toujours compagnon, de sa chatte toujours capricieuse, des oiseaux toujours symboles d'évasion et de vastitude, de la nature toujours en mouvement, de ses couleurs et de ses concerts.



Vaste programme quand il s'entoure des écrivains qu'ils admirent – Flannery O'Connor, Annie Dillard, Margaret Laurence, Barry Lopez, Pierre Morency, Emily Dickinson, Jean Giono, Colette... et bien d'autres -, introduit le lecteur auprès d'eux, les traduit, le cas échéant, dans une prose personnelle et imagée. Il les fait s'exprimer, converser tentant de faire des échanges une tentative de définition de ce qu'est "écrire", de ce qu'est la littérature...

Toujours regardant la nature, s'il a des yeux de peintre - comme son père - pour l'observer, c'est en poète qu'il devient naturaliste. S'il décortique la vie et les sentiments qui visitent l'Homme, c'est toujours en approfondissant, en allant au delà des perceptions, qu'il ressent.

" Ecrire, voir, c'est pareil ! Cela exige la même vigilance tranquille. (...) cette espèce de fl ânerie circonspecte, libre et exacte, qu'est la vraie chasse, la lecture enchantée, l'écriture qui transcende."



Ainsi, si Robert Lalonde explique son idée de l'écriture, il ne la sépare pas d'une idée de vie : le talent qu'il met à observer, pressentir et transcrire au mieux ses "visions précises", il le met à choisir un rythme de vie qui lui donne l'autorisation de laisser libre-cours à une liberté d'être, seul état autorisant l'adéquation entre éprouver et écrire, entre percevoir et dire.





Le livre refermé - mais il ne le sera jamais, vous l'avez compris ! - laisse le lecteur orphelin. La compagnie de tous ces écrivains lui manque, le voilà perdu, desoeuvré, la tête bouillonnante d'idées, de questions, de phrases, de mots qu'il faut redire et réciter pour avancer plus loin dans la réflexion et tenter de saisir ce qu'est "écrire".





Un livre donné comme un trésor, un livre qui devient comme un refuge, un livre comme un compagnon évident qui enrichit l'autre de son érudition : un livre qui ne se résume pas puisqu'il n'est jamais lu en totalité tant la profondeur de son propos reste vaste. (Reste à espérer ne pas l'avoir trahi en tentant d'en parler.)

Un livre à garder dans la poche, définitivement...





(Mai 2021)
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