"J'ai des rages, des hontes, des cataclysmes longs mais transitoires, des découragements d'ange déchu, de violents mais fugaces désespoirs d'animal dans le piège, des tristesses de rêveurs sorti de sa chimère par le fracas de l'arbre qui tombe..."
Moi aussi, je connais tout cela mais l'avantage que j'ai sur
Robert Lalonde, c'est qu'il me suffit d'ouvrir un de ses livres, de tourner quelques pages, savourer quelques mots pour que les phrases se transforment en guirlandes d'étoiles scintillantes et que leur clarté diaphane pourchasse les tristes pensées.
Ouvrir un recueil de cet écrivain, c'est laisser caracoler cinq chevaux sauvages dont on essaye de tenir solidement les rênes : ça part dans toutes les directions, c'est la fougue au bout des doigts, c'est une sollicitation grisante, on est avide de lire, de filer à toute allure à travers les phrases et d'en partager le plus possible.
Le texte s'écoule sur quatre saisons, une année qui se lit dans les ciels changeants, dans les fluctuations des contours des nuages, prenant naissance à la fin de l'été quand l'air se fait plus doux et que la lumière plus floue redessine toute chose, que la pensée s'alanguit, ainsi que la volonté.
C'est le temps pour évoquer, définir, retrouver les muses et les écrivains aimés et admirés. En les conviant encore une fois - ce texte fait suite au "Monde sur le flanc de la truite"-,
Robert Lalonde essaye de nous faire entrevoir ce qu'écrire représente, englobe de l'existence. Ecrire n'est qu'une forme de vision, n'est qu'un amour partagé, n'est qu'une invite à écarquiller les yeux sur la nature et sur ce que nous voisinons.
En suivant les pensées de
Robert Lalonde, Les couleurs se font plus ardentes, les chants d'oiseaux plus cristallins et dialoguer avec le chien devient une évidence, les cimes des arbres bruissent, et tout un monde s'évade du livre venant à la rencontre du lecteur dans la solitude tranquille de celui-ci.
Robert Lalonde convoque bon nombre des ses inspirateurs de l'écrit, ceux vers lesquels il revient toujours, pour nous faire toucher le secret des mots, que ce soit de jongler avec ou de les lire pour en extraire toute la magie et de voir, écouter, palper ce qui deviendra le levain du texte.
Ecrire, c'est prendre un pinceau et brosser à coups de mots un tableau de ce que l'on perçoit, écrire c'est recueillir l'inspiration en revenant toujours auprès de ces maîtres, ces écrivains qui savent parler au coeur et à l'âme, ceux qui secouent et ébranlent par leurs écrits, qui font pirouetter les idées et les emmêlent pour obliger à les détricoter en méditant.
Ecrire , c'est dire cette vie dans laquelle on avance en se démenant toujours, à tous âges..
L'encre dont se sert l'écrivain est la fuite du temps, le passage de l'enfance à âge adulte, ce territoire peuplé de secrets, d'instants fulgurants, de sentiments qui bouillonnent quand ce n'est pas le regard attendri de l'homme sur les années passées laissées en friche puisqu'il y revient sans arrêt. Son encrier est son royaume peuplé d'arbres, de lacs et d'herbes folles, d'animaux sauvages, de myriades d'oiseaux qui vont et viennent au gré des migrations comme les idées, rencontrées ou pistées par ce "vacarmeur" qui débusque pour l'unique joie de les faire entrevoir au lecteur.
"On n'écrit bien que sur ce qu'on aime le plus" dit en substance
Robert Lalonde, et il le réussit merveilleusement, on referme le livre chamboulé, renouvelé, en sachant qu'il suffira de relire quelques phrases pour retourner dans ce pays où se côtoient
Annie Dillard, Flannery O'Connor,
Eudora Welty,
Jean Giono,
Jean-Claude Pirotte, Colette,
Gabrielle Roy,
Emily Dickinson,
Jacques Poulin et d'autres dont Il est réconfortant de savoir qu'en plus de la plume de
Robert Lalonde qui attend, là, à portée de main, pour recolorer les jours un peu trop ternes et chasser la mélancolie qui s'y invite, la pile de livres de ces écrivains qu'il adule, érigée au fil de la lecture est gage d'autres bonheurs à partager.