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Critiques de Will Eisner (194)
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La Valse des alliances

Le rythme d’une valse serait presque trop lent pour décrire les combinaisons maritales qui relient les familles Arnheim, Ober et Kayn. Toutes immigrantes juives, la qualité de leur statut social dépend moins de caractéristiques intrinsèques que d’un contexte d’installation plus ou moins favorable. Les juifs allemands se considèrent d’élection plus noble que les juifs polonais et parmi les juifs allemands, ceux arrivés lors de la première vague, deux décennies avant la Guerre civile, ont généralement pu bénéficier d’opportunités que n’ont pas connues les émigrants de la deuxième vague.





Dans ce roman graphique qui mêle textes et planches classiques, Will Eisner semble vouloir nous démontrer que l’ascension sociale est clairement liée à la détention du capital. Et le capital ne s’acquière pas encore majoritairement par l’acharnement d’un self-made-man mais en réalisant de bons mariages –dans tout le sens lucratif du terme. Les contraintes de succession des lignées royales semblent s’être étendues à toute la petite bourgeoisie mais parce que le maintien du couple ne met pas en jeu l’avenir d’un royaume, les formations liées de gré ou de force au cours de ces valses ploient devant l’adultère, l’alcoolisme, la paresse ou l’égoïsme.





Le rythme ne faiblit pas une fois. Will Eisner choisit de mener sa saga familiale sur trois générations en avançant plusieurs contextes différents : la réussite, la déchéance, l’envie de faire mieux. Le processus ressemble méchamment aux balbutiements d’une humanité qui tantôt se repose, tantôt cherche à s’améliorer. Peut-on vraiment échapper à son déterminisme ? Il semblerait que non. D’une génération à l’autre, les évolutions sont plus imputables aux changements sociétaux qu’à une véritable libération des individus vis-à-vis de leur milieu d’extraction. La Valse des alliances aurait pu se poursuivre encore longtemps, mais on se délecte déjà de la représentativité de ces trois générations.
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Un pacte avec Dieu

Suis-je devenu un inconditionnel de Will Eisner ? Cela se pourrait bien... Dans "un contrat avec Dieu", Eisner raconte le Brooklyn de son enfance. C'est un peu autobiographique.



Cette publication de 1978 va marquer une date historique dans le monde de la BD car c'est le tout premier "roman graphique". Une nouvelle forme littéraire est enfin arrivée à maturité !



C'est vrai, Will Eisner est sans conteste pour moi l'un des plus grands auteurs. Il a un trait souple et des expressions de visage de ces personnages bien à lui. C'est le Disney de la bande dessinée !



On vibre réellement en découvrant telle famille qui souffre. On sourit en suivant telle autre qui arrive à se sortir de la misère.



Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 4/5 - Note Globale: 4/5
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Au coeur de la tempête

Cette histoire est parue pour la première fois en 1991, après Jacob le cafard (1988) et avant Peuple invisible (1993). Il s'agit d'une bande dessinée noir & blanc, de 205 pages, écrite et dessinée par Will Eisner (1917-2005). Le tome commence avec une page d'introduction rédigée par Will Eisner en 1990. Il indique que son idée de départ pour ce récit a évolué de l'évocation des États-Unis avant la seconde guerre mondiale, à un récit semi autobiographique, et un regard sur le rêve américain de l'intégration culturelle et raciale, et sur l'évolution de la signification du mot préjugé



En 1942, la guerre en Europe a fini par se faire sentir aux États-Unis et les jeunes américains sont appelés sous les drapeaux. Ils devaient se rendre à la caserne indiquée, où ils recevaient un uniforme, puis prenaient un train pour une destination qui ne leur était pas précisée. Ils savaient que ce voyage était le moment pour emmagasiner de l'énergie, et pour se préparer aux épreuves à venir qui allaient remettre en question leurs valeurs et leurs préjugés. Ce jour de 1942, Willie se trouve dans le train en uniforme de troufion, à côté d'un autre appelé Mamid. En réponse à un troisième bidasse, Mamid explique que tout ce qu'il sait c'est que le train les emmène vers un camp d'entraînement pour les préparer à la seconde guerre mondiale, et que quelques jours avant il était l'éditeur d'un quotidien turc à Brooklyn. L'autre fait une remarque sarcastique sur leurs qualités de soldats et Mamid pique un petit roupillon. Coté fenêtre, Willie repense à son enfance à Brooklyn, avec ses parents en 1928. Cette année-là, ils ont déménagé dans le Bronx, pour que son père se rapproche de l'usine dont il était le propriétaire. Alors que ses parents déballent les cartons, sa mère lui demande d'aller promener son petit frère Julian dehors. Ils se font prendre à partie par des adolescents du quartier qui rossent Willie, sous les yeux de son petit frère.



Willie et Julian reviennent à la maison : la mère s'inquiète pour Willie qui va dans sa chambre pleurer de frustration sur son lit. Son père Sam l'y rejoint et lui explique comment ça se passait dans son village (shtetl en yiddish) quand les villageois du coin venaient chercher la bagarre et que les juifs devaient faire le dos rond. Leur conversation est interrompue par un coup frappé à l'entrée. Le père va ouvrir et se retrouve face à Tony, un homme baraqué de haute taille qui vient demander des excuses du fait que Willie ait mordu l'oreille de son fils. Il exige que Sam sorte dehors pour qu'ils se battent. Ne pouvant faire autrement, Sam accepte et déclare d'entrée de jeu que l'autre a gagné. Tony déclare qu'il est hors de question qu'il se contente de cette déclaration et qu'il a bien l'intention de se battre. Quelques instants plus tard, Sam rentre chez lui indemne et indique à sa femme Fannie que le vendredi suivant ils amèneront du poisson qu'elle prépare si bien, chez Tony. Le voyage en train continue et le trouffion essaye d'asticoter Willie sur le fait qu'Hitler extermine les juifs. Willie ne répond pas. Il repense à Helen, une jolie demoiselle blonde du quartier qui l'invitait régulièrement dans l'atelier naval de son père, un communiste qui lui expliquait le principe de la lutte des classes et de la révolution. Willie était revenu chez ses parents, alors que les gamins du quartier avaient pris le landau avec son petit frère dedans pour chahuter. Willie avait récupéré son frère sans avoir à se battre, utilisant son cerveau, comme son père avec Tony.



L'introduction de l'auteur explicite donc son intention : mettre en scène l'intégration culturelle de juifs au sein de la société américaine. La séquence la plus lointaine se déroule en 1880 lorsque Fannie (la mère de Willie) évoque son père, un émigré roumain qui a eu trois enfants (Irving, Mike et Rose) d'une première femme et trois autres (Fannie, Goldy et Bobbie) d'une seconde. La séquence la plus récente est celle du train en 1942. Le lecteur peut donc voir trois générations différentes interagir avec les américains dans leur entourage. Il observe des comportements relevant de l'ignorance crasse (le troisième soldat qui est incapable de savoir où se situe la Grèce), le harcèlement peu importe la raison (les jeunes irlandais s'en prenant à leur voisin plus jeune et pas de leur milieu), l'antisémitisme ordinaire, juste comme ça, sans fondement idéologique ou religieux, juste par habitude. Il est également témoin de l'amitié spontanée et désintéressée entre enfants, de l'entraide, de l'absence de préjugés de race ou de culture, du lien amical plus fort que les préjugés de classe, des lieux communs antisémites plus forts que l'amitié, de l'entraide au sein d'un même communauté, mais aussi de ses limites, et de la fraternisation indépendamment des convictions et des préjugés. Tout est littéralement possible et rien n'est joué d'avance ou immuable.



Cette histoire relève de la fresque historique et sociale à hauteur d'individu. Le lecteur passe d'une vague d'immigration à la fin du dix-neuvième siècle à l'approche de la première guerre mondiale, puis traverse la grande crise économique des années 1930, jusqu'à la déclaration de la seconde guerre mondiale, tout ça en toile de fond, avec les répercussions sur le commun des mortels. Comme toujours chez cet auteur, les dessins insufflent une vie incroyable dans chaque personnage, chacun étant différencié par ses vêtements, sa morphologie, ses gestes et ses postures, ses expressions de visage. Il n'y a pas deux personnages identiques. Will Eisner met en œuvre sa science de la direction d'acteur, poussant parfois jusqu'à la pantomime, mais sans tomber dans l'exagération comique, conservant toujours cette justesse dans les nuances et dans l'expressivité. Le lecteur éprouve la sensation de voir exister devant lui aussi bien des enfants dans une bagarre de rue, qu'un père en train d'expliquer comment éviter la bagarre à son fils honteux de s'être fait rosser, une mère ayant une petite tendance à se montrer théâtrale dans ses réactions dramatiques, une épouse autoritaire houspillant un mari qui a capitulé depuis belle lurette (avec des épaules tombantes et une posture avachie et résignée), une jeune femme courageuse essayant d'arracher sa petite sœur d'un tripot, un artiste bohème dans la Vienne de 1910, un américain communiste habité par ses convictions, un jeune américain bon teint, etc. Le lecteur se rend compte qu'il a déjà une idée du caractère de chaque personnage, de son origine sociale, de ses émotions rien qu'en le regardant le temps de 2 cases. Il y a là une science incroyable du portrait vivant.



Les qualités artistiques de Will Eisner ne se limitent pas à représenter les êtres humains dans leur diversité. Sa narration graphique est à nulle autre pareille, d'une richesse roborative. Il pense ses constructions de page en fonction de chaque séquence, utilisant aussi bien des cases sans bordure laissant une liberté de mouvement total au regard du lecteur, que des pages à fond noir (plutôt que blanc) que des dessins enchevêtrés comme coulant l'un dans l'autre, que des cases traditionnelles avec une bordure rectangulaire tracée. Il n'utilise pas de bulle de pensée, les phylactères étant consacrés aux dialogues. Il intègre parfois de courts textes sous une image, comme une sorte de texte illustré, ou plutôt d'image commentée, sans nuire en rien à la fluidité de la narration. Ce récit étant explicitement situé dans le temps, le lecteur attend une reconstitution historique. Will Eisner fait le nécessaire avec la même élégance que pour les personnages. Sa narration visuelle ne devient pas un exercice académique de recréation d'une époque ou d'une autre. Les éléments apparaissent naturellement dans les cases, sans que le lecteur n'ait l'impression de devoir s'extasier devant la pertinence d'un détail. Dans le fil du récit, il peut effectivement s'intéresser aux costumes, à l'architecture des bâtiments, aux outils d'un menuiser, aux différentes formes de landau, au lange d'un bébé, au modèle d'une automobile, au mobilier, etc. Il peut aussi n'en faire aucun cas et ne pas s'y attarder, en se limitant à l'impression globale que tout est bien d'époque et à sa place.



Du coup, sans même s'intéresser à la notion d'intégration, le lecteur se projette dans les différents individus qu'il voit vivre sous ses yeux, ressentant leurs émotions, partageant leurs espérances, leurs envies, leurs émotions. Il se sent aussi proche d'un jeune garçon malmené par les gosses du quartier que de son petit frère qui regarde ce qui se passe sans comprendre, que d'une femme inquiète de voir son mari sans travail et donc sans revenu pour nourrir ses enfants, que d'un jeune peintre à Vienne exploité par son maître, que d'une jeune adolescente contente de son indépendance à travailler dans un tripot, que d'un homme d'une vingtaine d'années franchissant une étape après l'autre pour pouvoir devenir médecin, que d'un adolescent dépassé par l'antisémitisme larvé et implicite de ses parents, que par un père de famille résigné à être un mauvais entrepreneur, mais philosophe. Cette histoire est à l'opposé d'un exposé stérile et magistral : elle est habitée par des êtres humains faillibles et toujours sympathiques quels que soient leurs défauts. L'humanisme de Will Eisner rend chaque personne très réelle avec cette complexité inhérente qui fait qu'il n'est pas possible de les haïr ou d'y voir un méchant d'opérette.



À chaque nouvelle œuvre, Will Eisner se lançait un nouveau défi. Loin de déboucher sur des récits conceptuels, cette méthode accouche à chaque fois d'une histoire pétrie d'humanité, avant tout des individus très incarnés qui vivent leur vie de leur mieux en fonction de leur éducation, de leur milieu, de l'environnement dans lequel ils évoluent, des circonstances historiques, avec un trait toujours aussi élégant et vivant.
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Will Eisner reader

Ce tome contient 7 histoires courtes complètes et indépendantes, écrites, dessinées et encrées par Will Eisner, en noir & blanc.



A sunset in sunshine city (28 pages) - Henry Klop a 70 ans et il a décidé de prendre sa retraite. Tout sa vie il a travaillé pour installer et développer son propre restaurant qui est devenu une affaire prospère, non sans mal. Il a résisté à tous ceux qui lui proposaient de franchiser son affaire, y compris Jerry un de ses deux gendres. Il est veuf, sa femme étant décédée quelques années auparavant. Il a acheté un bel appartement en Floride où il compte jouer au golf et profiter de la vie. Ses deux filles Rita & Helen lui ont organisé un buffet de départ où ses connaissances sont venues lui souhaiter une vie paisible, là-bas sous le soleil. Rita l'a accompagné jusqu'en Floride et l'aide à faire connaissance avec sa voisine Olga Longo, une jeune femme de 50 ans. The Telephone (8 pages) - Un installateur de téléphone termine d'en mettre un dans l'appartement d'une vieille dame, lui promettant qu'elle pourra ainsi contacter le monde entier. Jenny et Harry s'étaient promis un amour éternel et que le premier à décéder contacterait l'autre depuis l'au-delà. Un jour, quand le téléphone sonne, Jenny sait que c'est Harry qui la contacte. Detective story (12 pages) - Durant les années 1930, deux forces ont façonné la vie des habitants du Bronx : le banditisme organisé et l'occultisme. Après 25 ans passé à travailler comme adjoint administratif dans une banque, Max Million peut enfin s'installer à son compte et ouvrir un bureau de détective privé. Il ne lui reste plus qu'à attendre sa première affaire : madame Barkus l'engage pour retrouver Benny Motzer parti sans payer 6 mois de loyer.



The long hit (8 pages) - En 1934, Hockie Lozania exerce la profession de tueur à gages. Il vient de remplir un contrat pour Don Angelino. Il va lui rendre compte, et celui-ci lui passe une nouvelle commande : faire passer Dave Bungey de vie à trépas. La nuit venue, Lozania abat sa cible dans son lit, mais en fait il s'agissait de la femme de Dave Bungey. Il va rendre compte à Don Angelino, et après s'être fait passer un savon, il lui promet d'accomplir le contrat quel que soit le temps que ça lui prendra. Winning (8 pages) - Cette année se déroule la quinzième édition du grand marathon de Big City : 5.000 participants. C'est un beau temps pour un marathon et les concurrents habituels sont là : Shawn O'Murphy (immigrant irlandais ayant gagné l'édition précédente), Yula Bonner (coureuse scandinave), Egon Shulz (gagnant du marathon de l'Ohio), Ian Grace (pasteur ayant gagné il y a 2 ans), Jim Trott (un cardiologue de Philadelphie), Albie Cermak (disqualifié il y a 3 ans pour avoir pris le métro)… et Benny la cinquantaine, aucun entrainement. The appeal (6 pages) - Un homme rentre chez lui et trouve 4 hommes attablés dans son salon. L'un d'eux lui indique qu'il est en position d'accusé et lui présente la victime Monsieur K. Human (7 pages) - Il y a des milliers d'années de cela, un hominidé se tenant sur ses membres inférieurs apprend à se servir de ses mains pour fabriquer une lance avec un bâton aiguisé. Il découvre un autre hominidé en train de tailler une pierre pour qu'elle soit effilée et coupante.



Dans les années 2000, l'éditeur WW Norton a entrepris de publier l'intégralité des œuvres de Will Eisner, réalisées à partir de A contract with God (1978), passé à la postérité comme étant le premier (ou peu s'en faut) roman graphique américain. Tout naturellement, après avoir lu la douzaine d'œuvres majeures de l'auteur, le lecteur continue de parcourir sa bibliographie pour trouver une dose supplémentaire. Sous une couverture qui ne paye pas de mine, et un texte de quatrième de couverture peu alléchant, il découvre un recueil de 7 histoires complètes indépendantes de longueur variable. Il commence la première et retrouve tout de suite les sensations familières des œuvres de l'auteur : des personnages très humain et imparfaits, un humour en creux un peu vachard, et un humanisme dépourvu de naïveté. À 70 ans, Henry Klop a bien mérité de profiter de son argent, de quitter un quartier où il a vécu toute sa vie, mais qui a bien changé, et pourquoi pas de se lier d'amitié avec une autre femme, voire plus si affinité, ses 2 filles étant installées et mariées, autonomes. L'histoire d'après est un fait une suite de 8 gags en 1 page autour du téléphone, à nouveau avec des individus chacun animé par des motivations très différentes.



Dans les 6 autres récits, le lecteur fait connaissance avec un petit monsieur rondouillard qui réalise le rêve de sa vie (exercer le métier de détective privé) avec des indices fournis par une voix désincarnée, avec un tueur à gages vieillissant, avec un homme banal au possible déterminé à finir un marathon, avec un monsieur générique confronté à une situation incompréhensible et avec un homo sapiens fort débrouillard. Le lecteur se prend au jeu de ces nouvelles (des récits courts) dès la première, agréablement surpris par leur diversité, décontenancé par la participation d'un fantôme dans l'une d'elle, par un passage par la préhistoire, par un hommage affiché à Le Procès (1925) de Frantz Kafka (1883-1924). Il s'agit donc bien d'un recueil de nouvelles ayant comme point commun de faire connaissance avec un ou plusieurs personnages, et d'être mises en images par un maître bédéaste. Dès la page d'ouverture, le lecteur retrouve la capacité de l'artiste à se jouer des contraintes formelles : un dessin qui semble d'un seul tenant, mais qui correspond en fait à l'équivalent de 4 cases, 3 montrant Rita en train de téléphoner à Helen, et l'autre son père devant la devanture de son restaurant vendu. Quelques pages plus loin, Henry Klop se promène une dernière fois dans les rues de son quartier, des images de ses souvenirs s'entremêlant à ses déambulations, avec un texte ondulant sans phylactère ni bordure, à mi-chemin entre la ritournelle et les phrases courtes d'un conte. Le lecteur rencontre une ou deux pages de texte très aérées sans image, avec la police si caractéristique d'Eisner, un palmier qui pousse à la verticale entre les cases de gauche et celles de droite, des cases sans bordure, des cases sur fond noir.



Comme d'habitude, le lecteur regarde des personnages à la présence incroyable, à l'identité unique, au naturel épatant, pleins de vie à chaque case. S'il s'arrête de temps à autre sur page, il voit comment l'artiste exagère un peu une posture ici, les traits d'un visage là. Will Eisner s'inspire parfois de la mise en scène du théâtre, et d'autre fois de la pantomime, et ça fonctionne de manière organique. Il représente des individus aux morphologies réalistes, avec un petit défaut, ou de l'embonpoint, ou les marques de l'âge, ou des émotions peu flatteuses. Le lecteur ressent chaque état d'esprit, chaque émotion comme si c'était la sienne, sans dramatisme larmoyant, sans hystérie ou exagération factice. Les dessins créent une proximité extraordinaire avec chacun, chaque personnage devenant familier en 2 ou 3 cases maximum, et tout de suite sympathique même ceux qui se comportent sans égard avec les autres. Charmé par ces personnes qu'il découvre, le lecteur peut aussi ne pas prêter attention aux décors. Une magie semble à l'œuvre : il n'oublie jamais où se déroule une scène, chaque endroit est unique et différent, chaque lieu est représenté de manière particulière. Le lecteur éprouve la sensation de courir aux côtés de Benny, et de pouvoir ressentir ce milieu urbain caractéristique de New York, de marcher à côté d'un homme préhistorique dans une nature intacte. Il peut s'assoir sur le fauteuil un peu usé dans le salon, ou regarder l'océan depuis le balcon d'un appartement, le soleil de la Floride n'étant pas du tout celui de New York, et tout ça en noir & blanc.



D'histoire en histoire, le lecteur se rend compte que chaque état d'esprit lui parle, soit parce qu'il en déjà éprouvé un de semblable, soit parce qu'il est capable de se mettre à la place de la personne qu'il regarde. En plus de cet amour de l'être humain, de l'acceptation de ses défauts (sans occulter ses qualités), il se rend compte qu'il sourit régulièrement. Il lui faut un peu de temps pour comprendre que l'amour de Will Eisner pour l'humanité ne l'empêche pas d'être réaliste et montrer du doigt les comportements intéressés ou incohérents. À son corps défendant, le lecteur sourit quand Jerry divorce de sa femme pour une plus âgée mais plus riche. Il sourit tout autant quand il se rend compte de la manière dont Henry Klop console sa fille, tout en réussissant à y trouver son propre intérêt et même prendre une sorte de douce revanche. Les gags en 1 page sont essentiellement visuels : même si certains sont prévisibles, le lecteur est emporté par l'habileté et l'élégance de la narration visuelle. La reconstitution de la préhistoire est squelettique, mais le lecteur sent l'air frais et pur. L'hommage à Franz Kafka n'est pas noyé dans les aplats de noir, ce qui n'empêche pas le lecteur de se prendre l'absurdité sinistre de l'arbitraire en pleine face.



Ce recueil de 7 nouvelles prouve sans doute possible la gentillesse de Will Eisner, son humanisme, sa maîtrise exceptionnelle de l'art de la bande dessinée. Le lecteur néophyte se laisse prendre au charme doux de la narration et à la personnalité de chaque individu. Le lecteur amoureux de Will Eisner retrouve tout ce qu'il est venu chercher et se rend compte qu'il n'y a pas une seule histoire à jeter, même quand il s'aventure à ajouter une pincée de surnaturel, ou qu'il évoque la vie préhistorique.
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Affaires de famille

Ce tome contient une histoire complète et indépendante de toute autre. Dans la bibliographie de son auteur, il est paru entre Dropsie Avenue : Biographie d'une rue du Bronx (1995) et Mon dernier jour au Vietnam (2000). La première édition date de 1998. Il a entièrement été réalisé par Will Eisner : scénario et dessins, avec des nuances de gris. Cette histoire comporte 70 pages de bande dessinée.



Une citation anonyme évoque le lien qui unit les membres d'une famille, qui peut n'être ni l'amour ni la loyauté. Dans une petite ville au pied des montagnes, Al est en train de boire un café au comptoir. C'est le garçon de salle. Il explique à Joe le propriétaire qui est aussi le barman, qu'il a reçu une lettre de sa sœur Greta qui l'invite au repas d'anniversaire des 90 ans de leur père Ben. Il demande une avance à Joe pour pouvoir s'acheter son billet d'avion. Il l'obtient. Il va ensuite dire au revoir à sa conjointe Alma qu'il part pour quelques jours. Il lui promet d'envisager un avenir plus durable avec elle à son retour. Il espère bien qu'il aura des nouvelles sur l'héritage potentiel. Dans une riche banlieue résidentielle, Molly raccroche le téléphone : Greta vient de l'inviter pour le repas d'anniversaire des 90 ans de Ben. Elle explique à son mari Charlie Garnett qu'elle a bien l'intention de s'y rendre, avec lui, leur fille Sherry et leur bébé, et montrer à tous les autres à quel point ils sont une famille heureuse. Dans un magasin de vêtements féminins, Selena demande à la propriétaire Marylou de pouvoir bénéficier de sa soirée pour se rendre à l'anniversaire de son père Ben, chez sa sœur Greta. Marylou accepte de mauvaise grâce car c'est la période des soldes. Selena passe se changer chez elle, où son copain Joe est encore saoul. Elle le gifle pour avoir la paix, puis sort alors qu'il est inconscient sur le sol sous les effets de l'alcool.



Dans son bureau de notaire, Leo se prépare à partir pour se rendre chez sa sœur Greta, agacé de ne pas trouver le dossier qu'il veut emmener. Sa secrétaire Irma lui tend. En conduisant, il repense aux propos désobligeant de son père sur le gâchis de la vie professionnelle de son fils alors qu'il lui a payé de bonnes études. Occupé à parler à sa secrétaire, il ne remarque pas qu'il est au-dessus de la limite de vitesse autorisé et il se fait arrêter par une voiture de police. Chez elle, Greta s'affaire pour préparer la table du repas, en demandant à son jeune fils de l'aider. Celui-ci lui demande si tout le monde viendra. Elle lui répond qu'elle n'est pas sûre qu'Al fasse le déplacement. Elle demande à son fils d'amener le grand-père Ben dans la salle à manger. Celui-ci va chercher son grand-père immobile et muet sur son fauteuil roulant, les suites de son attaque cardiaque. Dans sa tête, Ben repense au fait qu'il s'est marié tardivement à 40 ans, trop occupé par les affaires avant. Harry, le mari de Greta, l'appelle pour dire qu'il sera en retard du fait de problèmes au bureau.



C'est un fait : Will Eisner est un auteur incontournable dans le monde des comics et même de la bande dessinée mondiale. On lui reconnaît le fait d'avoir été le premier à écrire et publier une bande dessinée sans prépublication, un roman graphique même, abordant des thèmes adultes, s'adressant à des adultes, sans utiliser des conventions de genre que ce soit le policier, ou les superhéros : Un pacte avec Dieu en 1978. Auparavant cet auteur était devenu célèbre pour les aventures d'un détective privé The Spirit. Une affaire de famille est considérée comme l'un des romans graphiques mineurs d'Eisner, ce qui le rend aussi plus accessible pour se familiariser avec son écriture. Le lecteur peut entretenir d'autres a priori, tels que la crainte d'une narration vieillotte, des dessins maladroits, une morale un peu appuyée ou orientée. Il commence timidement sa lecture, en espérant également être à la hauteur. S'il est déjà familier des œuvres de Will Eisner, il retrouve son lettrage aisément identifiable, sinon il découvre ces lettres un peu épaisses, généreuses et confortables. La première séquence s'avère on ne peut plus accessible, une prise de contact avec Al, un peu fauché, un prolétaire, et la présentation du fil rouge de l'histoire : un repas d'anniversaire avec des enfants attendant d'hériter sans pour autant être aux abois. Les acteurs sont vraiment très bons dans leur jeu. Les décors sont assez présents, sans voler la vedette. Il n'y a que la teinte grise qui ternit un peu l'ambiance.



Le lecteur a compris qu'il est dans une comédie dramatique peu angoissante. Les personnages se comportent effectivement tous différemment en fonction de leur situation sociale et de leur histoire personnelle, des époux Garnett avec leur bonne pour s'occuper des enfants, au pauvre Sammy bénéficiant des aides sociales et suivant une psychothérapie. Néanmoins, il n'y a pas de misérabilisme. Charlie Garnett s'accommode avec philosophie du caractère autoritaire de sa femme. Sammy a accepté son état mental et fait des efforts pour l'améliorer. Le lecteur se rend compte que son ressenti participe à la fois de la compassion pour des situations délicates, à la fois de l'amusement pour la manière dont Charlie se soumet aux volontés de sa femme, pour la manière dont Al se trouve gêné en se retrouvant face à son fils dont il ne s'est jamais occupé. Le langage corporel des personnages est extraordinaire d'expressivité et de justesse, que ce soit dans les postures, les gestes, les occupations du quotidien. Pour la première apparition de chaque personnage, l'artiste représente le lieu où il se trouve dans un dessin en pleine page. Pour le reste, il représente plus ou moins de détails, de nombreuses cases ne montrant que les personnages comme s'ils se tenaient sur une scène de théâtre. La lecture est effectivement très facile, plutôt agréable du fait de l'absence de drame larmoyant, assez touchante grâce à l'empathie pour les personnages, et l'intrigue s'avère assez classique, avec une révélation faite doucement et une chute très logique. Le lecteur a passé un bon moment sans ressentir de révélation, sans vivre de moment inoubliable.



… mais les personnages restent avec lui quand il a refermé la BD, ainsi qu'une douce sensation de chaleur humaine ineffable et précieuse. Pourtant, avec un peu de recul, Will Eisner a créé des personnages assez proches de stéréotypes : l'homme quadragénaire incapable de s'engager et de s'installer, le mari dominé par son épouse, l'épouse fière de son statut social, la jeune femme incapable de s'installer, le jeune homme manquant de confiance en lui du fait d'avoir été abandonné par son père, la grande sœur qui veut absolument rassembler la famille pour l'anniversaire du père. La narration est visuelle est simple et sans chichi, sans séquence spectaculaire, parfois comme juste griffonnée. Pourtant, en 70 pages, l'auteur a réussi à donner vie à une dizaine d'individus très différents. Avec un trait souple à l'apparence superficielle d'esquisse, il capture avec une précision incroyable l'apparence de chacun d'entre eux, avec une cohérence parfaite. Même dans les scènes les moins visuelles, les personnages vivent sous les yeux du lecteur. Par exemple, page 20, en rentrant chez lui Leo téléphone en conduisant, et l'artiste le dessine de face en plan fixe. Le lecteur peut voir l'expression de son visage changer en fonction de ce qu'il dit et donc de ce à quoi il pense, tout en penchant plus ou moins la tête sur son téléphone en fonction de l'intensité de son état d'esprit, sans oublier de tourner le volant pour suivre la circulation. Pages 48 & 49, Al se retrouve face à son fils Sammy dans la même pièce, et rien qu'en regardant les personnages, le lecteur ressent la gêne d'Al derrière ses fanfaronnades, et le détachement de Sammy indiquant à son père qu'il est au chômage, sachant que son père se montrera aussi égocentrique que d'habitude, incapable de s'intéresser à lui.



Le lecteur se rend également compte que ce qu'il pouvait prendre pour de l'économie relève en fait d'un sens très sûr de la narration. Les dessins de bâtiment en pleine page montrent des endroits que le lecteur sait qu'il pourrait retrouver tellement ils ont l'air vrai. Pourtant un examen attentif de la page montre bien de simples traits, pas toujours réguliers, l'artiste sachant jouer avec ces variations d'épaisseur pour donner plus de relief à chaque élément. Le lavis gris semble apposé de manière uniforme à grands coups de pinceau, mais en y prêtant attention il apparaît que les irrégularités de teinte rehaussent discrètement le relief de chaque élément pile poil au bon endroit, comme par magie. La disparition des décors en arrière-plan concentre l'attention du lecteur sur les personnages exactement au moment où un enjeu émotionnel important apparaît et s'exprime. L'absence de bordure de case accentue l'impression que chaque dessin se déroule au même endroit, faisant naître une forte continuité de l'un à l'autre. Will Eisner a trouvé un moyen de représenter les souvenirs d'un personnage en les inscrivant dans des bulles aux contours particuliers, les mêmes contours qu'il s'agisse d'un dessin ou d'une pensée. Toute la narration visuelle est d'une élégance aussi discrète que gracieuse. Les personnages s'attardant dans son esprit, il repense à ce qui les unit, à la manière dont l'auteur expose leur relation à leur père, par petites touches. En fait, ils ne sont pas des archétypes, mais ils se sont bien incarnés sous les yeux du lecteur, avec chacun un bon fond, malgré leurs réels défauts qui apparaissent alors comme l'expression de leur humanité. La résolution de l'intrigue devient alors encore plus poignante dans la solidarité qu'elle exprime, et l'empathie désintéressée de Sammy.



Effectivement, la lecture facile donne l'impression d'une histoire simple, d'un récit peut-être mineur. Il faut un peu de temps au lecteur après avoir refermé cette bande dessinée pour que toutes les saveurs subtiles s'exhalent et qu'il prenne la mesure de son attachement aux personnages, de la douce sensibilité de l'auteur pour eux, de leur humanité faillible, de leur façon de former une famille malgré leurs différences.
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Petits Miracles

Avec cette bande dessinée, Will Eisner propose de faire vivre au lecteur, à travers quatre histoires, le quotidien de familles dans le quartier imaginaire de Dropsie Avenue.



La première histoire, "Le miracle de la dignité", m'a plutôt fait sourire par son côté quelque peu ironique et par le renversement de situation à la fin.

Parti de rien et clamant qu'il veut retrouver sa dignité, l'oncle Amos réussira à manoeuvrer pour devenir riche tandis que son cousin Irving qui l'avait aidé financièrement s'appauvrit.

La situation s'inverse, mais voilà, il connaîtra un revers de fortune et se retrouvera dans sa situation antérieure, sauf que cette fois-ci chacun dans la famille se gardera bien d'aider l'oncle Amos à repartir de zéro, puisque "C'était, après tout, un homme d'une si grande dignité."

Je ne peux m'empêcher de trouver à cette histoire un petit côté moralisateur, comme quoi l'argent ne fait pas le bonheur et surtout ne peut pas contribuer à lui seul à rendre sa dignité à un homme.



La deuxième histoire, "Magie de rue", commence à devenir un peu plus cruelle, dans le sens où la violence de certains quartiers de New-York commence à se faire sentir.

Très courte, elle n'en est pas moins percutante et j'ai beaucoup aimé son côté optimiste, dans le sens où l'un des personnages prend un risque et finalement s'en sort très bien.

Là aussi, s'il devait y avoir une morale ce serait "Tel est pris qui croyait prendre".



La troisième histoire, "Un nouveau dans le bloc", est la plus longue de toute et sans doute celle qui m'a le plus marquée.

Elle revêt un caractère magique, surnaturel, que les autres histoires n'ont pas, et pendant longtemps j'ai, naïvement, espéré une conclusion heureuse.

Un jeune garçon apparaît mystérieusement dans un bloc de Dropsie Avenue et à partir de ce moment des petits miracles ont lieu.

Il ne parle pas, ne sait ni lire ni écrire, c'est un enfant sauvage sans mémoire sauf qu'il apporte le bonheur à ce bloc.

Mais voilà, les hommes sont cruels, et pour une malheureuse histoire comme quoi cet enfant ne va pas à l'école, il s'enfuira et disparaîtra à jamais : "Le garçon s'était évanoui aussi mystérieusement qu'il était apparu."

Mais ce que j'ai trouvé de plus amer encore, c'est la phrase de conclusion : "Et en fin de compte, on n'entendit plus jamais parler du garçon qui était venu dans le bloc.", c'est sans doute l'histoire la plus sombre, la plus triste et la plus amère de cette bande dessinée.

J'ai beaucoup de mal à y voir les petits miracles qui donnent son titre à l'oeuvre, tant elle décrit la noirceur de l'âme humaine.



La quatrième et dernière histoire, "Une bague de fiançailles spéciale", revêt également un côté moralisateur et, sans être aussi amère que la précédente, a tout de même un caractère sombre qui éclipse quelque peu le miracle lié à la bague de fiançailles.

Deux êtres peu gâtés par la vie vont se retrouver mariés par l'entremise de leur mère respective et vont alors connaître le bonheur, grâce à la bague de fiançailles.

mais voilà, alors que la femme retrouve sa voix, elle sort, abandonne son mari et finit par lui dire : "Je veux divorcer.", "Je ne peux plus vivre comme ça ! Ce n'est pas un bon mariage ! Après tout, il a été ... arrangé !"

C'est alors qu'elle connaîtra un revers de fortune et finira par revenir à de meilleurs sentiments et vers son mari qui l'aime toujours.

De manière plus marquée que dans les précédentes histoires, il y a un côté punitif à cette histoire qui lui donne un aspect triste et déstabilise quelque peu l'idée que l'on se fait du bonheur.



Avec uniquement des dessins en noir et blanc et un coup de crayon sûr, Will Eisner dresse à travers "Petits miracles" quatre histoires de la vie quotidienne dans le quartier imaginaire de New-York de Dropsie Avenue.

Ce quartier imaginaire n'est pourtant pas sans rappeler certains quartiers bien réels de cette ville, et même si la violence n'est pas trop présente, le lecteur arrive à ressentir l'aspect déshumanisé que peut prendre une grande ville comme New-York.

C'est pourquoi l'auteur choisit d'apporter dans le quotidien des habitants de ce quartier des petits miracles qui vont rendre la vie plus belle.

Oui, mais jusqu'à un certain point, car je ne peux m'empêcher de ressentir un goût amer à la fin de cette lecture et je n'y ai pas vu un optimisme permanent mais plutôt furtif.

Visuellement et graphiquement, cette bande dessinée est réussie et permet de se plonger dans le quotidien d'un quartier New-Yorkais.

A lire pour découvrir une part de l'enfance de Will Eisner dans des quartiers populaires et également un autre aspect de la mégalopole qu'est New-York.
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New York - Intégrale

Pour Will Eisner, New York a été une source d’inspiration inépuisable. Sa ville de naissance a notamment été le théâtre de son recueil de nouvelles Un pacte avec Dieu, publié en 1978 et considéré par beaucoup comme un des albums de BD qui ont marqué le 20ème siècle. Entre 1981 et 1992, l’auteur du Spirit remet le couvert. Avec La Ville, L’immeuble et Les gens, il créé une trilogie New-Yorkaise qui fera date.



Le premier titre, La Ville, n’est pas à proprement parler un roman graphique. Il s’agit plutôt d’une série de « photographies » bâties autour d’éléments clé qui constituent sa vision d’une grande ville : les grilles d’aération, les perrons, le métro, les déchets, le bruit, les bouches d’incendie, les égouts, les murs, les fenêtres... Eisner y décline en une succession de saynètes brèves, souvent sans texte, des petites fictions censées selon lui représenter l’essence même de la grande ville telle qu’elle est vue par ses propres habitants.



Avec L’immeuble, l’auteur convoque les esprits de quatre personnes ayant vécu dans un immeuble aujourd’hui détruit. Il raconte ces vies « fantomatiques » dont le destin est resté intimement lié au lieu qu’elles ont habité.



Les trois nouvelles qui composent Les gens, dernier tome de la trilogie, sonnent comme un constat sombre et désespéré : aujourd’hui plus que jamais, la ville est peuplée de gens invisibles. Un univers kafkaien où le rythme de vie frénétique des citoyens ne laisse aucune place aux existences individuelles.



Si vous ne connaissez pas Will Eisner, un des plus grands maîtres de la BD mondiale, c’est l’occasion rêvée de le découvrir. En regroupant pour la 1ère fois cette trilogie dans une intégrale, les éditions Delcourt offrent à leurs lecteurs un magnifique cadeau. L’auteur propose une vraie leçon de BD. Un trait souple et doux d’une grande expressivité, un noir et blanc maîtrisé avec pour seule couleur une encre diluée qui offre différents ton de gris du plus bel effet. Et puis que dire de ce découpage ? Eisner possède un art consommé de l’ellipse, cet espace invisible entre deux cases permettant au lecteur de construire mentalement une réalité globale et continue qui constitue l’essence même de la bande dessinée. Mais au-delà des qualités purement techniques de cette trilogie, il y a dans les différentes nouvelles une force narrative absolument remarquable.



Ce pavé de 400 pages est plus qu’une simple intégrale regroupant trois titres distincts. C’est une œuvre cohérente offrant le regard porté par un artiste sur sa ville. Pour moi, une lecture indispensable si l’on souhaite parfaire sa culture bédéistique.
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Le Complot : L'histoire secrète des Protocole..

Will Eisner, peut être un des plus grands auteurs de bande dessinée, a quasiment inventé le genre du roman graphique et a traité à peu près tous les sujets (j'avais même acheté -et hélas perdu- ses livres sur la cuisine ou les plantes).



Ici, il mélange le dessin, l'analyse et l'investigation au service d'un sujet ancien, "Le Protocole des Sages de Sion". Pour ceux qui n'auraient jamais entendu parler de ces "Protocoles", il faut savoir que ce texte totalement inventé en 1905, prétendait apporter la preuve d'un complot juif mondial (réunions secrètes de chefs juifs pour prendre le pouvoir et gouverner la planète).



Eisner rappelle, preuves à l'appui, que ce document est un faux grossier et il retrace son origine et son inspiration (rédigé par un arriviste opportuniste russe, Mathieu Golovinski à partir notamment de "Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu" du Français Maurice Joly qui s'en prenait alors à Napoléon III -"le Petit").



Mais l'intérêt du livre d'Eisner est également ailleurs, dans la réponse qu'il apporte à la seule question qui vaille : comment se fait-il que ce faux maintes fois dénoncé, resurgisse inlassablement sur tous les continents et à toutes les époques ? L'auteur en fait même une espèce de "running gag" puisque des personnages à la fin de chaque démonstration de la supercherie, se disent que cette fois, c'en est bien fini de ces "Protocoles...". Mais à chaque fois...



Pour Eisner, comme pour Umberto Eco qui introduit ce livre, la motivation est identique chez tous ceux qui utilisent "Les Protocoles..." à titre de propagande : à partir du moment où ce texte raconte ce qu'ils veulent croire, il en acquiert un parfum d'authenticité rétroactive. C'est au fond, une version pervertie de la célèbre maxime de "L'Homme qui tua Liberty Valance" : quand la légende est plus "belle" que la vérité, on imprime la légende". Les "Sages" n'ont jamais écrit ça ? Qu'à cela ne tienne : ils auraient pu le faire ou mieux encore, ils se sont sûrement inspirés de ce faux pour accomplir leurs méfaits.



Je n'ai qu'une réserve, qui concerne la fin de la démonstration. Eisner indique que "Les Protocoles ..." continuent de se vendre aujourd'hui et dessine une synagogue qui brûle et des coupures de journaux qui signalent des actes antisémites. Il s'agit d'un raccourci bien sûr, mais ce parallèle ne me convainc pas totalement et je crois pour ma part que la situation au moyen orient alimente davantage ces actions, que "Les Protocoles...". En clair et même s'il y a des liens, je pense que les actes d’antisémitisme actuels, sont davantage en relation avec la bêtise indélébile des racistes ou la politique israélienne d'aujourd'hui (sur laquelle je ne porte pas de jugement ici), qu'avec la croyance en un complot juif mondial telle que véhiculée par "Les Protocoles". Mais il est vrai que depuis quelques années, l'antisémitisme décomplexé refait surface.



Quoi qu'il en soit, en moins de 130 pages, Eisner démonte ce processus un peu à la manière d'un Joe Sacco , présentant chaque personnage, le resituant dans le contexte...avec le talent immense qui est le sien.



Un livre formidable.
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Le dernier chevalier

J'aime le trait si caractéristique de Will Eisner. C'est un grand de la bande dessinée. Je dois bien avouer que le dernier chevalier m'a surpris car je découvre son talent sous un autre angle. C'est un peu différent de ce que j'avais lu jusqu'ici. Autre époque, autre moeurs...



Les aventures de Don Quichotte sont célèbres dans le monde entier. C'est le rêve d'un homme excentrique qui vit dans ses rêves en confondant par exemple des moulins à vent avec de terrifiants dragons. Même s'il est naïf et un peu désespérant, on ne peut que reconnaître que l'âme des chevaliers est bien noble.



En tout cas, j'ai bien aimé cette adaptation assez sympathique de l'oeuvre de Cervantès. De la vraie poésie épique !
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Un pacte avec Dieu

Cet album du légendaire Will Eisner propose quatre récits enracinés dans le Bronx des années 30. Quatre histoires qui se déroulent à l’époque de la grande crise, dans un immeuble vétuste situé au 55 de la Dropsie Avenue. C’est dans ce quartier pauvre de New York, peuplé de gens issus de l’émigration, que l’auteur invite à suivre quatre visions d’un rêve américain.



Edité pour la première fois en France par les Humanoïdes associés en 1982 (Un bail avec Dieu), puis par Glénat en 1994 (Le contrat), c’est maintenant Delcourt qui publie cet ouvrage fondateur sous le titre « Un pacte avec Dieu ». Datant de 1978, cet album est souvent considéré comme le tout premier roman graphique et Eisner est du coup souvent catalogué comme étant l’inventeur du graphic novel.



La première histoire, qui donne son nom à l’album, raconte la vie d’un juif pieux, dépité par la mort de sa fille adoptive. La deuxième raconte celle d’un chanteur de rue, remarqué par une ancienne cantatrice, qui est persuadée d’avoir trouvé une poule aux œufs d’or. La troisième, plus courte, raconte l’histoire d’un concierge allemand, incompris par ses locataires et manipulé par une gamine de dix ans. La dernière histoire s’éloigne de ce quartier newyorkais, le temps de vacances pleines d’illusion dans des cookaleins.



Par le biais de ces quatre tranches de vie, l’auteur retranscrit avec talent, l’ambiance qui règne dans ces quartiers d’immigrés, de la pauvreté à la promiscuité de ces gens entassés dans la misère et partageant leur infortune, en espérant un futur meilleur. Ces chroniques urbaines dépeignent des personnages tourmentés et très réalistes, qui appartiennent principalement à la communauté juive. Les récits sont assez pessimistes et sombres, mais cependant teintés d’un humour discret, assez incisif. Si la narration est plutôt réussie, les histoires sont cependant trop banales et aucune n’a vraiment réussie à me captiver.



Le graphisme n’a par contre pas pris une seule ride et s’avère d’une modernité incroyable pour une œuvre datant de la fin des années 70. Le trait est souple, les expressions des personnages sont très bien rendues et la complémentarité entre texte et dessin, assez révolutionnaire pour l’époque.



Notons finalement que cet ouvrage est le premier volume de « la Trilogie du Bronx » de Will Eisner, les deux suivants étant « Jacob le Cafard » et « Dropsie Avenue ».
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L'appel de l'espace

L'appel de l'espace commence par la réception sur terre d'un message provenant de l'étoile de Barnard située à près de 10 années lumières. La recherche de signaux en provenance d'autres étoiles de la galaxie est une des activités du SETI depuis les années 60. Aucune tentative n'a permis de démontrer l'existence d'une civilisation extra-terrestre. Pour l'instant, rien ne permet de démontrer qu'il y a une forme de vie intelligente dans la galaxie. Je suis d'ailleurs un partisan du fameux paradoxe de Fermi. Pour rappel, cette théorie montre que nous devrions normalement être en contact avec des civilisations extra-terrestres compte tenu de la jeunesse de notre soleil par rapport à d'autres étoiles de l'univers. La logique voudrait qu'une civilisation plus avancée que celle de la Terre aurait déjà dû prendre contact avec nous. Le paradoxe est que nous n'en n'observons aucune trace ...



Pour en revenir à la bd qui a certainement inspiré le film "Contact" avec Jodie Foster, Will Eisner va rester sur Terre pour démontrer l'enchainement d'évènement qu'un tel signal pourrait produire sur la population à travers les sectes ou encore sur les gouvernements en se servant de la rivalité Est-Ouest. N'oublions pas que cette bd a été réalisée en 1984 pendant la période de la guerre froide à un moment où les USA voulaient manifester leur hégémonie sur le monde. C'est donc une véritable course non pas vers la Lune mais pour l'envoi d'une fusée en direction de l'étoile de Barnard. Les amateurs de science-fiction vont être forcément un peu déçus car c'est une série qui tend plutôt vers l'espionnage.



Il y a une bonne maîtrise de différents aspects par Will Eisner en analysant la portée d'un signal venu de l'espace : politique, scientifique, religieux... Je regrette simplement qu'il y ait eu quelques raccourcis très faciles rendant certains éléments un peu naïfs voire incohérents. Cependant, l'essentiel est préservé. On va passer un agréable moment de lecture où cela partira sur plusieurs pistes pour un final maîtrisé.

En tout cas, c'est une forme très subtile de la part de l'auteur d'aborder la science-fiction autrement. Oui, il avait incontestablement du génie.
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Dropsie Avenue : Biographie d'une rue du Br..

Dropsie Avenue, c'est une rue imaginaire nourrie des souvenirs d'enfance de Will Eisner à travers 4 siècles d'immigration durant lesquels Hollandais, Anglais, Irlandais, Juifs, Afro-Américains et Portugais ont construit l'identité américaine.



Nous suivons ici l'évolution d'un quartier en mutation permanente. L'auteur retrace la trajectoire sociale de la mythique avenue depuis 1870 alors qu'elle n'était qu'un vaste carrefour du Bronx délimité par quelques fermes.



Ce n'est pas une Amérique glorifiante que Will Eisner décrit mais celle qui souffre dans les rues miséreuses. Une vérité historique saisissante que cette survie en milieu urbain. C'est un véritable regard humaniste que pose l'auteur avec une sensibilité qui le caractérise. Le scénario semble s'effacer car ce qui compte c'est de découvrir l'évolution de ce quartier et ce qui forge son identité. L'auteur s'affranchit du format des cases: c'est d'une véritable audace graphique!



Cet album est le dernier d'une trilogie commencée en 1978 par Un Pacte avec Dieu. Suivra plus tard le combat existentiel d'un Jacob le Cafard. J'ai pris du plaisir à découvrir cette trilogie dressant le portrait d'une Amérique multiculturelle de la fin du XIXème siècle à nos jours. Vous également, vous le serez !



Note Dessin: 4/5 - Note Scénario: 4/5 - Note Globale: 4/5
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New York Trilogie, Tome 1 : La Ville

Will Eisner est à priori un grand nom de la BD, mais comme vous avez compris que ce n'est pas trop mon truc, je ne le connaissais pas. Son oeuvre la plus connue est une trilogie sur New-York, dont "La ville" est le premier volet. De petites histoires sont racontées en noir et blanc sur une ou plusieurs planches. Il y en a des simplement descriptives, des drôles, et même des carrément tragiques. De mon point de vue rien de transcendant ni de révolutionnaire (quoi que le coup de crayon soit joli), mais suffisamment de quoi susciter ma curiosité pour avoir envie de lire les 2 autres volets. A suivre donc.
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New York Trilogie, Tome 1 : La Ville

Bienvenue au coeur du New-York de Will Eisner, une ville qu'il a toujours aimé profondément et qui lui rend bien sous son crayon. Ce premier tome, La Ville de la trilogie New-York, le dessinateur nous emmène dans la grosse pomme de sa jeunesse.



Maniant avec talent son crayon, il dessine d'un trait certain et souple le quotidien de ces quartiers surpeuplés où règnent le bruits et les odeurs. L'amour d'un quartier ne veut pas dire que l'histoire sera remplie de bons et gentils sentiments. Car ici, il dépeint avec réalisme tout en noir et blanc que cela soit le viol, le vol, la solitude ou le malêtre. Mais bien entendu, il croque également l'amour, la tendresse et l'amitié. Un ensemble qui me berce dans une douce mélancolie.



Une surprenante première lecture de Will Eisner qui m'a donné envie de continuer de découvrir plus qu'un dessinateur mais un passionnée d'images et de sentiments à transmettre.
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New York Trilogie, Tome 1 : La Ville

Dans le premier tome (La Ville), on découvre la ville par des éléments insignifiants au premier abord : les perrons, une grille d’aération, le métro, les bouches à incendie, les détritus, etc. Le second (L’Immeuble) raconte d’abord l’histoire de quatre personnes liées par un immeuble : un homme hanté par les regrets qui échoue à sauver des enfants, une femme qui renonce à son amour, un violoniste qui dépérit simultanément à la destruction de l’immeuble, un promoteur immobilier hanté par ce bâtiment. Suivent ensuite le Carnet de notes sur les gens de la ville qui traite du temps, de l’odeur, du rythme et de l’espace de la ville. Le troisième enfin (Les Gens) est composé de l’histoire de trois personnes, trois invisibles.



Will Eisner, considéré comme le père des romans graphiques, porte un regard extrêmement sensible et acéré sur la ville dans cette trilogie. Ce n’est pas un éloge un peu guimauve de la ville, non, mais il dégage un amour très fort pour cet environnement. Mais la pauvreté est là, la cruauté aussi : morts, vols, viols se déroulent sous les yeux des gens indifférents ou, du moins, qui prétendent l’être pour se protéger. Tous des anonymes, des inconnus. Une femme et son bébé se jettent par la fenêtre pour échapper à l’incendie ; la huitième page du second tome est marquée par la mort d’un enfant. La ville est brutale et Will Eisner le montre tout au long de ces trois tomes.

Will Eisner possède un véritable don d’observation – peut-être aiguisé par les années – pour noter et croquer toutes ses vies, toutes ses nuances, toute cette différence qui se côtoie en ville. Sans aimer la ville, je reconnais que c’est quelque chose de fascinant, cette multitude de gens, de caractères, de styles qui vivent ensemble sans se regarder. Black City Parade : une ville, c’est vivant, c’est multiple, c’est des histoires qui cohabitent. Des histoires tristes et des histoires gaies que Will Eisner dessine. Certaines se racontent sur une seule planche, d’autres sur quelques pages. Certaines sont extrêmement bruyantes et bavardes, d’autres muettes.



Will Eisner rend le son de la ville, on entend les voix, les voitures, les klaxons en lisant ces livres. Je me suis sentie oppressée parfois : par la promiscuité, par ces murs qui enferment et bouchent tous les horizons.
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Le Complot : L'histoire secrète des Protocole..

Ici le propos historique a failli me décourager dans les premières pages mais j'étais curieuse d'en apprendre un peu plus sur ces Protocoles des Sages de Sion dont j'avais dû entendre parler dans un débat ou l'autre sans trop savoir de quoi il s'agissait.



Will Eisner a réussi à retracer l'origine de ce qui s'avère être une affaire de propagande et un énorme mensonge créé à la fin du XIXème sicèle en Russie et qui court encore de nos jours malgré de multiples démentis et procès en diffamation ! L'auteur explique cette persistance à travers le monde par le fait que les gens croient ce qu'ils ont envie d'entendre que ce soit vrai ou pas.




Lien : http://toutzazimuth.eklablog..
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New York Trilogie, Tome 1 : La Ville

Dans une trilogie nous donnant trois aperçus de la Ville en général, de New York en particulier, le premier tome s'intéresse vraiment à la Ville dans son ensemble, aux évènements du quotidien qui la parsèment, qui se croisent, qui entrent parfois en conflit, ou au contraire en harmonie, à travers un regard parfois tendre, mais plus souvent tout de même mordant.



Car cette Ville, de cette taille, est sujette à plusieurs critiques : mode de vie où tout va vite, trop vite ? ; artifice des lieux qui déteint sur ses habitants ; inégalités sociales criantes, encore plus cruelles de fait...



De saynètes en saynètes aux graphismes plutôt réalistes, vivants, par moments un peu cartoon, la Ville se dévoile, finalement, dans toute sa réalité, la plus triviale, la plus banale, et donc la plus juste.



Il était temps que je découvre Will Eisner : j'ai en effet adoré ce premier tome, et j'ai enchaîné avec le deuxième.
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Mon dernier jour au Vietnam

Mon dernier jour au Vietnam est l'une des rares oeuvres de Will Eisner que je n'avais pas lues. Ma libraire me l'avait déconseillée par rapport à d'autres oeuvres plus abouties. Et elle avait incontestablement raison... Heureusement que je l'ai découvert lors d'un emprunt de bibliothèque.



L'envie était plus forte que moi car je voulais voir ce que l'auteur avait pu faire loin des quartiers du Bronx. Le sujet semblait passionnant. Or, nous avons droit à de courtes histoires dont la plupart sont pas vraiment charismatiques de ce qu'a pu être la vie des soldats lors de ce conflit. Reste le dessin toujours aussi exceptionnel et cette mise en page moderne.



J'ai même l'impression que c'est presque comme un montage de petits bouts pour faire une bd à vendre. Je ne suis pas preneur. Et d'ailleurs pas le seul puisque je viens de découvrir qu'il y a unanimité. Bref, ce grand auteur nous a habitués à beaucoup mieux.
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Le Complot : L'histoire secrète des Protocole..

Excellente lecture.

L'auteur nous relate le montage du mythe

du complot juif à l'échelle mondiale. Mythe, rappelons-le, qui continue d'aller bon train au XXIeme siècle. La bêtise n'a pas de date de péremption. C'est si peu dire!

Au départ, un brave qui sort un livre pamphlétaire contre Napoléon III. Les deux (l'auteur et le bouquin) tombent dans l'oubli. L'ouvrage sera déterré des années plus tard puis adapté aux besoins de la propagande anti-juive.



Durant l'entre deux guerres des journalistes ont beau démontrer, preuves à l'appui, que le protocole des sages de sion est une supercherie, rien n'y fera... La mode est à l'antisémitisme, les moutons de Panurge suivront.



Cette BD est absolument passionnante et dramatique. On dirait avec humour qu'elle est absurde si toute cette machinerie n'avait pas provoqué la mort de millions de juifs.



Une BD à mettre entre toutes les mains.

Toute ma reconnaissance à l'auteur Will Eisner (défunt) qui a passé des décennies à parfaire ce travail.
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Fagin le juif

J’avais hâte de pouvoir enfin lire un Will Eisner, et la lecture de ce roman graphique (l’une de ses dernières œuvres) ne m’a pas déçu.

C’est un livre vraiment intelligent. Afin de faire sauter tant de clichés sur les personnes de confession juive, quoi de mieux que de s’attaquer à l’un de ses stéréotypes les plus connus de la littérature ? Will Eisner reprend le personnage de cet emblématique juif voleur et se l’accapare pour lui inventer toute son histoire depuis sa naissance, expliquant comment cet exploiteur d’enfants en est arrivé à son commerce malhonnête. Sans pour autant excuser tous ses méfaits, il en expose des raisons, et l’on se prend même d’empathie pour le personnage.

Un livre qui permettra de savoir différencier un ashkénaze d’un séfarade, et au-delà de ça, de comprendre toutes les difficultés induites par la condition juive en Angleterre pendant la période victorienne.

Un livre brillant, qui suggère la nuance au-delà des a prioris.
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