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Critiques de Will Eisner (194)
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Un pacte avec Dieu

♫À corps perdu, j'écrirai mon histoire

Je ne serai plus le pantin du hasard

Si toutes les vies sont des causes perdues

Les hommes meurent de n'avoir jamais cru

De n'avoir pas vécu ivres et sans fard

Soldats vaincus pour une guerre sans victoire

Et si ma vie n'est qu'une cause perdue

Je partirai libre d'y avoir au moins cru

À corps perdu

À corps perdu♫

Gregory Lemarchal-2005-

----♪---♫----🗽----🕍----🗽----♫---♪----

C'est dans le silence des Pierres

Que l'on entend le murmure des Dieux

Déprimé, fatigué, retour du sanctuaire

Crise de foi due au caprice des cieux

Dans le Bronx des années 30, 55 Dropsie Avenue

Damner son contrat trop con-Pacteur

Que tu sois Rabbin, Prêtre ou bien Pasteur

Enfin libre faute d'y avoir trop cru

Car oui, comme dit la prophétie, les tablettes, les écrits

Ma lourde peine s'achève cette nuit, ça y est, ç'en est fini

Je jette l'éponge et les écrits

Pacte avec Dieu...Accord perdu

Will Eisner, auteur Anthéologique

1978 naissance du Roman Graphique

Ici, quatre histoires véridiques.



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Mon dernier jour au Vietnam

La théorie des dominos: Selon les Etats-Unis, la perte d'un État de l'Asie du Sud-Est entraînerait l'avènement du communiste... (Théorie qui a permis aux Etats-Unis de perfectionner leurs armes, dont les bombes au napalm, et un défiolant : " l'agent Orange"qui détruisit des hectares de forêt..)





Will Eisner arriva au Vietnam, en 1967, et sa BD parle d'hommes aux prises, avec leur bassesse, leur petitesse et leurs préjugés, envers les Vietcongs.





-"Regardez moi ce paysage! C'est joli, hein? Même si on est en train de le saccager!"





- " Ces types n'y connaissent rien, à la guerre! C'est juste une bande de pouilleux mal équipés ! "





-"Franchement, je ne vois pas pourquoi on n'envoie pas une bombe H sur Hanoï. "





Ce sont les mémoires d'un grand dessinateur, à partir d'histoires vraies, avec le cortège de bêtise ( ce major, lors de son " dernier jour au Viêtnam) , de regrets idiots ( ce fusilier qui dit : " J'adore tuer!), ou encore de... connerie (ce poivrot qui veut être muté dans une unité de combat, mais qui le regrette, une fois dégrisé !)





Du grand Will Eisner!

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Will Eisner : Empreintes

Je ne me souviens plus comment ce livre plutôt imposant (220 pages, grand format : 35 x 4 x 25 cm) s'est retrouvé dans ma bibliothèque. Un cadeau peut-être ? Cela doit être en 2007, à l'époque de mon congé parental où j'ai découvert la magie de la bande dessinée. Il s'agit ici d'un travail de coulisses et cette autre présentation éditeur le décrit très bien :



« Cette luxueuse édition regroupe des dizaines de croquis et de pages crayonnées, un véritable hommage à une légende du 9ème Art.

Grand maître de la narration et créateur du comic book, Will Eisner a rédigé lui-même une introduction à chaque chapitre. »



Une très belle réalisation, à réserver toutefois aux fans inconditionnels de l'auteur.
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New York - Intégrale

Adossé à un réverbère au coeur de la ville, un vieil homme semble être absorbé par son carnet à dessin.

Will Eisner, lui-même, se met fugitivement en scène dans ce carnet de notes sur les gens de la ville.

New-York !

Will Eisner ressent la ville, à un point tel, qu'il parvient à redonner vie au plus invisible de son peuple.

Et, même si ce superbe roman graphique, par son universalité, pourrait se situer dans n'importe quelle autre grande cité ; l'âme de New-York porte en elle un relief et un pittoresque que seul le crayon d'Eisner a su saisir.

C'est bien de New-York dont il s'agit là !

Les portraits des personnages se mêlent aux décors.

Le gris est de mise, judicieux et indispensable.

Will Eisner raconte ici des histoires, des histoires qui s'attardent ou pas sur des destins croisés.

C'est parfois très courts, une planche ou deux.

C'est quelquefois plus long.

Le dessin est splendide.

Il est plein d'humanité, de mouvement.

Le tout est un petit chef d'oeuvre de croquis pris sur le vif, volés à l'imagination vagabonde de leur auteur.

Des mouvements de vie, des sensations, Will Eisner est un fin observateur, un poète apitoyé.

Mais pour autant la sensiblerie n'a pas ici sa place.

Et, même lorsqu'il use d'une touche de fantastique, en faisant par exemple resurgir dans son récit quelques fantômes du passé, c'est pour mieux saisir la réalité.

Eisner est un conteur. le dessin n'empêche pas les mots.

Les mots semblent ici même provenir du dessin.

Et du titre aussi, car Will Einer possède l'art du titre.

Déjà dans le Spirit, il s'en amusait.

Dans l'oeuvre d'Eisner, le terme de roman graphique prend tout son sens.

Le récit est est servi par un magnifique trait de crayon qui insuffle le mouvement, qui déchire l'invisibilité et l'anonymat dans lequel, avant lui, étaient plongés ses personnages.

Pincus Pleatnik en est le symbole même, lui qui croyait se protéger en n'étant personne.

Mais, malheureusement pour lui, un 4 novembre au matin, le journal, en annonçant son décès, fit prendre à son existence un tournant tragique.

Les personnages de Will Eisner sont attachants.

Cet album, paru chez Delcourt en 2018 est une réédition intégrale des trois albums : "la ville", "les gens" et "l'immeuble".

Elle est additionnée d'un carnet de notes sur les gens de la ville, d'une postface de Neil Gaiman, de quelques notes de l'éditeur et de deux histoires : "le pouvoir" et "combat mortel".

C'est une belle réédition, la mise en valeur réussie d'un petit chef d'oeuvre puissant et intemporel ...

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Petits Miracles

On aime ou on n'aime pas le style graphique, l'esthétique noir et blanc de Will Eisner. De même, on est plus ou moins sensible aux thèmes qu'il affectionne : tissu urbain new-yorkais, envers du rêve américain, communautarisme, déviances humaines, etc.



Moi, j'aime plutôt bien, sans être toutefois une inconditionnelle. Cet album, Petits Miracles, m'a beaucoup rappelé l'esprit de son Dropsie Avenue mais appliqué à une tout autre fin.



Ici, il n'est nullement question de dresser un panorama ni une séquence historique mais bien plutôt, d'écrire des nouvelles graphiques, exactement de la même manière que son auteur fut l'initiateur du roman graphique.



On va donc voir le quartier par le petit bout de la lorgnette et à travers le prisme de trois ou quatre histoires particulières — singulières, même, devrais-je écrire — qui nous plongent dans le Bronx de l'entre-deux guerres ou de la fraîche après guerre, au sein de la communauté juive qu'Eisner connaît si bien.



L'album se présente sous forme de quatre histoires courtes (dont une très, très courte) où il est question d'un revirement du sort, d'un petit truc inattendu, qui en dit long sur l'état d'esprit, la température ambiante dans le New York de cette époque-là et de ce quartier-là.



C'est tout sauf le strass et les paillettes du rêve américain, mais c'est également tout sauf déprimant. On sent le réel attachement de l'auteur pour ces gens qu'il nous dessine et qu'il nous raconte au travers d'anecdotes surprenantes.



Le message pourrait en être : croyons en la vie, croyons en nous, sans trop rêver non plus.



Dans la première nouvelle, intitulée Le Miracle De La Dignité, Will Eisner nous dépeint les fortunes et infortunes successives de l'oncle Amos et de certains de ses proches. Successivement quasi clochard et chef d'entreprise, on y retrouve tout l'esprit et l'humour juif des films de Woody Allen.



Dans Magie De La Rue, l'auteur traite, en une minuscule histoire, des stratégies développées par les immigrants pour éviter les lynchages communautaires.



Avec, Un Nouveau Dans Le Bloc, il revisite le mythe de l'enfant-sauvage mais à la sauce des bas-fonds de l'Amérique...



Enfin, dans Une Bague De Fiançailles Spéciale, il nous offre sa nouvelle la plus ambiguë, celle qui doit nous questionner le plus également. Il y est question de croyance populaire et du " pouvoir " prétendument magique d'une bague et de l'impact que cela aura tant sur les récipiendaires de l'anneau que sur le donateur. Une très étrange nouvelle, mais assurément celle qui a le plus suscité mon intérêt avec la première.



Au final, un album peut-être pas miraculeux mais très sympa à lire et qui fait revivre un New York probablement déjà mort sous cette forme depuis des lustres. C'est donc aussi un ouvrage de mémoire qu'il convient de chérir pour nos générations futures.



Mais ceci n'est que mon avis, qui, ne rêvez pas, ne fera pas de miracles aujourd'hui, car il n'est, tout bien pesé, pas grand-chose.
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Le Spirit

Dans la vie, il est des choses qui sont incontournables, la dinde de Noël, les élections, lire, la roue du caddy qui ne tourne pas, s'inscrire sur Babelio, les anniversaires, les oeufs de Pâques, aimer Victor Hugo et Cavanna, le pique-nique annuel de Babelio ...

Enfin, la liste en est longue, et somme toute souvent assez personnelle !

Dans la bande-dessinée aussi, la bonne, celle que Francis Lacassin considérait comme le dernier avatar de la littérature populaire, dans la bande-dessinée, donc, il y aussi des incontournables.

Et, alors là, c'est la fête !

C'est Saint-Malo et son quai des bulles !

Chacun y va de son dessinateur, de son scénariste et de la série qu'il chérit plus que toutes autres.

Will Eisner est de ceux-là, de ces auteurs qui font l'unanimité, ou presque si l'on excepte les lecteurs absents, distraits ou même très constipés*.

Alors, je ne vais pas ici vous refaire le coup du sempiternel :

"Mais, chère madame, Will Eisner c'est celui qui a inventé la BD moderne, qui en explosé les codes pour en faire un art graphique, qui aurait d'ailleurs inventé, semble-t-il le roman graphique".

Non, je vais plutôt vous parler du Spirit !

C'est l'occasion puisque ce magnifique album des éditions "Vent d'Ouest", paru en 1996, propose de découvrir 16 des 645 épisodes des aventures du Spirit.

Et, nous dit la quatrième de couverture, toutes inédites en français ...

-Ce qui n'est pas tout à fait vrai puisque la cinquième, "la machine à combattre", figure, retravaillée et colorisée, au sommaire de l'album "les 13 travaux du Spirit" sous le titre "poing final"-.

C'est peut-être un détail pour vous

Mais pour moi, ça veut dire beaucoup.

Enfin bon, cet album est superbe, drôle et fantaisiste.

Mais il est en noir et blanc et c'est un peu dommage car la couleur va bien au Spirit.

De plus, le format de l'album, un peu plus petit que la norme habituelle d'une bande-dessinée, fait que les cases sont un peu rétrécies.

Ce qui brouille un peu la netteté du graphisme.

Mais ne boudons pas notre plaisir !

Le Spirit est de retour après la fin du monde qu'il n'a pas su empêcher !

De plus, il ne paie pas ses impôts, a peut-être assassiné Nick le radin et semble croire aux fantômes et aux extra-terrestres ...

Quand à Will Eisner, enlevé par un de ses personnages et salement amoché, il finira par arrêter Madman Mike !

Comme le dit la première de couverture, qui elle ne ment pas, c'est fantastique, incontournable et plein de suspens ...





*car enfermés dans leurs toilettes depuis plusieurs décennies avec pour seule lecture un almanach Vermot.
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Le récit graphique : Narration et bande dessinée

L’auteur décortique le processus de création d’une histoire en bande dessinée. Passionnant et instructif !
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Itinéraires d'un rêveur - Intégrale

C'est toujours un plaisir pour moi de poster une série émanant du célèbre Will Eisner, l'un de mes auteurs préférés. Ici, il est question d'évoquer sa vie lorsqu'il a débuté dans le monde de l'industrie du comics des années 30. Il va faire de nombreuses rencontres tout au long de son parcours et pas des moindres comme Bob Kane, le créateur de Batman. Il le connaissait déjà car ils étaient au lycée ensemble. Il y aura également Jack Kirby (X-men, les 4 Fantastiques) et bien d'autres...



C'est intéressant également de voir comment évoluait la bande dessinée américaine avec un rapport évident à l'argent et quelques fois à la facilité. J'ai bien aimé le passage où Will (qui se fait appeler Billy dans ce récit) refuse de dessiner des versions pornographiques des comics strip connus (du genre Popeye au lit !) qui étaient vendus clandestinement par la Mafia durant l'époque de la prohibition. En effet, ce type d’œuvre violaient les lois du copyright et de la marque déposée. Résultat des courses: il se fait virer. Bref, il n'a jamais renoncé en vendant son âme de rêveur. On apprend qu'il a dû se battre durement avant de réaliser son rêve.



Cet ouvrage, c'est l'âme même du comics par l'un des plus grands créateurs de la bande dessinée moderne. Inoubliable pour les amateurs et les amoureux du genre.
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Les guides loufoques de Will Eisner : l'ast..

Jusqu'à aujourd'hui, je n'avais pas vraiment vécu !

Mes nuits parfois étaient agitées, interrompues par l'angoisse sourde qu'un voisin, un cousin ou une ex férue d'astrologie ne prenne sournoisement une décision qui vienne rendre mon quotidien plus quotidien encore.

C'est que le normand est craintif et superstitieux ... et que la fourberie n'est certes pas l'apanage de Scapin !

Je tremblais donc, tremblez vous dis-je, de ne rien comprendre ni au mouvements des planètes, ni même au thème astral ... fût-il tracé par Mme Soleil en personne.

C'est vous dire !

Mais que Dieu me savonne et que Will Eisner me pardonne !

Je viens de mettre la main sur un de ses guides loufoques, intitulé "l'astrologie sournoise".

Cet album, tout de noir et blanc vêtu hors sa couverture, a été édité par les éditions "Dargaud" en 1976.

Et depuis tout ce temps, personne, je dis bien : personne, n'avait jugé bon de me prévenir.

Pas même un petit mot déposé sur Babelio.

C'est vous dire !

Jusqu'à cette rencontre, cet été, sur le marché de Plomodiern, terre de magie druidique et de crêpes complètes, jusqu'à cette rencontre donc avec un marchand de vieux livres.

Le change avec la monnaie locale m'étant favorable, je fis l'acquisition de l'album en question.

Et puis, les vraies vacances ne sont-elles pas faites de petites folies ?

Cet album, "l'astrologie sournoise", est un concentré de science exacte et de petites illustrations.

J'y ai appris comment extorquer la vérité à un bélier, comment prendre le taureau par les cornes, comment survivre auprès d'un cancer, ce qu'il faut savoir avant d'adresser la parole à un lion et quelques autres petites futilités sans importance ...

J'y ai flâné entres quelques petits personnages croqués à la mode de Will Eisner ...

Et l'on pourrait presque en déduire qu'en matière d'astrologie le dessin fait tout.

Ou que Will Eisner n'avait pas son pareil pour glisser un je-ne-sais-quoi d'humanité dans ses portraits, si légers qu'ils puissent se prétendre !

Le bonheur ne serait-il que petits dessins et autres silhouettes ?

Pourtant, Will Eisner, qui avait pris l'habitude de bien faire, a ici glissé quelques petits tableaux intersignes renseignant sur les mariages possibles, ainsi que la vie sociale et sexuelle à envisager entre les différents signes ...

Nonobstant si le mariage entre cancer et bélier est okay, leur sexualité ne sera que fade et leur vie sociale somnolente.

C'est vous dire !

Si vous êtes cancer, préférez une vierge qui vous apportera du vibrant, de l'explosif et du vavavoom, et si vous êtes poisson, préférez une sagittaire ou une capricorne pour larguer les amarres ou avoir le vent en poupe ...

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Petits Miracles

Quatre petites histoires toutes aussi touchantes les unes que les autres...

Quatre petites histoires qui relèvent du miracle...



Dans le miracle de la dignité, l'oncle Amos est sans le sou et à la rue. Par chance, il croise un de ses riches cousins, Irving. Ayant un peu pitié de lui, celui-ci lui donne 5$. Mais, Amos s'offusque, il a encore de la dignité! Il refuse donc l'offre mais par contre, il ne serait pas contre un petit prêt de 10000$! Qu'à cela ne tienne, Irving accepte, certain que ce dernier le remboursera. Il a bien parlé de dignité, n'est ce pas ?...

Dans Magie de rue, comment trois gamins qui croyaient ridiculiser le p'tit Mersh vont finalement se trouver bien bêtes devant la malignité et la ruse de ce dernier pour les prendre à leur propre piège !

Dans Un nouveau dans le bloc, un jeune garçon, ne parlant pas, habillé de haillons et ayant l'air de fuir toute personne qui l'approche, va être sous la protection de Melba, la libraire qui tentera de le percer à jour... Ce jeune blondinet a tout l'air de faire des miracles dans le bloc...

Enfin, dans Une bague de fiançailles spéciale, deux dames, mesdames Fegel et Grepps n'ont pas de chance: l'une a une fille sourde et muette et l'autre un garçon handicapé. Et si le hasard les faisait se réunir ? Un petit coup de pouce...et les voilà dans les bras l'un de l'autre, grâce à cette belle bague en diamants, semble-t-il...



Will Eisner nous plonge dans le «bloc», le quartier juif de Brooklyn et nous offre quatre petites histoires, sur la nature humaine, l'amour, la chance ou la malchance. Toutes empreintes d'humanité, très émouvantes et tellement incroyables, elles reflètent à merveille les revers de fortune. Toutes possèdent une certaine profondeur, un certain charme et une fin imprévisible. Avec une couverture alléchante, un trait léger et subtil, une mise en page aérienne, des tons marron-gris apaisants et réconfortants rappelant de vieilles photos, cet album à l'ambiance douce et nostalgique est un vrai concentré de petits bonheurs.



Petits miracles... c'en est un !
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Le Complot : L'histoire secrète des Protocole..

Drôle d'impression en refermant ce roman graphique...



Je n'avais jamais lu le travail de Will Eisner jusqu'à présent et je me suis décidée à lire celui-ci car il faut bien l'avouer, parler du Protocole des Sages de Sion, en dehors des Nazis et des spécialistes des complots, peu le font.



C'est un sujet très personnel, qui touche son auteur de très près, et cela se ressent sur chaque planche. Ambiance presque film noir. Will Eisner a une façon très américaine d'aborder l'histoire de cette supercherie, l'une de celle qui a le mieux marché dans l'Histoire et alimente toujours les conflits religieux - la fin de la Seconde Guerre mondiale n'y a rien changé, c'est dire que c'est fort !

Le lecteur suit les évènements de manière chronologique, ce qui permet de voir la naissance de ce texte à des fins stratégiques : manipuler le tsar (déjà pro-pogroms!) afin qu'il prenne l'ampleur de la menace révolutionnaire qui plane sur la Russie au tournant du siècle. Heureusement une poignée de petits malins plus zélés que d'autres trouvent un super textes à plagier (Dialogues aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu), changent deux trois petits détails histoire de laisser leur patte et assaisonne le tout à coup de Juifs qui dans leur QG (un cimetière) planifient comment ils vont conquérir le monde. C'est tellement énorme qu'on se demande comment des êtres humains censés et (techniquement) dotés d'un cerveau on pu croire à une chose pareille. Et pourtant si ... et ils y croient encore !



Au final je ne sais pas ce qui est le plus désolant dans cette affaire. Difficile en tout cas d'avoir une vision optimiste de l'être humain et de sa capacité à transcender sa peur primaire de l'Autre et de l'avenir dans une société moderne dont il se sent exclut...
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Un pacte avec Dieu

TW : Viol, pédophilie, violence conjugale.



Will Eisner, comme dans "Prix Eisner", comme dans "Le plus prestigieux prix récompensant les comics américains". Il est aussi l'un des premiers théoriciens de la BD, ainsi que l'inventeur du terme "roman graphique".



Tout ça pour dire, mes attentes étaient élevées. Surtout que Contract with God est sa grande œuvre.



La trilogie entière se veut comme la biographie non-linéaire d'une rue fictive du Bronx. Les personnages vont et viennent, on y aborde l'immigration, le racisme et surtout la lutte des classes.



C'est en ce sens que le livre est difficile à noter, puisque l'on voit très bien en quoi l'œuvre était forte, sérieuse, originale et profonde à une époque (1976) où les comics de superhéros avaient le monopole de la BD en Amérique.



Pourtant, ça n'a pas nécessairement bien vieilli. Le roman tente de mettre en scène le cercle vicieux de la misère, en montant de quelle façon des comportements déplorables sont les symptômes des inégalités sociales.



On nous demande donc d'être empathique du violeur, du pédophile, du batteur de femmes... Sans jamais réellement nous demander d'éprouver la même sympathie pour leurs victimes. Victimes qui, finalement, doivent souffrir de la catharsis des hommes en plus des mêmes maux sociétaux qu'eux.



Pire, les victimes sont souvent les complices de leur malheur. La fillette (11 ans) tente volontairement le pédophile pour lui soutirer de l'argent. La femme battue trouve séduisante la virilité violente de son homme, et la cause donc à dessein. La femme violée est ravis de voir son appétit sexuelle finalement rassasié. Etc.



Bref, un livre important pour comprendre l'histoire des comics américains, mais dont le commentaire social est légèrement dépassé.
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L'appel de l'espace

Ouaiiiis, la suite de l'appel de Cadix ! Trop super !

Ben mon Luis, qu'est-ce qu'il se passe-t-il ? Je peine à retrouver tes yeux de velours, Chi-ca ! Chi-ca ! Chic ! Ay ! Ay ! Ay ! 



Peu n'importe puisqu'on y gagne ici en m² loi Carrez, tout bon en cas de revente.

Sommes-nous vraiment seuls dans l'univers ?

N'existerait-il donc point une entité extra-terrestre avec qui il serait possible d'établir un éventuel contact qui pourrait, rêve absolu, déboucher sur une nouvelle demande d'ami sur mon compte Fastbock ?



Will Eisner prend le parti du oui affirmatif !

Postulat de départ, la captation d'une bête séquence modulée par un groupe de chercheurs sis à Mesa, New Mexico. Il n'en faudra pas plus pour chambouler la face du monde mais surtout instaurer un certain climat d'hostilité entre Russes et Américains.

Faut dire que chacun veut être le preum's dans cette course aux étoiles, alors en piste !



Bande Dessinée d'une richesse incroyable, tant au niveau graphique qu'anecdotique, cet appel de l'espace mixe habilement politique et thriller tout en dézinguant joyeusement l'opportunisme politique habituel. Il n'omet pas de pointer du doigt ces tout nouveaux messies, prétendus porteurs de la parole nouvelle et bien plus focalisés sur leur trajectoire personnelle, souvent grassement rétribuée, que par la cause originelle.



Et que dire du coup de patte d'Eisner ?

Ouaaaah a big a-ma-zing ! Oui, j'aime à rendre hommage au phrasé si dense de la divine diva Carey lorsque le temps me le permet.

Un contraste blanc/noir d'une perfection et d'une intensité peu commune !

Le dessin claque, la mise en page originale achève de vous achever. Tiens, comme une gêne gênante dans la phrase précédente.

Heureux papa du Spirit, Eisner, en maître justement reconnu, influença bon nombre de futurs grands du comics. L'exemple le plus frappant, Sin City d'un Frank Miller au sommet de son art.



L'appel de l'espace, wxhzzynnntftrrqurt*



*Allô, qui est à l'appareil ?
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Le Rêveur

Bill Eyron est un rêveur.

C'est à la Horn's Cafeteria que, pour dix cents, il a fait l'acquisition de son rêve à une vieille dame souriante qui prétendait connaître l'avenir.

Bill Eyron, c'est Will Eisner.

Et son rêve était de se faire un nom dans la bande-dessinée ...

Cet album, paru aux éditions "Delcourt" en 2009, est un petit roman graphique.

Will Eisner s'y souvient de ses débuts, dans les années 30.

Et il semble y avoir mis tout son coeur et son talent.

La lecture est agréable, et fluide.

Le récit est clair, le graphisme, comme toujours chez Eisner, est superbe.

Le dessin semble y prendre vie dans un découpage et un coloriage qui sont la marque de fabrique de l'immense Will.

De plus, quelques notes, en fin d'ouvrage, éclaire le lecteur d'aujourd'hui sur les nombreux clins-d'oeil qui y sont adressés à quelques autres grands noms du genre.

Mais, parfois il y a loin du rêve de l'auteur à celui du lecteur.

Et, la légende a, de temps à autre, besoin de mystère.

Si le style est toujours impeccable, le grain de folie, lui, a disparu.

Où donc sont ces nuits d'ombre et de silence sur Central-City avec parfois un cri qui transperce la brume ... dont le Spirit semblait connaître tous les secrets ?

Je me souviens avoir, sans aucun regret, dilapidé une de mes premières maigres soldes de jeune marin au milieu des années 80.

Pour l'achat d'une pile d'albums du Spirit !

"Nuit d'encre", "Spirit", "L'esprit", "Le parfum de la dame en rouge", "Les femmes fatales", "Les 13 travaux", "Les dossiers secrets" et "Le Spirit s'en bat l'oeil"...

Pour "L'appel de l'espace" ...

Pour "Un bail avec Dieu" ...

Pour "La bande dessinée selon Will Eisner" de Catherine Yronwode ...

Là est niché le rêve, dans ces récits un peu fous et échevelés, dans ces dessins splendides aux cadres incertains, et ces peintures de personnages débordantes d'humanité.

Là est le talent de Will Eisner ... Là est le rêve de Bill Eyron ...









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L'appel de l'espace

J'ai lu ce chef d' oeuvre, dans sa première édition française de la fin des années 80. Il m'a passionné et emporté, comme sut le faire le Contact de Carl Sagan quelques trente ans plus tard.

Will Eisner, véritable grand maître de la bande dessinée américaine, a porté une réflexion aussi dense que complète sur cette interrogation de l' homme: Sommes nous seuls dans l'univers? Et si, de ce cosmos aux lointains mal connus, nous parvenait un signal émanant d'une intelligence autre qu'humaine?

Alors, Will Eisner convoque tous le monde dans ce récit à la démesure ordonnée de son talent de conteur et d'observateur avisé...

Comme le Spirit, à travers son masque de justicier , explorait l'âme des gens; L' Appel de l'espace expose et analyse les conséquences d'un message venu d'un ailleurs inatteignable par l'homme.

Alors, par son dessin efficace et son récit sans faille, l'auteur nous entraîne dans la ronde folle des politiques, militaires et barbouzes, financiers, truands, allumés des sectes qui veulent tous jouer leur partition dans ce rêve spatial symbolique des espoirs de notre humanité.

Qui, dans ce magma des passions, saura raison garder? Qui se posera la question primordiale de savoir si la Terre est prête à répondre au message et à envoyer un explorateur à la rencontre de la source du message?

Et Will Eisner de donner sa vision qui, assurément sage (trop peut-être) qui ne ravira pas tous le monde mais se veut prudente et réservée.

Puisque, après la tempête revient le calme...non sans quelques épaves sur le littoral.
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Jacob le cafard

Jacob est un vieux juif qui vit dans ce vieil immeuble de la rue Dropsie dans le Bronx - ce même vieil immeuble qui est le centre des histoires de Will Eisner, et que l'on retrouve dans "Un pacte avec Dieu"-.

Cet immeuble, entouré d'autres comme lui, où il est impossible d'avoir une vie privée, tant les cloisons sont minces et les murs rapprochés. Ce quartier où tout le monde connait tout le monde, comme dans un village. Et tout le monde connait Jacob l'ébéniste, qui pendant des années a construit de ses mains l'école juive, la shule, et qui se voit remercier avec ingratitude quand celle-ci est terminée. Jacob se retrouve donc sans emploi au plus fort de la crise - on est à New-York en 1930...

Alors Jacob, comparant sans cesse son existence avec celle d'un cafard, Jacob va tenter de prendre sa vie en main, car même à 60 ans, il n'est pas trop tard pour tout recommencer, si ?

C'est ce qu'on va découvrir avec cette chronique de la vie des gens dans les années 30, la vie des petites gens du Bronx, avec ses immigrés italiens, juifs, allemands, à l'aube de la guerre qui ravage l'Europe, Will Eisner nous délivre malgré tout un message de fraternité et de possible entente entres les peuples... C'est la mémoire d'une époque, un morceau d'Histoire, d'anthologie, celle des petites gens, "des cafards", avec leur incroyable instinct de survie et de perpétuation de l'espèce...

A lire sans modération toute la série de Will Eisner sur New-York.
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New York Trilogie, Tome 1 : La Ville

Dans la carrière de l'auteur, ce tome est paru entre Le rêveur (1985) et Le Building (1987). La première édition date de 1995. L'histoire comprend 170 pages de bandes dessinées en noir & blanc. Le tome s'ouvre avec une courte introduction rédigée par Will Eisner. Il évoque l'objectif qu'il s'était fixé : construire des vignettes bâties autour de 9 éléments qui pris ensemble brossent le portrait de n'importe quelle grande cité.



Chapitre 1 - Le trésor de l'Avenue C - L'Avenue C : un canal dans une mer de béton, avec son asphalte routier, son métro souterrain et ses crevasses. Mary retrouve Henry sur une grille de ventilation du trottoir. Elle lui rend sa bague excédée par l'insistance de ses avances, par sa demande en mariage pour retourner à la campagne. Dans un faux mouvement, l'alliance tombe et passe à travers les barreaux de la grille. Lâchés par d'autres personnes, d'autres objets tombent entre les barreaux. Chapitre 2 - L'escalier de perron - Ces marches qui mènent à la porte d'entrée de l'immeuble au-dessus de l'entresol sont comme des gradins dans un stade. 4 hommes affalés sur les marches d'un perron voient un type arracher le sac d'une ménagère revenant de faire les courses, et le vider pour piquer l'argent. Ils ne bougent pas et se font ensuite conspuer par la ménagère. Plus tard, ils répondent par contre rapidement quand leur épouse respective leur indique que le dîner est servi. Chapitre 3 - Métros - Les rames de métro progressent depuis les dépôts isolés et désertés, jusqu'à passer au milieu des immeubles à hauteur d'appartement où ils font trembler la vaisselle. Dans le métro, la promiscuité est dense, mais chacun pense à ses petites affaires, oublieux des individus collés contre lui. Chapitre 4 - Déchets - Chaque jour, les poubelles récoltent des milliers de tonnes correspondant aux rebuts de produits consommés, digérés et excrétés par les habitants. La benne à ordure ménagère passe faisant toujours autant de bruit, réveillant les dormeurs.



Chapitre 5 - Musique de rue - Les sons générés par la ville sont innombrables et diversifiés, participant de son identité. Les sons qui sortent par une bouche d'égout, le bruit ambiant permanent qui mange la moitié des conversations y compris entre amoureux, les musiques des musiciens de rue, s'échappant des fenêtres, des systèmes portatifs, des klaxons, etc. Chapitre 6 - Sentinelles - Dans chaque rue, il y a du mobilier urbain qui constitue autant de jalons, de sentinelles : les bornes à incendie, les boîtes à lettre, les signaux tricolores, les lampadaires, les bouches d'égouts. Chapitre 7 - Fenêtres - Chaque façade comporte des fenêtres, autant d'ouvertures entre 2 mondes. Il y a le monsieur dans son fauteuil roulant qui passe sa journée à observer ses voisins de l’autre côté de la rue, la voisine qui passe sa journée à la fenêtre à faire la commère commentant tout, la fenêtre par laquelle passe le cambrioleur, la fenêtre fermée qui sépare le riche dans son appartement de luxe du miséreux sans domicile qui le regarde de l'autre côté sur le trottoir. Chapitre 8 -Murs - Les murs de la ville peuvent être des surfaces pour peindre, des murs qui emprisonnent les individus dans des appartements minuscules, des murs qui forment un labyrinthe dans lequel court le cambrioleur pour échapper à la police, des murs qui tombent et laissent la place à un jardin partagé. Chapitre 9 - Le quartier - Un homme qui a réussi fait visiter le quartier populaire où il a grandi à sa femme. Un couple à la retraite décide de quitter le quartier où il a vécu toute sa vie pour aller à la campagne. Un jeune homme plein d'espoir raccompagne une jeune femme dans un beau quartier.



Pour une autre bande dessinée, Dropsie Avenue : Biographie d'une rue du Bronx (1995), Will Eisner expliquait qu'il se lançait parfois dans la création d'un ouvrage sur la base d'un concept innovateur, comme un défi lancé à lui-même. Effectivement, sans l'introduction, cette bande dessinée ne ressemblerait à rien, si ce n'est une collection de saynètes très courtes (de 1 à 3 pages) mettant en scène des habitants d'une grande ville dans des situations diverses. Dans le premier chapitre, la première histoire tient en 2 pages, et le lecteur n'est pas tout à fait convaincu par ce monsieur éconduit par une femme qui souhaite vivre sa vie à la ville et cette alliance qui tombe bien évidemment à travers la grille. Dans la page suivante, il assiste à la pantomime d'un monsieur en costume et cravate, qui lance une pièce en l'air pour décider sur quel canasson parier, et la pièce passe par la grille. Les mouvements et le langage corporel sont épatants comme toujours avec ce bédéaste, mais il est difficile de parler d'histoire. Arrivé à la fin du premier chapitre (page 10), le lecteur se dit qu'il va passer un agréable moment, tout en ayant oublié ce qu'il a lu dès qu'il attaque le chapitre suivant.



Le ressenti du lecteur change avec le chapitre suivant. Il est placé en position d'observateur, regardant des individus en train de regarder une agression se dérouler sous leurs yeux. Le talent graphique de Wil Eisner épate toujours autant : des cases dépourvues de bordures, une capacité incroyable à reproduire une rue de New York, en donnant l'impression d'un croquis, mais qui s'avère très détaillé et construit quand le lecteur prend le temps de le regarder. Il a l'impression de pouvoir s'asseoir sur les marches de cet escalier, de profiter de la chaleur et du calme relatif, de devenir alangui, sans s'inquiéter de la scène qui se déroule sous ses yeux. Dans les chapitres suivants, le même phénomène de projection se reproduit. Le lecteur éprouve la sensation d'être dans le wagon du métro, d'abord debout et tassé, puis seul avec un autre voyageur dans une autre rame. Il entend littéralement les bruits de la rue, en marchant aux côtés du couple : ronronnement du moteur d'une voiture sur laquelle bosse un mécanicien, pétarade d'un deux roues, métro aérien, marteau piqueur, mélopée sortant d'un magasin d'instruments de musique, marteau piqueur, sirènes, etc. Il ressent le plaisir de la fraîcheur à se mouiller à l'eau de la bouche incendie sur un trottoir rendu brûlant par le soleil. Il jette des regards inquiets tout autour de lui alors que l'éclairage public fait défaut dans le quartier qu'il traverse. Il pénètre dans l'intérieur de plusieurs newyorkais : un appartement si minuscule qu'il pourrait s'agir d'une cellule de prison, un appartement si luxueux qu'il pourrait s'y perdre. Dans l'introduction, Will Eisner attire l'attention du lecteur sur le fait qu'il s'agit de sa vision personnelle de New York, mais s'il y a déjà séjourné, le lecteur ressent les sensations qu'il a découvertes en s'y promenant la première fois.



Le ressenti du lecteur change également avec les autres êtres humains qui vivent sous yeux. Autant dans le premier chapitre, ils semblaient n'être que des clichés sans grande personnalité, autant ils sont totalement incarnés par la suite. En tant que directeur d'acteur, Will Eisner met en scène des personnages dont le comportement oscille entre le naturalisme et l'exagération théâtrale en fonction des moments de la scène. Lorsque que le voyou arrache le sac de la dame, le mouvement et les postures appartiennent au registre naturaliste. Quand la ménagère se met à hurler, son comportement glisse vers le théâtre. Ces fluctuations de registre combinent réalisme et expressivité avec un art consommé de la narration dramatique, un souffle de vie incroyable animant ces 2 pages dépourvues de phylactère et de cellule de texte. au fil de ces nombreuses saynètes, le lecteur observe des individus de tous horizons : jeunes adolescents en train de jouer à la balle dans la rue, jeune secrétaire assise dans le métro avec un charmant jeune homme debout à côté, gugusse aviné en train de chanter à tue-tête dans une rame quasiment vide, père en pyjama tenant son nouveau-né dans les bras pour l'endormir, éboueurs blasés, dame sans domicile fixe en train de fouiller dans une poubelle, trio de musiciens de rue débordés par le nombre de concerts de rue à donner, policiers, employés de bureau, cadres supérieurs, etc. Saynète après saynète, le lecteur côtoie des individus issus de différentes classes sociales, se rendant à leur boulot ou vacant à leurs occupations domestiques : il voit l'infini diversité de l'humanité peuplant la ville, lui insufflant sa vie.



Il se produit un effet cumulatif des saynètes qui donnent à voir la comédie humaine dans toute sa profusion, dans l'environnement très particulier d'une grande ville. L'humanisme de Will Eisner transparaît dans chaque séquence : son amour pour l'être humain, mais aussi sa capacité à observer les comportements, à rendre compte des comportements admirables comme blâmables. Comme à son habitude, il utilise de nombreuses techniques narratives, allant de la bande dessinée traditionnelle avec ses cases alignées en bande et ses phylactères, à des images juxtaposées, en passant par des dessins avec un texte en dessus. Il suffit de regarder les passagers d'une rame de métro perdre une part de leur contenance alors qu'il n'y a plus de courant et que la pénombre règne dans le wagon. L'auteur dessine six cases de la largeur de la page, 3 par page, et un texte d'une phrase court au-dessus de 5 des 6 cases. Le lecteur a face à lui 5 personnages debout qui se tiennent à une poignée accrochée au plafond. Il voit leur visage changer progressivement d'expression, et leur posture évoluer de concert. C'est une leçon de narration tout en nuance et en justesse.



Ce tome est à nouveau une réussite complète, incroyable de sensibilité, brossant le portrait d'une grande métropole, par petites touches (des scènes d'une, deux ou trois pages), en observant les individus évoluant dans différents endroits de la ville, avec à chaque fois un thème, celui du chapitre. Le lecteur regarde un organisme complexe, expliqué par l'auteur qui met en lumière des flux, des comportements, des sons, des interactions.
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L'appel de l'espace

En pleine nuit à l'observatoire de radio-astronomie de Mesa, au Nouveau-Mexique, un signal survient des profondeurs de l'espace. Fait d'un concept mathématique simple, sans signification, il ne peut avoir été envoyé que par des êtres intelligents. Les trois hommes présents localisent l'émission radio.

Elle provient d'une des planètes de l'étoile de Bernard, pas plus grosse que notre lune et qu'une sonde spatiale atteindrait en une dizaine d'années....

Will Eisner nous offre avec "l'appel de l'espace" un récit dense et complexe qui ne prend ce postulat, issu de la science-fiction, que pour nous emmener vers la restitution d'un monde qu'il a finement observé.

Dans ce long album de 128 planches, Eisner décortique de nombreux aspects de la société américaine. il décrit le nouveau candidat à la présidence, Dexter Milgate, comme un homme ignare, obtus et nationaliste et dénonce son "va-t-en guerre" brutal. Il montre un système présidentiel sclérosé par l'attentisme de la justice et l'affairisme du politique qui ne peut se passer du soutien des multinationales qu'en s'adressant à la mafia.

Il dénonce les journalistes avides de sensationnel, les sectes manipulées par d'étranges gourous.

Eisner, dans cette oeuvre foisonnante mais jamais confuse, nous parle aussi du Tiers-Monde et de ses problèmes. Il livre une caricature féroce, à peine déguisée, du dictateur africain Idi Amin Dada qu'il nomme Ami.

Eisner réalise, avec cet album, un véritable roman en bande-dessinée où il intercale, afin de relancer l'action, un récit d'espionnage qui, décrivant les coups fourrés fomentés par la CIA et le KGB dénonce la toute puissance de ces officines.

Il signe, au final, un magnifique ouvrage, d'un graphisme moderne et soigné, qui se referme sur un épilogue d'un pessimisme assez cynique mais pourtant tristement vraisemblable.
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New York Trilogie, Tome 2 : L'Immeuble

Au coin de la rue

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Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il s'agit d'une bande dessinée en noir & blanc, de 76 pages, avec une introduction de 2 pages rédigée par Will Eisner. Ce récit est paru pour la première fois en 1987. Il s'ouvre par une citation de John Ruskin (1819-1900).



Dans l'introduction, Will Eisner évoque l'acte brutal de destruction d'un building, la manière d'anéantir ainsi un lieu dont les murs sont chargés des rires et des pleurs de tous les êtres humains ayant vécu à l'intérieur. Pendant 80 ans, le building avait occupé l'angle de 2 importantes avenues, une accumulation invisible des de drames s'étant imprégnée dans sa base. Un jour ce building fut démoli, laissant une hideuse cavité résiduelle et un résidu de débris psychiques. Plusieurs mois plus tard, un nouveau building flambant neuf occupait cet espace, tout de verre et de métal. Ce jour-là, durant la matinée, quatre fantômes invisibles se tenaient à l'entrée : Monroe Mensh, Gilda Green, Antonio Tonatti, P.J. Hammond. Monroe Mensh était un enfant de la ville : il avait grandi anonyme au milieu de la cité, ayant maîtrisé l'art de la vie urbaine. Célibataire, il mène une existence routinière. Il sait se tenir à l'écart des accidents de la vie, et il a un emploi dans un magasin de chaussures pour femme, où sa discrétion lui permet de rester en dehors de tout tracas. Un après-midi, il attend pour traverser l'intersection devant le building. Une fois la rue passée, il s'arrête à côté de l'entrée du building, alors qu'éclate une série de coups de feu. Un enfant tombe mort, tué par une balle, juste à ses côtés.



Gila Greene était une véritable beauté, une jeune fille dorée du lycée East City High. À la surprise de tout le monde, alors qu'elle n'avait que l'embarras du choix, elle était tombée amoureuse du poète Benny. Leur amour perdura au-delà du baccalauréat, alors que Gilda Greene devint une assistante dentaire, et Benny continuait d'écrire des poèmes dans les bibliothèques municipales. Chaque jour, Benny et Gilda se retrouvent au bas du building, jusqu'à temps qu'un jour Gilda fasse une déclaration à Benny. Antonio Tonatti était un enfant doué en musique. Comme ses parents n'avaient pas assez d'argent pour lui offrir un piano, ils lui offrirent un violon. Antonio bénéficia de cours de violon pendant son enfance et son adolescence, jusqu'à ce que son professeur lui indique qu'il n'était pas assez bon pour en faire sa profession. Régulièrement, Antonio Tonatti joue du violon au pied du building, juste à côté de son entrée. P.J. Hammond est né dans une riche famille de promoteurs immobiliers. Après ses études, il a intégré l'entreprise de son père, et s'est rapidement rangé à ses méthodes. Après sa mort, il a repris les affaires et a décidé d'acquérir tout le pâté de maison, ou plutôt le bloc d'immeubles, contenant le building. Mais seul ce dernier n'est pas à vendre.



Dans son introduction, Will Eisner explicite son intention : montrer comment un immeuble peut s'imprégner de la vie des habitants. Au fil de l'histoire, le lecteur découvre qu'il ne s'agit pas des habitants ou des usagers de l'immeuble, mais de personnes qui se sont régulièrement tenues devant l'immeuble pour des motifs différents. Du coup, le récit se mue en l'histoire de 4 personnes (plus une, à savoir le poète) qui ont un lien plus particulièrement avec le morceau de trottoir, juste à côté de l'entrée du building. Comme à son habitude, l'auteur sait insuffler une vie étonnante à chacun de ses personnages. Impossible de les confondre : ils ont chacun une apparence différente, une vie différente, des aspirations différentes, une histoire personnelle différente. Monroe Mensh fait immédiatement penser à Pincus Pleatnik, un personnage qui apparaît dans Peuple invisible (1993), un citadin passé maître dans l'art d'être invisible aux yeux des autres ce qui lui assure une tranquillité précieuse. Ici, Monroe Mensh est un individu banal, sans histoire, à la gestuelle un peu protective de sa personne, indiquant une personnalité craintive et introvertie. Le lecteur ne peut pas s'empêcher de sourire en le voyant faire des efforts pour sortir de sa coquille, afin d'atteindre l'objectif qu'il s'est fixé.



Par la force des choses, Gilda Greene diffère fortement de Monroe Mensh, puisqu'elle n'est pas du même sexe. Elle est aussi plus solaire, et elle vit dans un milieu social plus aisé. Elle n'est pas introvertie, et elle sait exprimer ses sentiments, à commencer par l'affection et l'amour. En observant Benny, le lecteur voit qu'il porte des vêtements bon marché et qu'il ne prend pas grand soin de sa personne, qu'il parle en faisant des gestes plus amples, plus habités que Gilda, et encore plus que Monroe Mensh. En voyant l'ameublement des pièces de l'appartement des Greene, le lecteur voit également qu'il ne s'agit pas de la même gamme de prix que celui de l'appartement de Mensh. Le segment consacré à Antonio Tonatti est le plus court, avec 11 pages. À nouveau, le lecteur découvre un personnage à l'apparence bien différente, appartenant aussi à un milieu social modeste, vivant son art de musicien amateur d'une manière différente de celle de Benny, avec une posture déférente vis-à-vis des passants, mais pas effacée comme celle de Monroe Mensh, son état d'esprit n'étant pas d'être insignifiant au point d'en devenir invisible aux yeux des autres. Avec P.J. Hammond, le récit passe à nouveau dans un autre milieu social, plus aisé, le monde des affaires, avec un individu dont les postures montrent une habitude de donner des ordres, d'être obéi, de prendre des décisions lourdes de conséquences.



Ce récit est à nouveau l'occasion d'admirer l'art de conteur de Will Eisner. Il commence par une introduction sous forme de texte en gros caractère, avec une police de caractère mécanique. Puis le lecteur découvre un dessin en pleine page, ou plutôt en demi-page, avec une colonne de texte sur la partie gauche de la page, et le dessin tout en hauteur du building sur la moitié droite. Il découvre ou retrouve la police de caractère tracée à la main qui semble si chaleureuse, que ce soit pour les textes accolés à une image en pleine page, ou pour celle différentes, un peu plus irrégulière pour les phylactères. Il faut avoir lu une bande dessinée de cet auteur pour prendre la mesure dans laquelle ces polices participent de leur identité et de la sensation qui s'en dégage. Le lecteur retrouve également son usage de cases ouvertes, sans bordure, l'idée étant que le lecteur peut ainsi plus facilement y pénétrer. S'il y prête plus d'attention, il observe que ces cases ouvertes peuvent être se côtoyer, laissant les personnages passer librement de l'une à l'autre. Elles peuvent également être séparées par des cases rectangulaires avec une bordure qui viennent comme si elles étaient posées sur la planche. L'artiste peut également utiliser des traits parallèles irréguliers pour servir de trame de fond sur laquelle le fond blanc des cases ressort. Ces dispositions originales introduisent une sensation de liberté et de légèreté dans la narration. Will Eisner a régulièrement recours à des dessins avec un texte en dessous, évoquant la forme d'un conte illustré. À d'autres moments, la narration retrouve une forme de bande dessinée classique.



Tout du long, le lecteur voit des personnages incarnés par des acteurs adoptant un jeu naturaliste. Même quand Will Eisner passe en mode théâtral, ses personnages gesticulant de manière un peu appuyée, le lecteur continue de voir des gens normaux, expressifs, mais sans en devenir ridicules. Ils interagissent naturellement avec les décors qui sont des lieux plausibles et habités. Monroe Mensh se tasse sur une chaise qui tient à peine dans le minuscule bureau de l'association où il est reçu. Gilda Greene se couche dans le lit conjugal douillet et confortable, attestant d'un couple ayant une longue histoire commune apaisée. Antonio Tonatti se retrouve seul dans son tout petit appartement sombre et peu meublé. P.J. Hammond est bien calé dans son fauteuil confortable de président directeur général, dans une position de pouvoir assurée. Comme toujours dans les œuvres de Will Eisner, le lecteur éprouve un sentiment de sympathie immédiate et spontanée envers tous les personnages. Il n'y a pas de méchant, même pas P.J. Hammond qui pourtant abandonne très vite toute prétention d'action sociale, pour se concentrer sur une posture uniquement capitaliste. En fait, le lecteur éprouve de la compassion pour chaque personnage, car l'auteur ne se montre pas tendre avec eux. Il les fait souffrir : Monroe Mensh portant le fardeau d'une culpabilité de hasard, Gilda Greene ayant sacrifié ses aspirations romantiques pour la sécurité matérielle, Antonio Tonatti conscient de son talent limité de musicien, P.J. Hammond se heurtant lui aussi à ses limites. La fin de l'histoire vient apporter une forme de résolution à chacune de ces vies, libérant ces âmes de leur aspiration inassouvie.



Étrangement, cette histoire ne tient pas la promesse énoncée dans l'introduction. Le building ne devient pas un personnage à part entière, habité par les émotions de ses habitants. Il reste un élément de décor, un point focal pour la vie de 4 individus distincts, aussi différents qu'incarnés. Will Eisner fait preuve d'une maestria discrète de l'art de la narration visuelle, qui devient époustouflante pour peu que le lecteur y prête attention. Son amour des êtres humains est présent dans chaque vie de ces personnages de papier, à la fois dans leur unicité, dans leur présence, mais aussi dans les épreuves qu'ils traversent car l'auteur fait preuve d'un amour vache.
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Spirit - Intégrale, tome 1

Né en 1940, le Spirit fut une avancée majeure dans l'univers du Comic américain!

Chez le Spirit, pas de super-pouvoirs, mais une endurance hors du commun a encaisser mandales , ramponeaux et balles de pistolet...

Mais le Spirit sait aussi cogner sec et dur pour la bonne cause.

Dans ce premier tome des aventures du justicier masqué, Denny Colt disparaît pour céder la place au Spirit domicilié au cimetière de Wildwood.

Le début d'une série à la beauté crépusculaire, empreinte d'un humanisme et d'une réflexion rare.
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