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EAN : 9782706709418
224 pages
Salvator (13/09/2012)
4/5   4 notes
Résumé :
- Dieu peut-il être un sujet de conversation ?
- Peut-on le placer entre les derniers résultats de Coupe d'Europe et le prochain bulletin météorologiqu ?
- Serait-il toutefois beaucoup mieux de disserter savamment dessus, d'en faire un beau concept théologique, de le resituer entre les antinomies de Kant et les généalogies de Nietzsche ?

La bouche qui vient de dire : « Passe -moi le sel ! » ou « La France forte, c'est maintenant » ou ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Magnifique: Ce qui se comprend bien s'énonce clairement ;-)
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critiques presse (1)
NonFiction
21 février 2013
Cet essai donne à voir une pensée chrétienne à l'état natif, tout droit issue d'une rencontre intime. Un tel aperçu de la foi déroutera ceux qui pensent savoir ce qu'est croire et qui imaginent que la récitation du catéchisme en est le fin mot.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
66. Cette primauté du messager sur le message ne tient pas qu’au mystère du Verbe incarné, mais remonte jusqu’au mystère trinitaire. Le mystère de la Trinité nous révèle un Dieu qui n’est pas océan de lumière anonyme et impersonnelle, mais communion de Personnes. Ces Personnes ne sont pas l’une par rapport à l’autre aliud, c’est-à-dire autre chose, parce qu’elles sont ensemble l’unique essence divine ; et, en même temps, elles sont l’une par rapport à l’autre radicalement alius, c’est-à-dire quelqu’un d’autre. On a beaucoup insisté jusqu’ici sur l’unité de nature dans la Trinité. Mais, en notre époque de pluralisme irrécusable, il convient d’insister sur la distinction absolue des Personnes divines. Le Fils, par sa Nature, est une même chose que le Père, à savoir Dieu. Mais, en tant que Personne, il est infiniment différent du Père, puisqu’il est le Fils. Et c’est cette infinie différence dans une unité infinie qui fait l’événement permanent de leur communion, sa respiration et sa fécondité, puisqu’elle est procession d’une autre Personne irréductible, le Saint-Esprit.

Affirmer l’unité divine à la manière d’un bloc irrespirable, c’est porter un message écrasant ou dissolvant. Peu importe le visage du messager et celui de son interlocuteur : tous deux sont incapables de refléter la nature divine à moins de se résorber l’un comme l’autre dans cette nature divine indifférenciée. Il y a peut-être plus qu’une relation d’homophonie entre les ariens et les Aryens : le totalitarisme a certainement son origine lointaine dans un monothéisme où tout est réduit à une unité sans différence ni amour : Ein Reich, ein Volk, ein Fürher… Comment sortir de la violence de cette unité écrasante et uniformisante (qu’elle se fonde sur le culte de la Race, de la Nation, de l’Humanité, de la Planète ou de n’importe quel autre homologue du divin dissolvant) ? On a pu croire que la réponse se trouvait dans l’auto-célébration de l’individu. Mais l’individualisme substitue à la violence verticale une violence horizontale : l’un s’oppose à l’autre et n’entre en relation que par crainte, pour établir un traité de non-agression et préserver sa bulle. Il convient plutôt de reconnaître l’unité créatrice et diversifiante. Dès lors que l’unité divine est connue comme trinitaire, nous découvrons la différenciation éternelle du Fils comme garantie de la différenciation éternelle de chacun en Dieu, et la finalité n’est plus tant de délivrer un message dominateur que de chercher à vivre une rencontre. Et tant mieux si l’interlocuteur résiste ! Tant mieux même, pour commencer, s’il refuse ! La communion visée n’est pas une fusion dépersonnalisante, mais la trouvaille de personnes absolument diverses : comme avec les sexes, c’est l’union de leurs différences, voire de leurs différends, qui fait jaillir du nouveau.
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91. Parler de Dieu aujourd’hui trouve sa juste mesure dans cet adage des théologiens d’autrefois : Gloria non tollet naturam, la gloire ne détruit pas la nature, mais elle la surélève et l’accomplit. Comment dire cela ? Il s’agit de parler des fins dernières (parce que nous ne voyons plus de radieux avenir), mais de parler des fins dernières comme de ce qui sauve les choses premières. De montrer que la sainteté et la simplicité coïncident (notre divinisation est aussi notre humanisation la plus profonde), que le pain surnaturel ne s’oppose pas au pain quotidien, que l’éternité ne rejette pas, mais rachète le temps (Ep 5, 16). L’Église est de plus en plus dans cette position : elle affirme la Toute-Puissance divine pour défendre la liberté humaine ; elle nous élève au plus haut des Cieux pour garantir la différence sexuelle au-dessous de nos ceintures ; elle parle des entrailles divines de la Trinité pour rappeler cette chose élémentaire que l’utérus de la femme est le sanctuaire de la vie ; elle invoque l’Infini pour confirmer la dignité de mon voisin malade.

Là encore, la position est inconfortable : c’est le grand écart. En vérité, c’est la grande proximité (ce qui, du reste, n’est pas moins embarrassant). C’est le simple commandement, pas facile du tout, de l’amour de Dieu et du prochain comme soi-même… Ce qui signifie, par exemple, que le visage de Mme Grolley, qui habite en face, est appelé à devenir céleste, et que je dois le lui faire admettre, et que je dois l’admettre moi-même… Oui, avec sa fine moustache, avec sa bouche renfermée, avec son dentier trop éclatant et ses chairs très flasques, c’est d’elle aussi que Dieu veut faire le temple de sa gloire…

Vous comprenez, dans le discours sur la catastrophe, les faux prophètes disent : « Après nous, le déluge. » Les vrais prophètes bâtissent l’arche, et ils y logent toute la faune qui les entoure. Ils ne méprisent pas la vie la plus ordinaire et la plus humble, parce qu’ils savent que le Christ n’est pas seulement le Chemin et la Vérité : il est la Vie, et toute vie tire de lui son origine mystérieuse. Qu’auraient-ils de mieux à faire, pour ne pas être complices de la mort, que non seulement de célébrer la vie, mais aussi d’appeler toute vie à cette célébration ? Que tout ce qui respire loue le Seigneur (Ps 150, 6). Voilà pourquoi, même au bord du gouffre, même à la veille d’une déflagration mondiale, ils invitent le voisinage, inventent des chansons, fêtent des noces, accueillent des enfants. Même rejetés dans une étable ou un wagon à bestiaux, même condamnés à l’exil dans la maison de servitude, même à l’approche du massacre annoncé, ils accueillent des enfants, non parce qu’ils visent leur réussite mondaine, ou la propagation de l’espèce, ou le triomphe du Parti, mais parce qu’ils savent que chaque visage est fait pour resplendir à jamais. Jésus l’a dit clairement : Quiconque reçoit en mon nom ce petit enfant, me reçoit moi-même ; et quiconque me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé, c’est-à-dire reçoit l’Éternel lui-même (Lc 9, 48). On interprète généralement cette parole de manière mystique : derrière tout enfant se cache le Christ. Mais elle possède aussi un sens très concret : on ne peut recevoir un enfant, si l’on ne reçoit pas le Messie qui le sauve, car, sans ce Sauveur, pourquoi le recevoir, puisqu’il devra souffrir pour rien, pourquoi ne pas l’empêcher de naître, puisqu’il devra régaler la poussière ?
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98. Le Seigneur l’en a toutefois averti : ces contrariétés ne sont pas des empêchements. Elles constituent plutôt le cadre de l’annonce. J’endurcirai le cœur de Pharaon et je multiplierai mes signes et mes prodiges (Ex 7, 3). L’endurcissement des cœurs permet la multiplication des signes (neuf signes et une plaie, hélas ! car la résistance va jusqu’à s’ouvrir le crâne contre le roc). Ces signes sont ceux des miracles. Mais c’est aussi le signe du sang.

Nous avons vu que la vraie parole jaillissait de la vie. C’est donc la vie même qui est en jeu dans la parole sur Dieu. Ce n’est pas une théorie générale, ni une promotion individuelle, ni un empire mondain. Avec une théorie, il suffirait de démontrer. Pour une promotion, il suffirait de séduire. Pour un empire, il suffirait d’être matériellement plus fort. Or, il s’agit ici de ce qui saisit votre vie sans que vous puissiez le saisir. Alors, c’est toujours main au feu et pieds dans le tapis. Vous ne voulez rien oublier de l’Évangile ? Il faut dès lors qu’à tout instant vous exposiez votre vie. Le grand psaume 118 le répète : À tout instant j’expose ma vie, je n’oublie rien de ta loi (Ps 118, 107. 109).

Les persécutions ne sont pas un obstacle. Elles ouvrent l’espace même du témoignage, parce qu’elles sont l’occasion de parler vraiment de Dieu et de son amour fort comme la mort. Elles donnent malgré elles de parler comme le Verbe a parlé, c’est-à-dire avec le langage de la Croix (1 Co 1, 18). Elles donnent malgré elles de sanctifier le Nom, c’est-à-dire de ne pas seulement le prononcer des lèvres, comme un mot parmi d’autres, mais de le porter avec toute sa vie, de le proférer avec la blessure de son cœur.

Certains se figurent que le martyre est une sorte d’accident. On pourrait l’éviter, en dessalant l’Évangile, en arrondissant les bords du crucifix, enfin en sachant communiquer mieux. Mais le martyre est une loi constitutive de l’Église pérégrinante. Le grand théologien Erik Peterson le rappelait opportunément dans les années 1940 : « Un certain nombre d’esprits conciliants sont enclins à croire que tout ce qui arrive de mal dans ce monde peut être attribué à de simples malentendus. Si on les écoutait, il faudrait dire que la crucifixion du Christ et le martyre des apôtres sont la conséquence de malentendus […]. Les paroles de Jésus montrent au contraire que ce n’est pas une méprise humaine qui crée le martyre, c’est une nécessité divine. »

Vous pouvez dire que les gens vous persécutent parce qu’ils ne vous comprennent pas, et vous poser en victime malheureuse. Mais peut-être qu’ils vous ont très bien compris, qu’il leur faut passer par cela pour se rendre compte de l’horreur où les conduit leur superbe, qu’ils voient que vous témoignez de quelque chose qui vous surpasse, que votre sang devienne semence, que vos plaies s’écartent comme la bouche la plus éloquente : sang de l’aspersion qui parle mieux que celui d’Abel (He 12, 24). Oh ! ce n’est pas du tout goût morbide ou pente suicidaire. Si l’on pouvait, on s’épargnerait cette chose affreuse, qui n’est d’ailleurs pas tant de mourir que d’être tué précisément par celui dont on veut le salut, et de voir la grimace de haine défigurer son visage fait pour la lumière… Mais le témoignage de la miséricorde le veut.
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48. Dieu est donc déjà présent dans le plus antichrétien, peut-être pas de sa présence de grâce, du moins de sa présence de création, de sa présence d’immensité, si bien qu’au moment où je parle de Dieu à mon ennemi je dois être conscient que Dieu s’applique entièrement à créer cet ennemi avec amour. Position assez déstabilisante, je dois dire : il me faut lui parler de Dieu en étant d’abord interloqué par lui, rejeter son ignorance en accueillant sa présence, contester son inimitié en attestant sa bonté d’origine. C’est cet émerveillement devant sa bonté d’origine, surmontant notre antipathie première, qui seul peut me donner de dominer jusqu’au cœur de l’ennemi. J’extrais cette expression du psaume 109, lequel se chante toujours à l’office des dimanches et des solennités : Le Seigneur te présente le sceptre de ta force : Domine jusqu’au cœur de l’ennemi. Quelle est la vraie force ? Celle qui domine jusqu’au cœur. Or la violence peut mater le corps, elle ne saurait dominer le cœur. Une séduction raffinée extorquera une adhésion qui peut être passionnelle. Elle n’attirera pas les profondeurs de l’intelligence et de la volonté.

Le messager de Dieu n’a pas peur de témoigner devant celui qui a l’air le plus éloigné de la foi. Premièrement, parce que ce messager lui-même fut d’abord très éloigné de la foi (rien de mieux, pour suivre les pas de saint Paul, que d’avoir commencé par lapider quelques saints). Secondement, puisqu’il a fait lui-même l’expérience du retournement, il sait qu’il a dans son adversaire un allié de taille : son propre cœur, parce que le cœur du pire ennemi de Dieu, malgré tout, a été fait par Dieu et pour Dieu. Je dis bien : « par et pour Dieu », et non pas « par et pour moi ». Ce n’est pas parce que mon interlocuteur s’oppose à moi (témoin misérable, et traînant par ma médiocrité de nombreux contre-témoignages) qu’il s’oppose à Dieu. Proclamant la Nouvelle, je dois savoir que la personne en apparence la plus hostile peut être au fond plus proche de Dieu que moi, et ne claironner son hostilité que par une ignorance invincible, par un embrigadement qui l’a formatée depuis l’enfance. Voilà pourquoi l’envoyé n’est pas seulement sujet de la proclamation : il est d’abord en situation d’écoute, de réceptivité, prêt à discerner ce qui est déjà du Christ dans le non-chrétien ou le pseudo-chrétien, prompt à recevoir des leçons plutôt qu’à en donner, c’est-à-dire, selon le mot de Paul, disposé à éprouver toutes choses et à retenir ce qui est bien (1 Th 5, 21).

En dépit de sa grimace hargneuse, le cœur de l’ennemi reste l’ami de l’apôtre. Il faut être assuré de cette alliance secrète, de cette intelligence avec un espion déjà dans la place forte, et qui n’est autre que l’âme du frère adverse. Si notre parole ne jaillit pas de cet émerveillement devant le cœur naturellement fraternel de notre pire adversaire, nous ne parlons pas de Dieu, nous parlons d’un à côté, d’une idéologie intrusive.
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27. La lumière n’est pas en concurrence avec les couleurs : plus elle se lève et plus les couleurs brillent. L’océan n’est pas en concurrence avec les poissons : plus il s’étend et plus les poissons se multiplient. La sève n’est pas en concurrence avec l’arbre : qu’il s’en laisse pénétrer davantage, et sa ramure s’étend, verdoie, fructifie. L’inhabitation divine n’est pas la possession démoniaque. Celle-ci aliène et stérilise. La première recueille et féconde.

La transcendance de Dieu ne s’oppose pas à son immanence ; elle la garantit. C’est parce que le Créateur est infiniment différent des créatures, qu’il n’est pas en rivalité avec elles, et peut leur être infiniment présent sans diminuer leur présence, mais en la leur donnant. C’est parce qu’il les transcende qu’il peut être en elles sans les obstruer, mais en dégageant leur liberté plus grande ; agir sur elles sans les rendre passives, mais en intensifiant leur activité ; les aspirer à lui sans les absorber, mais en les confirmant dans leur singularité propre.

Parler de Dieu ne saurait donc être comme une chape de plomb qu’on coule. C’est d’abord une aube qui se lève. Une telle parole est une clairière. Elle doit permettre de parler à la fois de Dieu et d’une fille, à la fois de l’Éternel et d’un joueur du Milan AC. Et je ne rigole pas. C’est là le Jugement dernier. Que nous enseigne le discours du Christ sur ce Jugement ? Si vous l’avez fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous l’avez fait… et si vous ne l’avez pas fait à l’un de ces petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait (Mt 25, 31-46). Dieu n’est pas cette Super-Créature devant laquelle s’éclipsent même les grands. Il est ce Créateur qui fait place même aux plus petits, qui va jusqu’à s’identifier à eux, puisqu’il ne cesse de leur donner l’être et de vouloir leur communiquer sa joie.

Voilà l’ineffable : il loge sous les mots de tous les jours. Il n’est pas retranché dans l’Olympe : il est ici, partout, au milieu d’un hospice, dans un jardin d’enfants, sous un hall de gare, aux toilettes publiques, effacé comme la lumière qui donne à voir toutes choses. Nous ne pouvons pas en parler comme d’une chose à côté des choses, mais nous ne pouvons pas non plus parler vraiment des choses en le taisant, car il est leur principe et leur fin. Porter son Nom n’est pas l’asséner d’en haut, mais plutôt le laisser remonter à partir du fond de toute réalité. Si bien que la question « Comment parler de Dieu » nous renvoie moins à la question d’un sujet de conversation plus relevé que les autres, qu’à la question d’une modalité de la parole absolument hospitalière.
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