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Denise Laroutis (Traducteur)
EAN : 9782743618940
439 pages
Payot et Rivages (11/03/2009)
3.12/5   12 notes
Résumé :
Matias est allongé sur un drap. Mort. Dehors la chaleur écrase Misent, ville balnéaire d'Espagne. La mort de ce fils de famille, militant de gauche recyclé dans le bio, agit comme un révélateur. Ses proches s'agitent. Notamment son frère Rubén, un architecte brillant devenu un promoteur véreux, depuis toujours en conflit avec son frère au motif que l'un était dans l'action tandis que l'autre faisait la révolution au bar. Autour de ces deux personnages, des femmes gr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
« Crémation » se déroule à Misent petite bourgade imaginaire, devenue une station balnéaire, représentative de toutes celles qui se sont développées le long de la côte orientale espagnole.

A l'origine et au centre de « Crémation », Matias Bertomeu, décédé d'un cancer dont le corps repose à l'hôpital, en attente de sa crémation veillé par ses deux femmes Angela et Lucia que cette occasion réunit.

Autour de lui tournoient différentes voix qui se déploient et vont se croiser au cours d'une journée, en 13 chapitres non numérotés, s'élevant soit de sa famille proche, soit en relation étroite avec elle par des liens professionnels, amicaux ou affectifs :

celle de Ruben Bertomeu, âgé de plus de 70 ans, frère ainé de Mathias, architecte qui rêvait de faire des logements sociaux et est devenu un entrepreneur sans scrupules qui construit des lotissements de luxe après s'être accaparé des terrains en n'hésitant pas à employer des moyens douteux et à s'allier à des mafieux russes.

Monica seconde femme de Ruben, bien plus jeune que lui

Ramon Collado lui-aussi à l'hôpital gravement brûlé suite à un accident qui ressemble à un règlement de compte. Lui-même lorsqu'il était l'homme de main de Ruben, son bras droit et son chef de chantier, «  il savait user du feu purificateur, ce feu que quelqu'un a utilisé contre lui hier p 57

Silvia, fille de Ruben et d'Amparo sa première femme, restauratrice d'art spécialiste du Baroque, qui préfère son oncle Matias à son père avec lequel elle se heurte fréquemment. Elle est mariée à Juan Mullor professeur de lettres. Ils ont deux enfants Miriam et Felix
« Le succès pour mon père : être plus que les autres, occuper plus de mètres carrés au sol, monter plus haut, utiliser les meilleurs matériaux ; que ses pubs se voient mieux dans les journaux : pour une restauratrice, le prestige reste limité à un petit cercle de professionnels, c'est vrai. Mais, dit-elle, j'ai voulu être ce que je suis. p 133

Federico Brouard, écrivain nostalgique du passé, ami d'enfance de Ruben avec lequel il est désormais fâché alors qu'il était resté proche de Matias.
Federico et Matias se sont efforcer de rester fidèles à leurs idéaux révolutionnaires, ils ont résisté au mirage de l'argent. Mathias a évolué vers l'écologie.

Pour chacun, ce décès est l'occasion d'un retour sur le passé dans un dialogue intérieur qui décrit le reniement ou la perte de leurs désirs, de leurs rêves d'enfant et d'ados dans un monde pourri, cynique qui descend irrémédiablement vers l'abîme, un monde qui agonise ; l'autre intérêt de ce choeur étant de permettre le croisement d'une telle variété de thèmes et de points de vue que « Crémation » parvient à embrasser la totalité de la vie en allant bien au-delà du seul état de désintégration d'une société.

« Un roman, c'est la vie condensée en un éclair, comme la nuit se condense dans une goutte de rosée, le germe de vie dans la goutte sanguinolente qui tache le jaune d'oeuf. La douleur de Baudelaire ou du christ, toute la douleur du monde concentrée dans un certain nombre de mots rangés selon un ordre déterminé. p 417

Ce pavé, de 500 pages en format poche, déroutant par sa forme faite de longue digressions où se mêlent tous les sujets peut sembler indigeste au début. Mais on se laisse vite prendre, la respiration coupée, dans la nasse où tournoient et se débattent tous ces êtres qui se heurtent, ne se comprennent plus, finissent par se détester après avoir été amis, liés par l'intérêt ou la résignation, l'habitude.
Aucun n'est épargné par les autres mais il n'y a de la part de l'auteur pas de jugement.
Et puis pour les lecteurs qui aime découvrir d'autres auteurs il y a au cours de cette lecture des références à beaucoup d'écrivains dont Baudelaire, Dumas, Zola et Balzac que Chirbes admire et d'autres comme Max Aub, Broch, Luckacs, des espagnols tels Benitos Perez Galdos ou Carmen Martin Gaite etc… Mais aussi à des peintres, des musiciens.

Si « Crémation » est la réduction en cendre du corps de Matias c'est aussi un symbole du feu purificateur qui viendra assainir cette société qui s'est développée pendant la période de la démocratisation de l'Espagne, qui la réduira en cendres, feu qui avait aussi permis, à l'occasion, la récupération par des hommes comme Ruben des terrains qu'ils convoitaient, la spéculation et le bétonnage.

« Capitalisme crépusculaire qui ne croit pas à la continuité de la famille, à l'héritage et aux bénéficiaires ; résultat : comme je ne crois en rien, je bouffe tout, vive la boulimie. p 416

Il faut sans doute être boulimique aussi pour avaler « Crémation », un livre qui ne se laisse pas facilement aborder mais dont on apprend à avoir faim. J'admets qu'il puisse rebuter plus d'un lecteur donc à chacun de décider ou non de s'y plonger.
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J'ai abandonné la lecture de ce livre à un peu plus de la moitié, quand on a le point de vue du mafieux. Trop de volence gratuite dans les propos. J'aime que les livres m'embarquent dans leur univers. Là, je suis restée à côté sans comprendre ou l'autuer voulait en venir...
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Bravo à Nadeja pour sa critique que je partage à cent pour cent...
Certes le roman est massif et on peut s'y perdre notamment dans les liens entre les différents personnages. Mais en s'obstinant on s'y retrouve dans le dernière partie. Et cela vaut la peine de s'obstiner compte tenu de la qualité de l'écriture et de la profondeur des personnages.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Ce soir-là, il entrait par la fenêtre une brise qui était déjà le vent de la nuit, alors que la lumière rouge tenait encore bon derrière la montagne. Le vent leur arrivait ténu et humide, pas une masse, mais une sorte de dentelle très fine qui se levait de la mer invisible à cette heure ; il avait la texture de la dentelle, de quelque chose de spongieux, troué de vides, la peau sentait le frais en certains endroits, comme à travers une passoire, car la masse atmosphérique était encore brûlante, contenait encore l'haleine du jour. Enfin un soupçon de brise perforait la masse poisseuse et brûlante. C'était une heure de beauté. Les restes du soleil flamboyant derrière la ligne des montagnes qui ressemblaient à un découpage dans les gris, un décor de théâtre, et qui, dans quelques minutes, seraient un découpage noir s'opacifiant devant le flamboiement. p 154 155
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Partir, ou rester enfermé dans mon bureau, comme ses insectes qui s’enferment dans une capsule et attendent imperturbables que soit passée la saison sèche, m’encapsuler dans l’attente du prochain déluge universel, attendre la pluie avec les volumes de la Pléiade appuyés sur mon ventre, les dévorer avec délectation, gourmandise, les avaler page par page ; me noyer dans l’océan de Proust, dans le liquide amniotique, graisseux et lourd comme du beurre de vache normande, le suif épais de la lamproie Odette, le vagin rose armé d’une demi-douzaine de files de dents pointues, le tronc charnu sur lequel les doigts glissent et s’enfoncent en même temps en provoquant une instable sensation de vertige ; m’encapsuler avec les volumes de Montaigne que la mère de mon beau-père garde dans sa maison d’El Pinar ; avec les oeuvres complètes de Tolstoï, de Balzac et de Galdos (le grand Galdos et son Espagne pavée de suicidés), jusqu’à ce que la pluie vienne ramollir mon insidieuse croute de chitine. Larguer les amarres. p 409
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Si Matias était né trente ans plus tard, au lieu du stalinien autoritaire échoué d'abord dans le possibilisme, ensuite sur la plage de l'écologie et de la nutrition saine qui allaient le sauver in extremis de la cirrhose ..., certainement aurait-il été --comme son fils-- un squale de l'économie libérale. Il aurait incubé l'oeuf du libre-échange avec une constance égale à celle qu'il avait mise à incuber l'oeuf des collectivisations forcées. Silvia, ai-je dit une fois à ma fille,dans le fond Ernesto et ton cher oncle se ressemblent plus que tu ne crois, je dirais même qu'ils sont pareils et que c'est parce qu'ils se connaissent de l'intérieur qu'ils ont tant de mal à se supporter. La génération transmet des caractères qui s'adaptent aux rôles que distribue le théâtre du monde à chaque époque. La vie met en pratique ce que l'on appelle aujourd'hui le casting. La vie t'attribue le rôle qui te va dans la pièce qui est programmée et, si elle a fait le bon choix, elle te permet de vivre une existence plus ou moins harmonieuse. p 206
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Son père - il avait été plombier en Allemagne et en Suisse avant de se marier, dans les années cinquante, soixante -, disait toujours que les femmes en Europe centrale étaient chevalines, pas la petite jument andalouse, pas l'élégante jument de selle (les Espagnoles), mais des percheronnes, des bêtes de trait dépourvues de l'élégance naturelle qu'a la femme du Sud, où même celles qui sont au bas de l'échelle ne se laissent pas aller. C'était le point de vue d'un homme élevé dans d'autres idées (pourquoi ne pas se le dire à elle-même ? membre d'une autre classe), qui n'en avait que pour les Espagnoles, pour qui les Françaises un peu chic avaient toutes l'air de putes ; d'un homme qui était mort très jeune, avant de connaître la révolution du corps qu'avait vécue l'Espagne ces dix dernières années. Qu'aurait-il dit des cliniques de dermo-esthétique, des gymnases, des liposuccions, des liftings et des peelings ; ou de l'avant-garde, refinings et pompages internes de graisse ; des réductions de l'estomac et de la culotte de cheval ; des remodelages de seins : de la lutte contre la peau d'orange sur les cuisses et les fesses ; enfin de tous les aspects de la guerre ouverte contre les bourrelets. A lui, évidemment, son père, avec sa bedaine de buveur de demis, une réduction d'estomac ne lui aurait pas fait de mal, ni un peu d'exercice en salle: muscu, abdominaux, flexions, tenseurs, travail du dos.
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Vidéo de Rafael Chirbes
Rafael Chirbes - Sur le Rivage .Rafael Chirbes - Sur le Rivage aux éditions Rivages. Traduit de l'espagnol par Denise Laroutis. Rentrée littéraire janvier 2015. http://www.mollat.com/livres/chirbes-rafael-sur-rivage-9782743629489.html Notes de Musique : ?Polarity? (by HE-LUX). Free Music Archive.
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