AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782080436597
176 pages
Flammarion (17/01/2024)
3.9/5   35 notes
Résumé :
« Bertrand, rue du Château-des-Rentiers, habite un courant d’air entre deux immeubles sombres depuis cinq ans, une allée protégée des regards mais pas du vent. Il a choisi le moindre mal. »

Ce roman met en scène Bertrand, Tatiana, Désiré, Mohammed et tant d’autres, qu’on appelle sans-abri quand on ignore que, justement, ils se sont souvent choisi un endroit où vivre. Personne ne vit nulle part, pas même ceux que l’on ne voit pas. C’est à leur adresse ... >Voir plus
Que lire après Dans la villeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
3,9

sur 35 notes
5
3 avis
4
9 avis
3
0 avis
2
0 avis
1
0 avis
La littérature a ceci de particulier qu'elle nous permet de vivre plusieurs vies en peu de temps, d'éprouver des expériences qui nous rendent plus humains en déplaçant ou enlevant nos oeillères, celles-là mêmes qui ont été façonnées par notre capital culturel, le savoir emmagasiné, nos rencontres, les épreuves surmontées, etc.
C'est un passage radio de l'autrice qui m'a convaincu de me plonger dans le monde des maraudes à la rencontre des sans-domicile-fixe, ceux que l'on croise et que l'on fait mine le plus souvent de ne pas voir, par gêne ou par égoïsme. (https://auvio.rtbf.be/media/les-sequences-du-mug-le-mug-d-ouverture-3185328)
J'ai lu "Dans la ville" d'Elodie Fabiane juste après "Que notre joie demeure" de Kévin Lambert. Autant dire que ce fut un grand écart (et pas seulement sur le plan de la forme, ce livre-ci étant, lui, dépouillé, sans fioritures, en adéquation avec le sujet abordé). Avec Kévin Lambert, on suivait la déchéance d'une "starchitecte", puis sa rédemption (quoique ambivalente). Céline Wachowksi était rendue responsable de la gentrification de Montréalsuite à un ultime projet futuriste et pharaonique. L'accroissement des inégalités et les effets funestes pour les plus vulnérables qui n'arrivent plus à assumer les coûts inhérents à leur logement donneront lieu à des mouvements de protestation qui, avec la désertion de son conseil d'administration, précipiteront sa chute.
Avec Élodie Fabiane, on part à la rencontre des sans-domicile-fixe et des sans-abri. Ceux-ci ne sont pas des personnages fictifs puisque l'autrice rend compte des maraudes auxquelles elle a régulièrement pris part dans le 13e arrondissement pendant plusieurs mois.
Ces laissés-pour-compte sont surtout des hommes, ce qui interroge Elodie Fabiane puisque les femmes seraient 40% à dormir dehors. C'est parce que “Souvent, les femmes à la rue s'invisibilisent. (...) La nuit, elles cherchent des cachettes pour échapper aux agressions, souvent dans des parkings ou sous des escaliers. Et le jour, elles vont aux bains-douches, elles se pomponnent. Occulter sa condition sociale est un processus physique : c'est cacher son corps à la ville, le laver, le maquiller, le parfumer, le déguiser.” (pp.36-37)
La narratrice a quelques bons mots pour dire que ces situations extrêmement précaires et potentiellement mortelles ne sont pas naturelles mais sont le produit de nos sociétés. On peut toujours rétorquer qu'il y a “toujours” eu des sans-abri mais “Au Moyen ge (du Ve au XVe siècle), les vagabonds mendiants [étaient] intégrés dans la société pour des raisons théologiques et plus précisément grâce à la religion. Les pauvres dispos[aient] d'un véritable statut social : tandis qu'ils ach[etaient] leur salut par leur grande pauvreté, les riches l'obt[enaient] grâce à eux par la charité”. (https://lessdfblog.wordpress.com/les-sdf-du-moyen-age-a-aujourdhui/) Les choses ont bien changé dans un monde qui en est venu à consacrer le capitalisme et la propriété privée. “Si t'as pas 1.000 balles de caution et 500 de loyer chaque mois, tu dors dehors. (...) La maladie soignée par Médecins du Monde est celle de la propriété. Ils dorment dehors et chopent des ulcères, des gangrènes, des parasites, des maladies exotiques comme l'éléphantiasis, et des maladies locales comme le cancer.” (p.26) “Son urgence n'est devenue médicale que par ignorance de l'urgence sociale.” (p.65)
Si vous avez lu “Que notre joie demeure”, vous y ne pourrez pas ne pas y penser en lisant le passage sur le parking du futur (p.38) ou celui sur les tours DUO, propriété d'Ivanhoé Cambridge qui - comme son nom ne l'indique pas - est liée à un fonds de pension québécois (coucou Kévin encore). (“Thomas était là avant les travaux. (...) Les grues sont venues avec des camions malaxeurs de béton, il a été encerclé sans être chassé et c'est pire. lls ont fait comme si j'étais pas là.” p.143)
Un conseil, ou une “reco” comme ils disent entre eux : lancez la b.o. des Gardiens de la Galaxie 3 avant de tourner la première page…
Commenter  J’apprécie          10
Elodie Fiabane aussi s'intéresse aux marginaux, aux clodos, aux SDF, aux laissés pour compte. Dans la ville est son premier roman, écrit avec son coeur, ses tripes et son oeil de cinéaste.

Dans cette ville qui est la sienne, la narratrice a deux vies. le jour, elle est Maman et salariée. Et une nuit par semaine, elle revêt l'uniforme de l'Institution pour porter secours aux invisibles. Un café, une soupe, un sandwich. Un duvet, des vêtements, des affaires de toilette. du temps, même si ce ne sont que quelques minutes, car d'autres attendent… Un regard, un sourire, une main tendue. Une cigarette, même si le chef désapprouve. Quelques confessions, sur la vie d'avant, le désoeuvrement, le froid, l'alcool, la solitude.

La ville comme théâtre, où deux espaces cohabitent sans se voir ni presque se toucher. Dont certains acteurs ne deviennent visibles que si on les regarde, si on ose les approcher et deviner leurs besoins immédiats.

Car les nuits parisiennes, c'est aussi cela : non loin des palaces, des restaurants étoilés et des théâtres dorés, le souffle nauséabond mais tiède d'une grille de métro, le renfoncement d'une porte cochère, une tente de fortune sur chantier déserté, un banc en bord de Seine.

Dans la ville est en librairie depuis le 17 janvier 2024.
Commenter  J’apprécie          142
"Dans la ville", la narratrice est anonyme, habite à Paris et plusieurs fois par mois elle participe à des maraudes de l'Institution qui vient en aide a ceux qu'on ne voit pas, aux sans-abri. Des maraudes, ce sont des tournées durant la nuit, faites par des associations pour savoir comment vont ceux qui dorment dehors, pour leur apporter de la nourriture, des vêtements, des soins, des duvets, des affaires de première nécessité..

Aucune maraude ne ressemble à l'autre, chaque endroit et chaque personne à son propre parcours, ses propres peurs, ses propres questions, attentes, rêves, désirs, solutions.. Ce roman est comme une sorte de multitude de chroniques, comme un reportage, où les portraits se dévoilent : Tatiana, Frédéric, Désiré, Stella, Thomas.. des êtres uniques dans une ville qui ne s'arrête jamais, des vies bouleversées, des destins anéantis..

Elodie Fiabane arrive avec humour, simplicité, finesse et beauté à faire de ces sans-abris des portraits uniques, inoubliables et captivants. A la fois tendre mais totalement cruel, ce premier roman ne peut laisser indifférent, il nous laisse voir le monde qui nous entoure autrement.

Un premier roman d'actualité, engagé, qui donne un coup de projecteur à des vies oubliées mais bien présentes dans nos vies. Un roman-témoignage fort, puissant et sincère !
Commenter  J’apprécie          110
Beaucoup de tranches de vie des "personnes de la rue" comme je préfère les appeler. Avec ce roman, on pourrait les appeler "les exclus de la ville" : Élodie Fabiano réussit très bien à humaniser la ville, violente, agressive, clivante, qui finalement déshumanise ces pauvres. Je trouve ça très réussi et très engageant pour le lecteur qui se trouve du bon côté mais tout de même dans cette ville.
Je connais cet univers de la rue, l auteure présente ces hommes et ces quelques femmes sans pathos exagéré, sans mièvrerie, sans jugement.
Les réflexions sur les motivations des bénévoles, sur la vie entre bénévoles, sur l évolution du personnage du narrateur auraient pû être plus creusées : le roman s'apparente pour moi davantage à un écrit journalistique, à des courts témoignages de maraudes qu'à un roman.
En tout cas bravo pour ce premier roman !
Commenter  J’apprécie          21
Un livre fort sur un sujet on ne peut plus d'actualité. Dans ce livre, la narratrice nous amène rencontrer ceux que bien souvent on ne voit pas, ou qu'on ne veut pas voir. Ces hommes et ces femmes qui habitent dans un coin abrité du magasin de quartier, sur un banc, au fond d'un parking ou quelque part sur un trottoir.

Chaque soir, on la suit dans ses maraudes, toutes uniques et imprévisibles, pour découvrir le froid, la faim, le manque de sécurité ... Elle nous parle de la dureté de la rue, ce phénomène qui rend invisibles aujourd'hui des centaines de milliers de gens en France mais aussi du racisme, du sexisme de la rue. On découvre l'histoire d'hommes et de femmes bien différents, on se surprend des fois aussi à s'imaginer si un jour c'était nous. Ces personnes qui finalement tentent juste de vivre ou de survivre comme ils peuvent.

J'ai été bluffée d'être à ce point immergée dans l'expérience littéraire et en même temps, par la pudeur dont l'autrice fait preuve envers ces personnes. Comme s'il y avait un côté voyeur à en dévoiler un peu trop, pour ces personnes qui sont pourtant exposées à la vue de tous.

Ce livre m'a profondément touchée. Il est très court et on aurait envie de le continuer. Parce que de ce livre et de ces mots se dégagent une humanité puissante, une résilience, un courage ... et m'a fait ressentir un profond respect pour toutes ces bénévoles. Ce livre m'a donné envie d'en savoir plus aussi, de lire, me renseigner pour rendre visible ces invisibles et aussi de m'engager.

Pour moi, c'est une pépite que nous offre Flammarion pour cette rentrée d'hiver !

Commenter  J’apprécie          60

Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Parfois ils acceptent un café par politesse, comme on prend un gâteau sec en visite chez grand mère. Alors s'ils avaient envie de piquer, ça me rassurerait. Ça me plairait même. Ce serait une envie. Une tension qui traverserait leur corps. Je ne sais pas si je serais à la hauteur de cet élan de vie, si je saurais les aider. Mais je saurais le voir.
Commenter  J’apprécie          10
La rue a sa propre force agissante sur les humains, et la rue, à force, modèle les corps, modèle les tempéraments. Elle produit une indifférence à la société maltraitante. Leur corps a basculé dans autre chose. Une hibernation psychologique. Une autre perception du temps, de la lumière, du bruit. Ils ressentent moins pour se protéger de la violence qui leur est faite. (pp.66-67, Flammarion)
Commenter  J’apprécie          10
Il y a presque autant de femmes que d'hommes à la rue. (...) Ce sont les statistiques des accueils d'urgence et de l'Insee, 40 % de femmes, 60 % d'hommes. (...) Souvent, les femmes à la rue s'invisibilisent. (...) La nuit, elles cherchent des cachettes pour échapper aux agressions, souvent dans des parkings ou sous des escaliers. Et le jour, elles vont aux bains-douches, elles se pomponnent. Occulter sa condition sociale est un processus physique : c'est cacher son corps à la ville, le laver, le maquiller, le parfumer, le déguiser. Invisibles. Parmi nous. Quelle peur, quelle honte, quel péril faut-il porter en soi pour vouloir cacher aux autres son existence ? (pp.36-37, Flammarion)
Commenter  J’apprécie          00
Si tu as pas 1.000 balles de caution et 500 de loyer chaque mois, tu dors dehors. (...) La maladie soignée par Médecins du Monde est celle de la propriété. Ils dorment dehors et chopent des ulcères, des gangrènes, des parasites, des maladies exotiques comme l'éléphantiasis, et des maladies locales comme le cancer. (p.26, Flammarion)
Commenter  J’apprécie          00
C'est mon premier étonnement en maraude: les sans-domicile-fixe qu'on rencontre ont tous une adresse précise. Un coin de rue qu'ils habitent sans posséder. C'est leur adresse depuis des mois, parfois des années. Les sans-domicile-fixe sont fixes. (p.24, Flammarion)
Commenter  J’apprécie          00

Video de Élodie Fiabane (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Élodie Fiabane
DANS LA VILLE - ÉLODIE FIABANE
autres livres classés : sdfVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus

Lecteurs (108) Voir plus



Quiz Voir plus

Retrouvez le bon adjectif dans le titre - (2 - littérature francophone )

Françoise Sagan : "Le miroir ***"

brisé
fendu
égaré
perdu

20 questions
3681 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature , littérature française , littérature francophoneCréer un quiz sur ce livre

{* *}