De la religion en Amérique. Essai d'histoire politique

L' Amérique, à l'époque où écrit Voltaire, est un territoire lointain encore mal connu. Les récits des voyageurs -missionnaires, guerriers, aventuriers- intriguent et confirment l'ide que les colons, originaires du Vieux Continent, ne sont pas seulement des marchands ou des cultivateurs, mais aussi des innovateurs qui apportent avec eux des idées nouvelles, testées à grande échelle sur un territoire encore vierge. L' Amérique est perçue comme un laboratoire d'expérimentation politique, sociale et religieuse. Et c'est d'abord l'éclosion de nouvelles religions qui attire l'attention d'observateurs français à la recherche de grandes utopies transformatrices. Comme ces religions trouvent , pour la plupart, leur origine en Angleterre, ces observateurs comprennent cette vérité élémentaire : discuter des croyances américaines mérite un détour par la métropole anglaise, afin de mieux saisir le fonctionnement des sectes et des églises transplantées en Amérique du Nord par des colons porteurs de la foi chrétienne.

Chapitre premier. Un exotisme français

La notion même de nation américaine est une invention tardive, postérieure à l’élaboration d’institutions républicaines. Ces institutions furent imaginées par des élites politiques peu religieuses (sinon même irréligieuses) dont la seule préoccupation était de construire un avenir meilleur.

...l'avènement d'une société moderne était inséparable du progrès du commerce, intimement lié au développement des villages et au remplacement d'une aristocratie féodale, guerrière et licencieuse par une bourgeoisie urbaine, policée, austère dans sa morale, calculatrice et prudente avec son épargne.