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Bernard Noël (Éditeur scientifique)Gérard Mordillat (Éditeur scientifique)Jérôme Prieur (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080670175
484 pages
Flammarion (30/11/1993)
4.44/5   9 notes
Résumé :
Antoine Marie Joseph Artaud, dit Antonin, naît le 4 septembre 1896 à Marseille dans une famille aisée – son père possède une petite compagnie maritime ; sa mère, Euphrasie Nalpas, est originaire de Smyrne. Dans son enfance, Antoine (Nanaqui pour sa famille) grandit au contact des langues, le grec, le turc, l’italien. Il fait ses études chez les maristes de 1903 à 1913 et publie ses premiers textes dans une revue qu’il fonde avec des camarades au collège, en 1910. En... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je viens de lire les deux livres les plus chargés d'amour que j'ai jamais lus : celui de Paule Thévenin, "Antonin Artaud, ce désespéré qui vous parle" et celui-ci : "En compagnie d'Antonin Artaud" de Jacques Prével.

Les deux servirent de "secrétaires" improvisés à Artaud, qui dictait le plus souvent ses textes en les scandant, en les hurlant, en les martelant (au sens propre, avec un couteau ou un marteau sur une table ou une grosse souche).

Il en était déjà arrivé à la toute fin de sa vie lorsqu'ils le rencontrèrent en août 1946 à sa sortie de l'hôpital psychiatrique de Rodez ; mais ses textes importants dont son "Van Gogh, le suicidé de la société", n'étaient pas encore écrits.

Jacques Prével, poète pauvre, affamé, tuberculeux, en soif de reconnaissance et d'amitié, reconnut en lui l'Ami qu'il cherchait et enfin il ne fut plus seul.

"En compagnie d'Antonin Artaud" est un hommage à l'homme dont il partagea les déambulations dans Paris, les délires créatifs, les propos sur la poésie, mais aussi les demandes incessantes de laudanum car Artaud souffrait déjà cruellement de la maladie qui allait l'emporter un an et demi plus tard, en mars 1948.

Artaud a servi de passeur en poésie à Prével, il l'a reconnu comme partageant la même douleur, la même soif, le même rêve, le même monde, la même inspiration.

Artaud l'a révélé, et cela ne s'oublie pas.

Artaud, interné neuf ans de sa vie et de caractère rugueux, déglingué par des séries d'électrochocs auxquels il est stupéfiant qu'il ait survécu, était aimé absolument comme peu de poètes le furent. Aimé et craint, un peu, beaucoup, car il en imposait ; mais aimé sans réserve par un entourage partagé entre admiration et désir de protection envers ce génial inadapté, au point d'organiser sa sortie de l'asile de Rodez en offrant sur leurs biens et leur disponibilité, les garanties exigées des psychiatres. Parmi eux André Breton, Arthur Adamov, Jean Dubuffet...

Cet homme-là attirait les affections indéfectibles et loyales de la plupart de ceux qui entraient réellement en contact avec lui : d'écrivains, d'artistes, de poètes, d'éditeurs, de médecins, de "garçons de café", jusqu'à son coiffeur d'Ivry et sa blanchisseuse. Sa présence hypnotisait les hommes, fascinait les femmes : sa vie était une "performance" artistique faite de cabotinage et de souffrance, de sincérité et de délire, un miroir tendu à chacun.

Dans leur beau livre "Artaud et l'asile", Laurent Danchin et André Roumieux nous disent : "Saltimbanque exalté à la recherche incessante de la Vérité, Antonin Artaud va progressivement devenir personnage de théâtre à temps complet, fasciné par la tragédie vécue et par l'incandescent sortilège de la représentation, par l'au-delà du représentatif. Il devient théâtre, théâtre de sa propre vie, dans laquelle, de plus en plus enfermé, il incarne douloureusement son personnage fait de poésie, de déraison, de révolte et de provocation."

Jacques Prével était de ces très proches. Son amitié pour Artaud était magnétique, vitale, le souffle d'Artaud l'emportait...

... l'habitait, l'habita jusqu'à sa mort, c'est-à-dire pas très longtemps car il ne lui survécut que trois petites années : mais il ne douta plus dès lors de sa vocation de poète.

Je n'ai jamais lu un hymne d'amitié aussi puissant d'un homme à un autre homme : pas de rivalité possible, pas de petitesse, pas de rancoeur mesquine après les inévitables engueulades lorsque Prével, épuisé par ses courses incessantes dans Paris pour le soulager de ses souffrances, lui suggérait de se désintoxiquer. La fidélité par delà la mort de Prével à son ami, à son maître m'en a fait venir les larmes aux yeux : il lui doit tout et il le dit.

L'âme du poète produit parfois de bien belles flammes quand elle rencontre l'âme d'un autre poète au revers de ce monde.
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Parmi toutes les formes de littérature, la poésie a toujours été le mode d'expression des damnés. C'était vrai au XIXème siècle, même si le lectorat et les cercles permettait aux plus talentueux de garder la tête hors de l'eau et de survivre de leur art, et encore plus vrai dans les années 1950. Ne parlons même pas d'aujourd'hui où la masse vulgaire, cramponnée à une télécommande de téléviseur ou à une manette de jeux vidéo ne sait même plus écrire correctement son prénom et ignore totalement l'usage d'un point-virgule.
Jacques Prevel a navigué entre deux eaux et, son recueil de poème la plus connu des trois dont il fut l'auteur, "De Colère et de haine", n'est pas son travail ayant marqué le plus les esprits. En effet, plus qu'écrivain, Jacques Prevel a surtout été connu pour avoir été l'ami proche d'Antonin Artaud. Et c'est d'ailleurs le journal qu'il a tenu de cette période de sa vie, qui est devenu un livre, "En compagnie d'Antonin Artaud", qui marquera les mémoires et le feront entrer dans la postérité. Mais, il faut bien l'admettre, cet ouvrage a surtout valeur de pièce biographique d'Antonin Artaud que de réel travail littéraire.
On peut dire aujourd'hui qu'en matière littéraire, l'élève est resté piégé dans l'ombre de son maître.
L'histoire, en elle-même, est assez sombre dans ses dessous. Lorsqu'Antonin Artaud est sorti de l'asile d'aliéné de Rodez, grâce au concours d'une communauté d'écrivains et d'artistes, Prevel demande à Marthe Robert de le présenter. En effet, Prevel avait entretenu une correspondance avec Artaud alors que ce dernier était encore sous contrainte médicale et lui avait envoyé quelques-uns de ses poèmes, et il espérait que l'une des lettres élogieuse du grand poète maudit puisse servir de préface à l'un de ses recueils. Cela ne se fit jamais. Mais en revanche, les deux hommes devinrent amis et, d'une certaine manière, complices. Artaud se servait de Prevel pour que ce dernier lui procure du Laudanum, une teinture alcoolique d'opium dont il était fortement dépendant. A défaut, il parvenait à le fournir en élixir parégorique qui parvenait à pallier, mais à plus forte dose, le poison de prédilection du poète.
Marthe Robert et Adamov, ayant remarqué le manège, tentèrent d'interdire Prevel d'entrer en contact avec Artaud. Mais malgré ça, les deux hommes sont toujours restés en contact, leur relation tournant toujours autour de la poésie et des opiacés, et pas forcément dans cet ordre. Naviguant entre chez sa femme et chez sa maîtresse, toujours flanqué d'Artaud, Jacques Prevel passait des heures à retranscrire des improvisations poétique de son maître, pouvant survenir n'importe quand et n'importe où, obligeant même parfois Prevel à mettre sur papier après coup, de mémoire, certains des plus beaux mots du poète.
Mort à 36 ans, d'épuisement moral et de la tuberculose, peu de temps après le décès d'Artaud, Prevel a quitté ce monde cinq ans jour pour jour après sa rencontre avec celui qui aura été son mentor et pour qui il aura joué le rôle de scribe dans les dernières années de sa vie.

Ghislain GILBERTI
"Le Cabaret du Néant"
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
J'ai souffert autant qu'on peut souffrir au monde
Mais j'ai connu la joie atroce de rêver
J'ai connu la douleur d'effacer son visage
Au feu de ma raison
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Tout cela est nébuleux, mal noté. Mais j'ai vécu une vie terrible à cette époque. Est-ce que je pouvais faire autrement ? Je suis surtout peiné de voir combien j'ai noté peu de choses sur Antonin Artaud.
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Et la peur est venue
De mon exil et de ce vide autour de moi
Du son de mes paroles qui n’atteignait personne
Et de mon amitié incomprise et laissée.
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