J'avais lu et aimé "
Celle qui a tous les dons", puis lu et encore plus aimé "
La part du monstre". Ces lectures m'avaient permis d'apprécier le talent de
Mike Carey pour poser des ambiance, et se fondre dans la peau de personnages atypiques. J'ai donc voulu découvrir l'auteur dans un autre contexte avec "
Fellside", et force est de constater que je pourrais en citer les mêmes qualités.
"
Fellside" est le nom de la prison haute-sécurité où sera (assez rapidement) incarcérée Jess, condamnée pour meurtre après un incendie qu'elle aurait vraisemblablement allumé, et qui a couté la vie au petit garçon de l'étage du dessus. Précisons tout de même que Jess est aussi une toxico accro à l'héroïne, et son dernier trip ne lui a laissé aucun souvenir - en revanche, son visage brulé et défiguré semble être une preuve suffisante. Tout comme le témoignage accablant de son ex. Jess est une femme fragile, sensible, et elle accepte sans broncher le verdict, et se noie dans la culpabilité, au point de vouloir mourir de la seule façon dont elle a encore la liberté de le faire : en se laissant mourir de faim.
Dès le départ, j'ai apprécié ce parti pris très audacieux : suivre une (éventuelle) tueuse d'enfants, suivre la meurtrière. Dès que ça touche aux enfants, la plupart des gens réagissent avec émotions (et rarement avec raison), et on sait également les traitements réservés à ces détenus en prison - ce qui est particulièrement discutable, tant entre coupables, on peut se demander quel est l'intérêt de chercher celui qui l'est plus que les autres ; j'ai d'ailleurs le sentiment, à la lecture du roman, que l'auteur partage cet avis. On y voit donc les réactions épidermiques des détenues, mais aussi du public (qui n'a comme infos que les articles pas très objectifs de la presse), et aussi, bien plus grave, du personnel de la prison.
L'ambiance est très noire dès le début : les souvenirs épars de Jess, sa toxicomanie, son visage brulé, son enfance brutal, puis sa tentative de s'en sortir, pour finalement sombrer dans la drogue. Sa culpabilité dévorante, sa volonté de mourir de la pire des façons.
La découverte, par la suite, de la prison de
Fellside, n'est pas une plus grande promenade de santé : on y découvre rapidement un établissement gangrené par les trafics et la corruption.
On suit différents personnages, du surveillant en chef violent et tyrannique (et corrompu jusqu'à la moelle) aux détenues, le médecin lâche et brisé après différents drames, l'infirmière aux réactions on ne peut plus discutables, la "big boss" du batiment, le directeur complètement perché qui administre la prison comme si c'était une start-up (et petite critique de la privatisation, au passage), quelques surveillantes, l'avocat et son "apprenti", les détenues à l'esprit brisé...
Mike Carey se glisse avec brio dans la tête de chacun pour nous dépeindre un microcosme effrayant de réalisme. Soit l'auteur a travaillé en prison, soit il s'est extrêmement bien documenté, et j'ai apprécié un roman éloigné des fantasmes que l'on retrouve parfois dans les oeuvres qui parlent de détention. C'est d'ailleurs pour cela que le rapprochement avec "Orange is the new black", cité sur la quatrième de couv', me parait un peu excessif - je réalise à quel point la série était gentille et drôle, à côté de ce roman glaçant.
Bien sûr, à cela s'ajoute l'élément surnaturel, cette voix d'enfant qui vient parler à Jess...
Quelle claque ! L'évolution de l'histoire est complètement imprévisible, et si on se doute rapidement qu'il y a anguille sous roche, de multiples intrigues nous baladent tout du long, jusqu'au final pour le moins explosif, d'où peu (pas ?) de personnages ressortent indemnes. On en prend plein la tête sur les dernières pages, jusqu'à la conclusion, bouleversante.
Je renouvelle donc mon éloge de
Mike Carey, auteur à découvrir et à suivre, dont le talent à poser des ambiances et à dépeindre la psychologie humaine est admirable.