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EAN : 9782362240553
137 pages
Atelier In8 (03/03/2015)
3.94/5   9 notes
Résumé :
Dans ce recueil de sept nouvelles, Jacques Abeille nous emmène dans les mondes imaginaires avec la puissance évocatrice qui caractérise ses fresques romanesques. Un insomniaque devient navigateur au long cours et aborde des îles oubliées, tandis qu'un écrivain est projeté dans un hors-temps suite à la résurgence d'une femme qu'il a aimée voilà longtemps.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
ET À LA FIN, L'ÉCRITURE.

Jacques Abeille est ce que l'on peut appeler un écrivain rare. Rare, d'abord parce qu'on fait le tour de sa bibliographie, échelonnée sur plus d'une trentaine d'année, assez rapidement (d'autant plus que nombre de ses ouvrages sont épuisés). Rare, parce que ses livres tout autant que sa plume, sa marque de fabrique dirions-nous, sont reconnaissables entre mille. Rare enfin parce qu'avec un nombre restreint mais fidèle de lecteurs, l'homme ne court ni les grands médias ni les magazines et ses oeuvres en disent assez peu de ce qu'il est.

Les sept nouvelles rassemblées ici par les éditions béarnaises in8 font en quelque sorte exception à la règle. Parues pour la plupart vers la fin des années quatre-vingt, elles ont pour thématiques communes la lecture, l'écriture et la place de l'écrivain face à lui-même et face au monde.
Mais Jacques Abeille ne serait pas l'auteur du fabuleux et inclassable roman "Les jardins statuaires" s'il n'avait abordé ces thèmes sous l'angle de ce fantastique si personnel et par le biais de mondes imaginaires qui, sous sa plume, prennent étrangement vie.

Ainsi, cet «homme qui devint sans le vouloir navigateur en chambre" de la nouvelle introductive et qui nous embarque nuitamment, au sens littéral, vers ces îles imaginaires où il va croiser Robinson Crusoé, Barbe-noire, courir après Marie Morgan sans la rattraper ; plus loin, il va s'effrayer d'îles maudites où les hommes sont des animaux et des animaux des hommes, comme s'il avait rejoint L'Île du docteur Moreau, fameuse et monstrueuse ; il va enfin croiser un enfant - son origine bibliophilique lui demeure inconnue - dont on comprend peu à peu qu'il est son ancien lui-même mais dont la disparition fera stopper cette fantasmatique navigation pour finir par se transformer en écrivain «tout bêtement»...

La très brève nouvelle suivante, dédiée à Bernard Noël, est bien plus autobiographique, dans laquelle il s'essaie, sans être bien certain d'y parvenir, à définir ce qu'il est entre l'auteur, le narrateur ou le pornographe (n'oublions pas que Jacques Abeille écrit, sous le pseudonyme de Leo Barthes, des récits érotiques).

Quant aux quatre suivantes, intitulées l'une après l'autre «Mon dernier récit» (I, II, III et IV), elles font intervenir à plein cet imaginaire riche, complexe et subtil qui sont la marque de l'auteur. le temps s'y étire sur d'autre modes que le notre, l'espace se diffracte, les lieux y perdent leurs portes, les êtres n'y sont pas exactement ceux que l'on croyait qu'ils sont et même eux semblent un instant s'être perdus, dans leur mémoire, dans leurs rêves, dans leur avenir.

Ici, c'est un homme qui réinvestit sa véritable et extra-terrestre identité après avoir retrouvé la jeune femme de ses amours adolescentes, là, c'est un professeur de dessin, blasé et proche de la retraite, qui va s'échapper au temps - celui de sa condamnation à mort pour insubordination dans un pays devenu dictature -, plus loin, c'est un écrivain reconnu dont le destin va se trouver transformé, régénéré, par la rencontre et les discours enflammés d'un jeune photographe. Enfin, c'est un autre prosateur accusé de plagiat - tandis que la chose est fausse, de bonne foi - mais dont l'accusation va lui faire percevoir des abîmes de perplexité et la vacuité de sa destinée d'auteur.

L'ultime, «Outre-mémoire», est une terrible et poétique évocation d'une vie, en son crépuscule, passée en compagnie des livres.

Petits diamants bruts lâchés à travers l'inépuisable forêt des livres, des oeuvres, des bouquins, des elzévirs, des encyclopédies, des fascicules, etc, ces sept nouvelles - bien trop brèves, avouons-le - sont autant de moments précieux hors du temps et hors de notre univers (in)sensible. Elle laisseront peut-être au lecteur infatigable un goût de trop peu ainsi qu'une certaine nostalgie d'espaces trop restreints qu'on eût aimé voir grandir, se développer, prendre un envol plus ample. On achève ces petits voyages tel un Gulliver moderne et intranquille mais avec la satisfaction du lecteur comblé.
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On trouvera deux thèmes dans ce petit recueil de nouvelles au fantastique discret mais prenant : le Livre (celui du lecteur ou celui de l'écrivain, les deux fonctions n'étant pas toujours séparées) et la Fin. Fin de carrière, comme le titre le signale, derniers mots, textes, oeuvres d'un artiste qui arrive à la vieillesse, à la mort ou au silence. Si le thème du Livre rappelle inévitablement Borges, l'auteur le traite différemment et sait poser sa voix malgré ce grand ancien, ce grand modèle. Quant à la Fin, même quand elle prend les traits de la vieillesse ou de la mort, elle n'a jamais rien de sinistre. Elle semble être un ressort narratif qui accentue l'urgence de vivre et de créer.
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Recueil de sept nouvelles se situant dans ces mondes imaginaires dont l'auteur est coutumier. L'écriture est un vrai régal !
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Sa femme s'inquiéta de lui voir certains jours un air de si profonde hébétude et il la mit au fait de ses voyages. Elle souffrit un peu en apprenant que certaines nuit il s'éloignait tant des siens, mais elle savait qu'il n'y avait pas d'amour qui ne soit mêlé d'une pointe d'amertume et jugea avec sagesse que cette étrangeté n'était pas le pire défaut qu'on pût trouver chez un homme.
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(Pensées d'un condamné à mort)
A la vérité, sur le moment, je ne regrettai ni cette terre opulente ou marâtre, ni ce ciel tendre et lointain, ni aucun des dons de la nature non plus qu'aucun des fruits de l'ingéniosité humaine. Je n'eus pas une pensée pour ce que j'avais tenu dès toujours pour le plus affolant miracle ; qu'il y eût si vivantes par les rues et en tout lieu des femmes et qu'on pût les approcher ; ni pour ce redoublement de raison d'être que sont en moi les livres. Ceux qui se sont inscrits en moi comme ceux qu'il me restait à découvrir, qui déjà irradiaient de la joie et, comme tous les beaux yeux dont je ne connaîtrai pas le mystère, allaient se fermer pour jamais. Et moi, frappé, je n'avais souci que de mes viscères.

p. 82
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Si j'ai pu d'une seule vision déduire comme en dévidant un rêve un assez long roman, ce fut pour ne plus dépendre de ce que je m'efforçais de dépeindre.

p 32
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Mais il [l'enfant] dormait. Le navigateur se pencha vers lui et murmura doucement :
«De nous deux, petit garçon, lequel est le plus solitaire ? Il me semble que tu pourrais bien un jour m'abandonner. Tu quitterais cette île sans te retourner. Tu te souviendrais de la barque que tu as brûlée et tu en construirais une toute semblable et tu prendrais la mer, car tu aurais découvert et admis que tu grandis. Cela arrive à tous les petits garçons de devenir des grandes personnes. En ce moment, tu m'as déjà oublié ; tu m'ignores si bien que je ne sais lequel de nous deux est en train de quitter l'autre.»
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On n'écrit ni pour la gloire - qu'on nommerait mieux notoriété ; la gloire étant à proprement parler et dans le meilleur des cas une sensation intime et, telle, intraduisible ... - ni pour l'argent - hypothèse risible -, ni même pour célébrer des affections qui, fortes et actuelles même dans la nostalgie, se passent de ces remous, de ces "bouillons", et que précisément le livre répudie dans son exigence d'être. On n'écrit que pour le livre, dans la fascination d'une gestation intolérable.
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Videos de Jacques Abeille (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Jacques Abeille
Maison de la poésie (10 nov 2017) - Texte et Lecture de Jean-Philippe Domecq, extrait du Dictionnaire des mots en trop (dirigé par Belinda Cannone et Christian Doumet, éd. Thierry Marchaisse, parution novembre 2017).
Le Dictionnaire des mots en trop :
Comment ? s?entend-on déjà reprocher, des mots en trop ? Mais les mots, on en manquerait plutôt.
Et pourtant. Ame, artiste, coach, communauté? ils sont légion ceux qui éveillent notre résistance intime à tout ce qu?ils charrient d?affects, d?idéologie, de pseudo-concepts ? notre résistance mais pas celle du voisin ! ? Quarante-quatre écrivains explorent ici les raisons pour lesquelles ils renâclent devant certains mots, et leurs réflexions critiques témoignent autant d?un état de la langue que des poétiques et des enjeux de notre temps.
Une expérience littéraire qui vient compléter, en l?inversant, celle du Dictionnaire des mots manquants.
Auteurs : Malek Abbou, Jacques Abeille, Mohamed Aïssaoui, Jacques Ancet, Marie-Louise Audiberti, Michèle Audin, Olivier Barbarant, Marcel Bénabou, Jean Blot, Jean-Claude Bologne, François Bordes, Lucile Bordes, Mathieu Brosseau, Belinda Cannone, Béatrice Commengé, Thibault Ulysse Comte, Seyhmus Dagtekin, Louis-Philippe Dalembert, Remi David, Erwan Desplanques, Jean-Philippe Domecq, Christian Doumet, Renaud Ego, Eric Faye, Caryl Férey, Michaël Ferrier, Philippe Garnier, Simonetta Greggio, Cécile Guilbert, Hubert Haddad, Isabelle Jarry, Cécile Ladjali, , Marie-Hélène Lafon, Sylvie Lainé, Frank Lanot, Fabrice Lardreau, Mathieu Larnaudie, Linda Lê, Guy le Gaufey, Jérôme Meizoz, Christine Montalbetti, Christophe Pradeau, Marlène Soreda, Abdourahman A. Waberi.
http://www.editions-marchaisse.fr/catalogue-dictionnaire-des-mots-en-trop
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