La gaufre, cette succulente merveille pâtissière à la géométrie dorée de bronze, suggère à
Jacques Darras des pages où
poésie et espièglerie s'enveloppent mutuellement comme le moelleux épouse le croustillant lorsque l'on croque dans
cette pâtisserie qui enferme toutes les convoitises de l'enfance.
La recette, recréée par l'auteur au fil des chapitres et d'un voyage picaresque et pictural qui nous conduit de la Picardie
aux Flandres, du Nord à Vienne et de la cuisine familiale aux cafés réputés ou secrets, nécessite un choix d'ingrédients
culinaires et littéraires que le poète parvient à intimement mêler dans une pâte aérienne, blonde comme bière
"instruite, conversationnelle, sociale", parfumée de malicieuse érudition et d'appétissantes anecdotes.
Il faut ensuite laisser reposer afin que chaque mot, chaque phrase, chaque évocation se dilate, s'arrondisse en terril
ensoleillé et remplisse l'âme de charmantes rêveries et de la beauté des "petites choses" si délicieusement figurées par
l'écriture de
Jacques Darras.
Puis vient le moment où la pâte est prête, où il la faut mettre dans le moule, ce gaufrier qui se referme comme un livre. Vient le moment de la dernière déambulation et l'on ressent déjà le regret de ne pouvoir la poursuivre encore en si jolie compagnie, mais le regret est cependant tempéré par l'attente de la dégustation finale, du jeu de la mémoire et du bonheur des relectures. Car gaufre et littérature, si les deux se dévorent mêmement, ont ceci de différent que la première ne peut être mangée qu'une seule fois.
Au terme de ses vagabondages, la gaufre s'étale et s'installe entre les couvertures du livre de
Jacques Darras. C'est ici que je la préfère, tant elle réjouit en moi la petite fille et la lectrice, gourmande de cette gaufre qui continue de vagabonder dans ma mémoire.