J'ai moyennement apprécié ce témoignage sous forme de récit de voyage, qui a les défauts de ses qualités : la sincérité est de mise, le récit d'un changement de vie complet est presque exemplaire, en ce sens où l'auteure appelle à devenir qui on est, à tout remettre en question et à suivre son instinct. Bref : changer de vie du tout au tout, rompre avec la monotonie d'une existence rangée où elle ne se reconnaît plus.
Il est vrai que le malaise que traverse cette jeune femme à la mort de son père est tangible, du reste son histoire est douloureuse : père alcoolique, défection de la mère, partie vivre à l'autre bout de la France ;
Linda Bortoletto s'est donc plongée corps et âme dans le travail, et dans une quête éperdue de reconnaissance sociale. C'était sans doute trop. L'impossibilité de faire le deuil de son père l'a placée dans une impasse, il lui fallait tout casser ou mourir à petit feu... On peut comprendre.
L'ennui, c'est qu'elle ne se contente pas de démissionner : elle plante son mari sur place sans autre explication que "je n'en peux plus", et vit un purgatoire à Montmartre, où elle fait la bringue, se livre à des aventures sexuelles incontrôlées, sombre carrément dans l'alcool. Il était donc plus que temps qu'elle parte !
Une fois au Kamtchatka, ça s'arrange : l'expérience la recentre, l'écriture de cette aventure gagne en profondeur et en sensibilité, même si un rien de complaisance parcourt encore les pages. Elle aurait vraiment gagné à élaguer toute cette imagerie "moi qui suis différente et qui n'ai peur de rien", c'est assez irritant, un peu comme de lire des selfies devant un crépuscule lointain. Pourtant, le personnage jusqu'alors égocentrique s'intéresse aux autres, accueille ces traditions de sagesse intrinsèquement liées à la communion avec la nature. Ces pages sont intéressantes, agréables à lire, et recèlent plus d'une belle description, mais le récit manque selon moi de fond, de profondeur.
L'auteure enchaîne sur le récit de sa traversée de l'Alaska à vélo, sous la neige, ainsi que d'une expérience ratée pour aller à la rencontre du peuple aléoute sur une île ; c'est un peu brouillon, mais le lien n'est pas inexistant.
On ne peut qu'admirer sa persévérance, son courage, et j'avoue qu'elle a tout de même gagné ma sympathie. Je dirais que cette lecture est plaisante, mais il ne faut pas en attendre grand-chose, sinon peut-être l'envie de marcher sur son propre chemin, et un certain regret d'avoir une vie seulement normale !