Si le titre n'était pas assez explicite, le sous-titre figurant sur la jaquette l'est clairement : "Comment en est-on arrivé là ? ".
Certes,
l'abdication n'est pas de la grande littérature. Mais ce genre d'ouvrage a un grand mérite : celui de dévoiler les coulisses de la pièce de théâtre qu'est souvent devenue la politique, et dont les citoyens ne voient habituellement que la scène. Dans
l'abdication,
Aquilino Morelle, conseiller du Président Hollande, nous livre en effet une chronique des vingt-trois mois qu'il a passés à l'Élysée, dans le bureau voisin de celui de François Hollande. L'ouvrage, qui est paru en janvier 2017, un mois après l'annonce par François Hollande de sa non-candidature à un second mandat, le 1er décembre 2016, sent l'amertume et la rancoeur à son encontre : en clair, il s'agit d'un règlement de comptes. Une sorte de version masculine de
Merci pour ce moment de
Valérie Trierweiler.
Mais il offre aussi un éclairage intéressant sur la vie politique française et sur l'évolution récente de la gauche, notamment sa rupture progressive avec le peuple, qu'il explique par le poids décroissant des ouvriers dans la population active, et sa position à l'égard de la mondialisation. Il dresse par ailleurs le portrait de plusieurs personnages de premier plan. Flatteur, pour
Emmanuel Macron, qui n'est encore que Secrétaire général adjoint de l'Élysée, ou pour
Manuel Valls, qui n'est pas encore
Premier Ministre. Acides pour
Jean-Marc Ayrault et surtout pour
François Hollande lui-même. A cet effet,
Aquilino Morelle cite
Abraham Lincoln : "Presque tous les hommes peuvent endurer l'adversité ; mais si vous voulez éprouver le caractère d'un homme, donnez-lui le pouvoir" (page 115). Et il conclut : "Un pouvoir dont il ne savait que faire, qui le mettait dans l'embarras, dont il était encombré et qui le plongeait dans la perplexité." (page 287). D'où une attitude ambivalente, qu'il illustre avec une autre citation d'
Abraham Lincoln : "On peut tromper tout le monde une partie du temps, et une partie du monde tout le temps, mais on ne peut pas tromper tout le monde tout le temps" (page 59).
Quelques événements jalonnent la dégradation des relations entre les deux hommes : le discours du Bourget, la promesse non tenue au sujet des hauts-fourneaux de Florange, l'affaire Leonarda qui révèle au grand jour le caractère inopérant du tandem Hollande / Ayrault, l'affaire
Julie Gayet (cf. Closer du 10 janvier 2014), l'affaire Cahuzac, le projet de mariage pour tous et le retrait de l'objection de conscience pourtant annoncée au Congrès des Maires de France, etc.
A l'heure où cette critique est écrite, on connaît tous la fin de l'histoire : elle n'a pas tourné en faveur de François Hollande. Comme disait
Le Cardinal de Retz, on ne sort de l'ambiguïté qu'à son détriment.