Pour la première fois, je sors un tantinet insatisfait de ma lecture d'un bouquin de
Francisco Coloane. Pourtant, je croyais que c'était gagné à l'avance. C'est un auteur que j'apprécie énormément, dont j'ai aimé, adoré quelques recueils de nouvelles. Et je suis toujours disposé à lire les histoires de vieux loups de mer. Je m'attendais à la même chose cette fois-ci, avec
le golfe des peines. Eh bien, non. Est-ce que le problème vient de moi ? J'en ai trop lu ? L'effet de nouveauté et de dépaysement s'est dissipé ? Ou bien du recueil lui-même ? L'auteur n'arrivait plus à ce réinventer ? Peut-être un peu des deux. Les nouvelles qui composent
le golfe des peines se déroulent encore et toujours dans le sud du Chili, quelque part entre les Andes et les îlots et les récifs déchiquetés des mers australes. Terre de feu.
Cap Horn. Détroit de Magellan. Ces noms évocateurs continuent à me hanter, à m'interpeler. Mais les histoires qui s'y déroulent commencent à se ressembler. Toujours ces hommes solitaires, en quête d'aventure ou simplement d'un gagne-pain, quelques orphelins, forçats et Indiens complètent ce tableau. Ces individus sont de passage, recherchent un trésor, s'occupent d'un troupeau de moutons, pratiquent le cabotage, chassent la baleine, survivent, etc. C'est du déjà vu, pour l'essentiel. Il y a bien quelques nouveautés, comme un vaisseau fantôme (apparemment), l'apparition du feu de Saint-Elme, un procès, etc. Évidemment, si un lecteur aborde l'oeuvre de Coloane par ce receuil-ci, il aimera, probablement. D'autant plus que la plume de l'auteur est toujours aussi belle, évocatrice. Ses mots sont simples mais beaux, précis et économes, permettant de visualiser clairement les lieux, les personnages, l'atmosphère qui s'en dégage. Il faut dire que, dans ces contrées, les éléments déchainés « Malmené par une ofrte houle, notre bateau se couchait tel un animal blessé à la recherche d'un passage à travers l'horizon obstrué de sombres échines mouvantes. » (p. 35) Les Andes deviennent en hautes murailles aux pics qui chutent abruptement, se transformant en falaises noires emprisonnant les navires, les vents déferlent avec acharnement, le brouillard ne peut être que menaçant et trompeur. Mêmes les tempêtes sont… tempestales ? Mais tout n'est pas que cataclysme. La nature peut se montrer violente, elle sait aussi se parer de magnifiques couleurs et se paraître enchanteresse, divine. « Cet après-midi-là, alors que le soleil rougeoyait comme l'oeil d'un dieu primitif, le capitaine et quatre rameurs exploraient les rochers autour de Punta Sobaco ». (p. 10)
Francisco Coloane n'a pas son pareil pour décrire, raconter son univers rude, cruel et riche à la fois.
le golfe des peines ne m'a pas plu autant que je l'aurais espéré mais il ne m'a pas du tout découragé de continuer à lire son auteur remarquable.