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EAN : 9782336425948
273 pages
L'Harmattan, Rue des Écoles/Littérature (15/01/2024)
4.33/5   3 notes
Résumé :
1972. Paul, un jeune Parisien débarque à l’IUT de Bourges, sa passion du rock en bandoulière et des projets plein la tête.
Les étudiants accueillent avec scepticisme ce garçon qui réfute les codes du bonheur tarifé à 1 500 balles par mois que le diplôme va leur offrir.
Pour l’heure, ils jouissent sans retenue de la liberté de la nouvelle résidence universitaire, « un internat mixte sans surveillants ».
Seuls Pierre, Danny et Ludovic partagent... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
J'en ai pris plein les mirettes et surtout plein mes oreilles, car j'ai lu en écoutant simultanément la playlist (70 références dit la quatrième de couverture).

Je ne sais pas si Denis me donnera tort ou raison, mais son livre me fait penser à la chanson de Jacques Dutronc, Entrez m'sieur dans l'humanité, sur des paroles géniales de Linda Lê.

Que de « passages stabilobossés » dans mon exemplaire de ce roman qui se veut un « travail de mémoire », mais qui n'est ni plus ni moins un livre au rythme endiablé, un récit fictif, mais si réaliste de cette « putain de vie qui te retient dans ses filets » (p. 159, The Rolling Stones), avec comme fil rouge « les 1 500 francs par mois » (de salaire) et l'année 1972 comme cadre temporel !

« Dans cette chambre de 9 mètres carrés pleine de fumée et de musique, il sont loin des projets de Pompidou, des angoisses parentales et si le narrateur venait à les interroger sur leur futur poste et son salaire à 1 500 francs, ils lui riraient au nez » (p. 121)

Dans sa dédicace, Denis évoque une « image fantasmée de la France des années 1970 dans une province magnifiée par la musique rock déclencheur des rêves d'adolescents attardés », et j'ai pris énormément de plaisir à lire un livre aux aspects sociologiques criant de réalisme, aussi bien dans la description de ce centre de la France (Bourges et sa région), mais dans la psychologie fine de personnages (assez multiples) vite, mais si bien croqués.

Il y a au centre du récit le narrateur Jules Lopez (fils de Danny) qui décède début août 2022 et qui grâce au journaliste de « La République du Centre », à Maxime Tamarin, à la « haute technologie » et à sa fille aussi, part à la recherche du passé rock de son père, ancien de la bande de Paul Primal, comprenant aussi les dénommés Ludovic Simon, et Pierre Desormeaux (conteur hors pair). Très jolie et malicieuse, mise en abîme page 53, quand Denis établit le lien avec ces amis et son propre roman « Hors de portée, le Musicien Silencieux », que j'ai d'ailleurs décidé de lire dans la foulée.

Le sarcasme de l'auteur est à la fois évident et subtilement instillé, avec ce leitmotiv de « l'IUT façon Pompidou » ; « deux ans d'études et boulot à 1 500 balles par moi. Basta ! » Mais vont-ils tous y arriver ? Je n'en dirai pas plus si ce n'est qu'une fois commencé, je n'ai plus posé le livre, autrement que pour me sustenter et assouvir d'autres besoins urgentissimes.

« Le tandem études courtes/boulot avait le vent en poupe sous Pompidou. […] tout ça pour des clopinettes et des tours de reins. Drôle d'époque. » (p. 56). « Selon la volonté pompidolienne, un avenir inodore et sans saveur les attend. Un poste de cadre moyen à 1 500 francs par mois. »

Autour de cette année particulière 1972 la question est « faut-il écouter du rock » ? de « All Right Now » des Free (« Tube planétaire ! L'essence du rock, sa substantifique moelle ! », p. 58), en passant par la « désespérance » de mon idole Leonard Cohen, la boucle semble se boucler avec Bob Dylan, et son symbole de Pâques.

Si déjà j'ai « stabilobossé », encore quelques citations pour la route et surtout pour vous convaincre de laisser le rock vous poursuivre « aux trousses » :

Amour : « Leurs corps se comprenaient et c'était déjà beaucoup » (p. 60)

Kent (bakchich omniprésent en Roumanie sous le communisme) : « […] cartouches de Kent qui accompagnaient les armes et les munitions dans les containers parachutés par Londres » (p. 63)

Musique : « Le rock c'est 10 % de technique et 90 % d'énergie ! » (p. 78).

Dans les 10 % de technique d'écriture exquise de Denis il faut rappeler d'autres petits fils brodés dans cette fresque : le bus « modèle U 23 utilisé par la compagnie des Transports Citroën entre 1935 et 1969 » (p. 21), les cerisiers (« sauvages ») de cette époque où « le temps n'était pas au repli sur soi » et où le printemps existe encore, avec cet « air [qui] est à la fête, les hormones chahutent les étudiants comme de jeunes abeilles enivrées par leur premier butinage de pistils. » (p. 159) et d'où les paradoxes (éternels balanciers de la pensée) ne manquent pas.



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J'ai rencontré l'auteur que je devais interviewer pour le fameux Fanzine Suisse
« Tant qu'il y aura du Rock !»
À peine étais-je assis qu'il me lance :
« T'as déjà eu le Rock aux trousses
Je ne pouvais répondre NON ! au risque de voir cet entretien tourner court. J'ai tourné 7 fois ma langue dans ma bouche avant de lancer :
« Ma relation au rock est plus nuancée, plus complexe oserais-je dire, j'ai couru à ses côtés dès mon plus jeune âge, quelquefois il me dépassait, j'étais à ses trousses, et d'autres fois je le dépassais, il était à mes trousses...»
« J'ignorai qu'à Tant qu'il y aura du rock il y avait des critiques affutés comme tu sembles l'être.»
L'auteur se détendit et esquissa même un sourire, lui dont on disait qu'il en était avare.
J'eus le droit à la version détaillée de l'histoire de l'écriture du roman.
Aux alentours de 2017, un vieux pote de fac perdu de vue depuis 30 ans surgit hors de la nuit tel un Zorro vengeur pour rappeler à son vieux camarade leur épopée 1972, épopée qu'il qualifie d'Instant Karma sans rougir de la référence à Lennon. ils se rencontrent une fois deux fois trois fois, rameutant les souvenirs que l'auteur transcrit sans les enjoliver, en leur donnant la couleur de l'espoir qu'il avaient alors, sans parler de celle de la désillusion qui les recouvrirait plus tard. le projet prenait forme. Jusqu'au décès du vieux poteau, un jour de juillet 2023 où l'orage l'emportait sur la canicule.
L'ouvrage devait être mené au bout. Jusqu'à sa publication. Obligation morale.
L'auteur me donne ses clefs de lecture. Explique les allers retours entre 2022 et 1972 ; la double filiation Danny Lopez - Bob Dylan et Danny Lopez Jules Lopez et sa fille. le choix de faire mourir Danny Lopez lui apparaît comme prémonitoire, presqu'une malédiction.
Il raconte comment son personnage est passé de Dylan aux Stones en passant par la case Bowie pour finir déguisé en employé modèle.
J'ose une question :
« Sur la couverture figure un ampli Fender alors que l'ampli de référence dans la période que vous évoquez était le VOX AC 30»
Il me regarde de ses yeux fatigués, sans relever, terrassé et fourbu.
Il poursuit.
« Si tu veux comprendre ce roman branche toi sur la play list. Écoute Kick out the jam sans broncher, laisse-toi aller sur Little Wing et scrute l'horizon du haut de la Watchtower, tu verras peut-être les chats sauvages hurler, qui sait ?»
Une fois tentée l'expérience m'avait réussie, j'avais compris « Les Who créent une filiation entre My Génération et Summertime blues. Frustration et colère.»
L'esprit du rock malgré les années séparant ces deux chansons !...
L'entretien se poursuit et l'auteur, son ouvrage en main lit les passages qu'il a lui même surlignés :
« Pour sa bande, il était Paulo jusqu'à sa prime adolescence. Puis devint PP lorsque la mode des acronymes gagna le milieu. Enfin, lorsque le vent souffla d'Angleterre, portant en France les accents de tout ce que le royaume comptait de groupes, de chanteurs et de fans électrisés par la pop music, il se transforma en Double P. (prononcez Dabeule Pi). Transposition hasardeuse de la publicité du Whisky JB.
« Je lis JB, mais, comme mon ami anglais, je dis Ji Bi. »
Ou encore
« Les vacances d'été sont-elles le triangle des Bermudes des amours étudiantes ? »
Et surtout
« Après quelques crachotements, j'entendis la voix de mon père scander 1, 2, 3 en battant la mesure sur ses baguettes et frappant aussitôt ses caisses pour reproduire tant bien que mal le beat caractéristique de All Right Now des Free.
J'entendais ses propres mots lorsqu'il en parlait les rares fois où il le faisait, avec des collègues, le plus souvent. Il s'échauffait :
« Tube planétaire ! L'essence du rock, sa substantifique moelle ! »

Alors si vous aussi vous voulez courir devant le rock, le sentir à vos trousses, souffler sur vos reins le contretemps subtil d'un rythme binaire et primaire, lisez le rock aux trousses !




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Voilà une lecture bien agréable qui déménage un peu, tant est originale l'idée de départ de ce roman dont on est curieux de savoir la part d'autobiographie qu'il peut recouvrer.
En revenant ainsi un demi-siècle en arrière, Denis Nunez nous replonge dans l'après 68. Cette époque où la musique, et le rock en particulier, occupait une place majeure dans le quotidien de la jeunesse.
L'originalité ne tient pas à ce retour arrière, mais au fait qu'il prend le parti de faire relater cette époque, non pas directement par l'un des protagonistes, mais par le fils de l'un d'entre eux aujourd'hui disparu. Ce positionnement particulier met de la distance entre les faits et le narrateur, comme s'il impliquait un regard critique intergénérationnel.
Denis Nunez maîtrise parfaitement sa plume particulièrement alerte et s'aventure avec bonheur dans un style qui peut s'affranchir de règles trop conventionnelles.
Cerise sur le gâteau, pour les amateurs de rock dont je ne suis pas, chaque chapitre est introduit par un extrait de chanson anglo-saxonne. Cela donne un rythme particulier à cette histoire teintée au final de beaucoup de mélancolie.
En conclusion : un très agréable moment de lecture
l
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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
PROLOGUE
Quand t’es paumé à Juárez sous la pluie le jour de Pâques
When you’re lost in the rain in Juárez and It's Easter time too*

Lundi 12 juillet 1971

Cinq ans déjà ! Voilà cinq ans, le lycée Alain Fournier quittait les ruelles pavées de la vieille ville, la tour des Échevins et s􀀅installait dans les quartiers nord. Des cages à lapins montées à la va-vite pour les nouveaux Berruyers. Fonctionnaires et militaires mutés au petit bonheur, paysans
jetés en ville, rapatriés d'Algérie, harkis, Polonais, Espagnols et Italiens, Africains du nord.
Pour moi, Danny Lopez, fini de zoner dans le bus de 7 heures du matin pour être à l'heure devant la porte du bahut et pointer au premier cours de la journée.
Quelque part à l’académie, un mec a décidé de fourguer les trajets matinaux en bus aux gosses de riches. D'après moi un dingue ou un ancien zonard. Nous, on s’était pas pris la tête à essayer de piger. « On n’allait pas cracher dessus ! »
Cinq ans, ça passe vite, la preuve ! J’étais là devant les grilles du bahut à poireauter en attendant les résultats de l’oral de rattrapage du bac. Ce bout de papier allait me dire :
« C'est gagné, va te faire voir ailleurs ! »
« C'est perdu, tu vas repiquer pour un an ! »
Les recalés sont dans leurs petits souliers.

1 Chanson de Bob Dylan – Just Like Tom Thumb’s Blues – album
Highway 61 Revisited – 1966
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Ils emménagent portes ouvertes. Paul sort d’une de ses valises un nombre incroyable de 33 tours et les range sur l’étagère au-dessus de la tête de lit. La petite valise grise dont il se saisit ensuite est un électrophone Teppaz Mono, modèle OSCAR. Il retire le couvercle contenant le haut-parleur et branche le tourne-disque sur le secteur.
Il choisit, en prenant son temps, un 33, le pose sur le plateau et le laisse tourner en passant une éponge humide sur la cire pour retirer les poussières avant de poser le bras sur les sillons.
Les premières mesures de Transylvania Boogie de Frank Zappa retentissent entre les plaques de béton. La batterie de Ansley Dunbar porte le solo de Zappa qui s’enroule et s’engouffre dans le couloir étroit, bute contre la fenêtre à son extrémité et revient pour repartir. Une pédale wah-wah la bride sur le cou. Des portes s’ouvrent sur des visages étonnés. L’orgue de Ian Underwood cherche en vain à s’imposer, fébrile derrière le chant obsédant de la rythmique.
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Éléonore avait grandi dans cet esprit de révolte et de rébellion. Son esprit critique encouragé par l’éducation de ses parents, sa mère était également institutrice, s’affirma tout au long de sa scolarité au grand désespoir de certains de ses enseignants, tandis que d’autres s’émerveillaient de sa maturité et d’un sens de l’à-propos dévastateur.

(p. 33)
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Dans cette classe, M Chauvet, prof de maths et guitariste à ses heures, s’est bâti une réputation :
« Le manche de cette guitare va vous permettre de comprendre la règle des translations mathématiques ! »
Il joue cette « espagnolade » consistant à descendre le manche, du Mi majeur au Fa majeur puis au Sol majeur et à le remonter
Le regard amusé il explique :
« Je viens de jouer une équation musicale prenant en compte les espacements entre les frettes, la longueur des cordes et l’endroit du manche où s’exerce la pression des doigts sur les cordes. »
« Si j’appelle L0 la longueur d’une corde jouée à vide et L1 sa longueur utile, lorsque je l’immobilise sur la case N° 1…. »
Adrien a compris tout de suite. Il n’écoute plus le prof. Il veut une guitare.
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Un riff de guitare venu de loin occupe l'espace s'élargissant jusqu'à combler le moindre interstice. Il tourne sur lui-même comme un mantra.

(pp. 29-30)
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Video de Denis Nuñez (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Denis Nuñez
Présentation du roman "Les golondrinas ou les 3 soeurs d'Alméria" par son auteur Denis Nunez Réalisation Editions l'Harmattan
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