L'essai historique de J. C. Attias retrace la longue et complexe histoire du peuple juif et d'un des trois livres (ou bibliothèques) qu'il a écrit : la Bible, devenue livre commun de toute l'humanité grâce aux traductions et au détriment, parfois, de la fidélité à son message. L'histoire des diverses étapes de la réception de ce livre par les héritiers et successeurs de ses auteurs couvre plusieurs dizaines de siècles d'histoire culturelle juive, que l'auteur parcourt avec science et compétence, sans jamais rebuter le lecteur.
Commenter  J’apprécie         40
Loin de se réduire à une définition univoque, la Bible fait dans cet ouvrage l'objet d'une méditation sinueuse qui révèle toute la richesse fécondante du rapport qui unit le livre aux Juifs.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Les rabbins, eux, ne s'embarrassent pas de telles subtilités ni n'adoptent une telle posture apologétique. Leur angle d'attaque est fondamentalement antilittéraire. C'est à leurs yeux une faute, et une faute sanctionnée, que de voir dans la Torah un recueil de chants, comme le fit David. C'est délibérément que Daniel a construit son récit contre les règles les plus élémentaires de l'écriture historique et de la rhétorique, et qu'il a introduit un apparent désordre dans son propos : il ne voulait pas "que l'on dise que c'était là oeuvre de poète", mais voulait que l'on sache bien que seule l'inspiration divine l'avait guidé, non le souci des artifices, des ornements et des ruses qui font la bonne littérature et le discours convaincant, mais auxquels la simple vérité, la vérité vraie peut et doit rester étrangère.
p. 118
"La plus grande tentation spirituelle de ma vie, la seule contre laquelle il m'est très dur de lutter, c'est d'être juif totalement. A quelque endroit que je l'ouvre, l'Ancien testament me subjugue. Il ne s'y trouve pour ainsi dire pas un passage où je ne découvre quelque chose qui me concerne personnellement. Je me serais volontiers vu avec le nom d'Abraham ou de Noé, encore que mon propre nom me remplisse également de fierté. Lorsque je me sens menacé d'être englouti dans l'aventure de Joseph ou de David, je tente de me persuader qu'ils enchantent le poète que je suis. Et quel poète n'auraient-ils pas enchanté ? Seulement, ce n'est pas la vérité, il y a là-dessous bien davantage encore."
Elias Canetti, cité p. 215
Quels sont le statut de l'être humain sur cette terre, son pouvoir, ses responsabilités ? Quelle est la « nature » des choses et des êtres qui la peuplent ? Qu'est-ce qui les unit, les rapproche, les distingue ? Comment préserver l'ordre du monde sans aliéner sa liberté ? Comment la Bible et après elle le judaïsme ont-ils tenté de répondre à ces questions ?
Ce livre n'est ni un traité, ni un essai. C'est un vagabondage. Une méditation libre. Avec ses arrêts, ses détours, ses impasses, ses rencontres improbables. Jean-Christophe Attias propose aux lecteurs de le suivre dans un univers culturel aussi foisonnant, mystérieux et contradictoire que ce que nous avons pris l'habitude, peut-être à tort, d'appeler « la Nature ».
Des hommes, des femmes, le peuple juif et les nations, tout le monde ou presque se croise dans ces pages. On y trouve de la science et de l'intime, de la rigueur, mais aussi de l'émotion, et même parfois de l'humour… Et Dieu aussi, bien sûr, le créateur et le maître, désormais bien silencieux, d'un monde qui s'effondre à cause de nous. Une manière inédite et savoureuse de penser les enjeux environnementaux et sociaux contemporains.
Directeur d'études à l'École pratique des hautes études, Jean-Christophe Attias a publié de nombreux ouvrages dont Les Juifs et la Bible, Un juif de mauvaise foi ou encore Moïse fragile, prix Goncourt 2015 de la biographie.
+ Lire la suite