Merci à Babelio et Allary Editions pour cette bienheureuse pioche de ce début d'année! Car si la quatrième de couv' m'avait certes alléchée, que dire alors de cette lecture? Triple wooow et double révérence à
Pascal Louvrier.
Marc Sisco est the Architecte du moment. Hôtel particulier, avion privé, Ferrari, dîner à la Closerie des Lilas, sa vie sent le fric à plein nez. Au sommet de la réussite, ami des grands de ce monde, l'Amérique, le Moyen-Orient, l'Europe se l'arrachent. Dernier en date à le solliciter : l'Italie qui lui confie la réalisation du Grand Opéra de Venise.
Un rêve d'adolescent plus vingt cinq ans de labeur, de sacrifices et d'espoir, et LE rêve de sa vie, LE projet tant espéré, tant attendu, est enfin en passe de se concrétiser.
Hey! Mais c'est pas rien ça?! Car lorsque votre rêve de gosse se réalise enfin, un type normalement constitué, pétille de la rétine, fait des bonds à décrocher les lustres et se roule par terre en chialant à gros bouilllon ou en hurlant à se péter les cordes vocales? Content quoi, non?
Et bé non. Pas notre Marco. Contre toute attente, à part la petite coupette de champagne de circonstance, zéro réaction. Amorphe le gars. Pire : gros malaise, grosse déprime... car Sisco est blasé, Sisco étouffe et pour la première fois de sa vie, le grand Sisco, qui maîtrise et contrôle tout d'ordinaire, nage en plein doute.
Il est paumé entre sa femme et sa fille de 17 ans qu'ils délaissent, son amour de jeunesse qui refait surface et (comme par hasard dis donc...) devient sa proche collaboratrice, ses collègues et employés à fond sur le dossier Opéra, et enfin sa mère, hospitalisée en soins palliatifs. Paumé et fatigué de ces mascarades. Qu'on lui foute la paix.
Entre regrets sur ses choix sentimentaux et affectifs, prise de conscience du temps qui passe irrémédiablement, réflexion sur la place de l'art dans une société qui périclite et sur la liberté de l'artiste, Sisco s'interroge: que vaut cette vie quand vous avez le monde à vos pieds et que tous vos rêves, mêmes les plus fous, se réalisent?
Louvrier fait simple et précis: phrases souvent courtes dont l'écriture désabusée et lapidaire s'entremêle harmonieusement à une douceur poétique, rythmée par
Rimbaud, Mozart ou
Trénet au fil des humeurs et errements de Sisco.
À l'heure du média-buzz, de la misère aux quatre coins du monde ou de la folie meurtrière des hommes, rêver nest pas un luxe, rêver ne s'achète pas, rêver n'a pas de prix. Et plus qu'un pas vers le bonheur, c'est peut-être le bonheur lui-même.
Plus que le lire, j'aurais adoré écrire ce bouquin...