Malone est né le 11 mai 1981, le lendemain de l'élection de
François Mitterrand. C'était un évènement joyeux pour ses parents Caroline et Philippe, et son grand frère Sulyvane. Pourtant, le repas en famille chez les beaux-parents va mal finir, non seulement une roturière a pris leur fils, en plus elle vote à gauche !
Mais, au bout de quelques années, un premier bleu, et c'est forcément de la faute de Sulyvane qui a dû pousser son frère, lais, très vite, les bleus sur le corps au moindre choc ont fini par alerter tout le monde. Il ne s'agissait pas de maltraitance, mais d'une anomalie génétique : Malone était hémophile.
Le diagnostic a causé un premier électrochoc : cette maladie étant transmise par la mère, porteuse saine, mais la maladie chez Malone, apportant le premier combat pour la mère : déjà la famille aristocratique côté du père avait accueilli les dents serrées leur belle-fille, issus d'un milieu ouvrier alors quand le diagnostic est tombé, ils se sont déchaînés : c'était la belle-fille qui avait apporté cette gêne débile voire débilitant, alors ils n'ont plus retenu leurs mépris, les piques…
On suit donc le parcours de la famille pendant cette première phase de la maladie, alors que la mère, rongée par la culpabilité, se met à surprotéger Malone, et à s'éloigner de Sulyvane : c'est l'aîné, il n'est pas malade, donc n'a pas besoin d'elle en gros. Heureusement les deux frères s'tendent très bien, sont très soudés. La mère s'investit à fond, apprend à faire les transfusions, veille à ce qu'il ne lui arrive rien, mais en l'étouffant.
Deuxième coup du sort : un jour, elle remarque pour la première fois, que sur la poche de transfusion figure la mention « sang non chauffé », mais le CTS la rassure, il n'y a pas de danger. Or, nous sommes en 1985, une nouvelle maladie fait son apparition : le SIDA et on connaît tous l'affaire du sang contaminé.
Lors du premier test de dépistage, on n'explique même pas à Caroline, ce qu'est la séropositivité ! Elle est obligée de demander, et on lui affirme que ce n'est pas grave…
La famille va vivre au rythme des dépistages, des informations erronées (à l'époque on sait tellement peut de choses sur ce virus) mais, comment peut réagir une mère qui se culpabilisait déjà d'avoir transmis l'hémophilie ? en se sentant en plus coupable d'avoir contaminé son enfant, car c'était elle qui mettait la transfusion en route…
Au décès de Malone, tout va exploser : Sulyvane s'exile à Barcelone, car Malone avait des brochures sur la ville, pensant peut-être y aller un jour, s'il veut survivre il faut partir, se trouver, tenter de se construire une vie loin de la cellule familiale.
J'ai beaucoup aimé ce livre, car
Astrid Monet renvoie le lecteur à une période sombre de notre histoire, avec les procès pour savoir, comprendre, les politiques responsables mais pas coupables (cette phrase m'a fait entrer dans des rages folles à l'époque, il aurait été si simple d'appliquer le processus de précaution !) et qui ne se remettront jamais en question, il y a eu un fusible pour eux : les médecins des CTS, mais eux ? A quoi pensaient -ils ? On délègue… et puis les tests cela coûte cher, c'est connu. Et la vie humaine alors ?
L'auteure parle très bien de la culpabilité qui emprisonne la mère, et exclut plus ou moins les autres de son combat, sans s'en rendre vraiment compte, mais son acharnement suscite l'admiration, alors que le père est sous l'influence de ses propres parents.
J'ai beaucoup aimé le parcours de Sulyvane, plus réaliste, moins obnubilé que sa mère sur le combat dont il comprend assez vite qu'il n'obtiendra pas les réponses. Après une période d'excès de toute sorte, dans un appartement en colocation avec des Hongrois un peu space, il finit par prendre conscience du chagrin qu'il a enfoui, et de la culpabilité du survivant qu'il éprouve. Il s'accroche dans une nouvelle vie, de nouveaux amis, un nouveau métier, car plus rien ne sera comme avant.
Astrid Monet a su trouver le ton juste, elle n'essaie pas de faire pleurer dans les chaumières, mais analyse la tragédie, à travers les réactions de la famille, la solidarité entre les familles d'enfants contaminés, décédés ou encore en vie, et elle cite aussi des documents de l'époque sur le VIH. Elle évoque aussi les douleurs souvent atroces de ces enfants hémophiles, car le sang s'accumule dans les articulations les empêchant de marcher.
Clin d'oeil : Caroline a choisi les prénoms de ses enfants, Malone et Sulyvane car elle a un lointain ancêtre irlandais, entré sans la légende familiale et celui-ci va passer brutalement du statut de légende, à celui de transmetteur de l'anomalie génétique.
Ou encore, la visite du musée
Salvador Dali à Figueras, où avec son copain Frantz, ils sont aussi défoncés que pouvait l'être le génie. Ce musée est absolument magnifique, je confirme, j'en suis tombée amoureuse dès la première visite !)
J'ai choisi de parler de ce roman, que j'ai terminé il y a une dizaine de jours, en ce long week-end consacré au Sidaction, car le fléau est toujours là et les gestes barrière, préservatifs, dépistages, sont un peu trop relégués aux oubliettes.
J'ai bien envie de retrouver la plume de l'auteure avec son précédent roman :
Soleil de cendres.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Fayard qui m'ont permis de découvrir ce roman et son auteure.
PS : je vous conseille, au passage, une excellente série britannique: « It's a sin » consacrée aux années SIDA que j'avais déjà vue sur canal à l'époque.
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Loindunoirocéan #NetGalleyFrance !
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