MBS, l'enfant terrible d'Arabie Saoudite

J'avoue que je suis particulièrement intéressé par le parcours de cet homme qui est devenu à l'âge de 32 ans l'homme fort de l'Arabie Saoudite qui demeure un pays clé au Proche-Orient ne serait-ce que par la production de pétrole inondant les marchés occidentaux.

Il est clair que cet homme est l'allié des occidentaux au proche-Orient. Cependant, il y a un lourd prix à payer pour obtenir le soutien d'un des dirigeants les plus influents du XXIème siècle.

Voici une BD qui a l'avantage de lever le voile sur cet homme défini comme l'enfant terrible d'Arabie Saoudite. Il faut dire que ce pays n'est pas tendre avec ses femmes qui acceptent toutefois leur sort peu enviable du point de vue occidental. Par ailleurs, il n'y a ni cinéma, ni concert dans ce pays.

Sur MBS, on nous le décrit comme un enfant gâté par le roi Salmane (petit-fils d'Ibn Saoud) qui est devenu un personnage incontournable. Joe Biden ne manque pas de lui rendre visite pour s'assurer de sa collaboration. A noter qu'il est devenu Premier Ministre de son pays en 2022.

Il faut dire que sa richesse lui procure une arrogance sans pareil à travers le monde. La première scène où il se propose d'être un émissaire de la paix entre Poutine et Zelenski illustre bien cet état de fait.

Il n'hésite pas à faire assassiner de la manière la plus cruelle possible un journaliste opposant en Turquie. Il ouvre alors son chéquier afin d'obtenir une amnésie collective. C'est un homme avec des valeurs peu compatibles qui croit que l'argent peut tout acheter que cela soit un dirigeant, une chanteuse ou même Bruce Willis !

Bref, c'est un dirigeant autoritaire et répressif qui n'hésite pas à faire taire toute opposition même dans son propre camp. On se souvient de l'arrestation d'une dizaine de princes de sa propre famille ou de la disparition assez inquiétante de son oncle qui fut l'héritier légitime un temps. Il est véritablement question de s'assurer le contrôle des principaux leviers du pouvoir.

Il est vrai qu'il y a toujours une crainte que les religieux prennent le pouvoir dans ce pays. Il tente tant bien que mal à vouloir réformer ce pays notamment en accordant plus de droits aux femmes. Il est vrai qu'il est également connu pour sa passion pour le jeu vidéo ce qui tranche singulièrement avec ses prédécesseurs. Il garde pour lui une image de modernité.

On voit également que les différents Princes vont s'amuser en Europe ou dans le monde occidental en bravant tous les interdits de leur pays ce qui constitue une vaste hypocrisie sans pareil.

J'ai été également choqué du jeu mené par les Etats-Unis qui savait pertinemment que c'était ce pays qui était à l'origine du 11 Septembre alors qu'ils se sont attaqués assez violemment à l'Irak pour dégommer son dictateur. J'avoue mon incrédulité politique en la matière. L'Arabie Saoudite a véritablement joué un trouble jeu.

Bref, c'est un portrait pas très glorieux d'un homme qui a entraîné son pays dans une guerre sanglante avec le Yémen. Ce n'est pas fini pour l'avenir et il nous réserve encore bien des surprises à l'image de sa ville futuriste aux milliards de dollars en plein désert.

Cette BD constitue une bonne mine d'informations parfaitement bien traitées par un journaliste qui a bien fait son enquête car c'est assez passionnant. Au moins, on ne s'ennuie pas !

Cet album est le condensé de plusieurs mois d'enquête. Mais Antoine Vitkine, auteur réalisateur de plus d'une vingtaine de documentaires pour la télévision, nous prévient d'emblée, cette enquête là, qui a été diffusée sur France 5 en 2019, a été bien difficile à mener.

Il faut dire qu'elle porte sur un personnage qui tient au secret: Mohammed Ben Salmane (dit MBS) est le prince héritier d'Arabie Saoudite. Un jeune homme de son temps, aux moeurs occidentales affirmées (jeu vidéo, musique, femme, alcool...) qui se retrouve à 32 ans à devoir jongler entre les islamistes conservateurs et ses intentions réformatrices. Une politique moderne dans une poigne de fer qui fait de lui un personnage controversé.

C'est un portrait sans concession qui nous est proposé. Il s'agit d'essayer de comprendre qui est cet homme complexe et en même temps de mieux appréhender son pays surtout connu pour son pétrole et son argent. Et l'intérêt est grandissant, tant MBS a pris une place internationale incontestable. Tentant de s'accommoder aussi bien avec Poutine qu'avec Biden, d'être l'allié de Macron comme celui de la Chine, il parvient à imposer sa présence, malgré la guerre au Yémen, malgré les kidnappings et l'assassinat du journaliste Jamal Khassoggi.

Christophe Girard sait tout faire, il l'a déjà prouvé. Il parvient ici à respecter le texte documentaire par des dessins réalistes tout en apportant parfois une touche burlesque tant le cynisme du personnage parait difficile à représenter.

Cet album a le mérite d'exister et de mettre en lumière un personnage contrasté et surtout très secret qui préfère rester dans l'ombre. Il permet aussi de s'interroger sur le sens de nos relations avec MBS... et sur le prix à payer, car nul doute qu'il y en aura un.

En 2020 le journaliste Antoine Vitkine réalise un documentaire sur Mohammed Ben Salmane.
Impossible de montrer ce qui se passe derrière les portes closes, de dévoiler la psychologie de ce prince, tant cet homme est secret et ses images contrôlées. C'est chose faite avec cette BD qui nous plonge dans la vie extravagante de ce personnage complexe, cruel et assoiffé de pouvoir.
On découvre un homme ambivalent, qui jongle entre la modernité pour conquérir sa population très jeune et un autoritarisme assumé qui découle de la tradition très rigoriste de la religion d'état.
On est choqué tout le long de notre lecture par sa désinvolture et son arrogance, particulièrement face aux réactions de l'Occident qui s'offusque de son mépris des droits de l'Homme, mais qui détourne le regard face à son pétrole et à ses contrats très lucratifs.
Une lecture déroutante mais nécessaire pour comprendre la psychologie et la personnalité de cet homme, amené à jouer un rôle important sur l'échiquier géopolitique ces prochaines années.