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EAN : 9782383612858
128 pages
Globe (04/04/2024)
3.5/5   7 notes
Résumé :
Ce livre, elle pensait l’appeler La Colline. Dominique Sigaud avait tout noté dans un carnet lorsqu’elle était à Bisesero, en 1994. Journaliste indépendante sans autre nom que le sien sous lequel se ranger, elle fut l’une des rares femmes à couvrir le génocide des Tutsis au Rwanda. Vingt-cinq ans plus tard, les mots, elle les retrouvait, intacts, comme elle les avait agencés sur les pages pour organiser le chaos du monde, pour raconter les massacres et les assassins... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Dominique Sigaud est journaliste. En 1994, elle était au Rwanda, témoin du génocide, prenant des notes dans un carnet. Elle a vu, senti, entendu et elle est rentrée. Vivante mais marquée, détruite de l'intérieur. Elle a mis ses souvenirs à distance, pour oublier, se préserver, ou tout simplement parce qu'elle ne pouvait plus accepter.
Et puis, trente ans après, elle a écrit et elle partage avec nous. D'abord le titre qui n'est en rien anodin (elle l'explique en détails plusieurs fois), puis ce qui revient par flashes, par bribes ou beaucoup trop nettement quelques fois. Et à ce moment-là, ça fait terriblement mal. le réel vous rattrape, vous savez que cela a vraiment existé puisque vous y étiez.
Elle raconte en employant le « je », ou en disant « elle ». Est-ce trop douloureux de parler à la première personne, de reconnaître qu'on était sur place, impuissante à changer le cours des événements ? Est-ce que dire « elle » c'est un moyen pour se sentir moins concernée ? Elle explique :
« […] c'est comme un va-et-vient entre deux formes de moi, deux versants qui furent présents en même temps, l'un plus distancé, plus éphémère, l'autre plus directement atteint par les événements, plus accaparé, plus incapable de distance aussi. »
Ce qu'elle présente est bouleversant. Elle parle de la culpabilité, de cette impression de n'avoir servi à rien, d'être inutile. Elle raconte cette boîte de nuit colorée, éclairée, bruyante, foisonnante de monde, où la vie semble redevenir « normale » au milieu du chaos, comme une parenthèse. de ces jeunes qui veulent danser, chanter, oublier ? Non, on ne peut pas oublier… Il y a toujours quelque chose qui vous ramène à l'horreur même dans un dancing … Et vous ne pouvez pas vous voiler la face, faire comme si …..
Elle jette les mots sur le papier, elle les expulse, il arrive qu'ils se bousculent sans majuscule, ni ponctuation comme lorsqu'on ne sait plus comment dire, ou alors que tout veut sortir en même temps, comme si les minutes lui étaient comptées et qu'il fallait faire vite, ouvrir les yeux, les siens, les nôtres. Est-ce qu'elle fait ça pour s'en débarrasser, tirer un trait, penser « ça, c'est dit, ouf, on tourne la page ? » Impossible, ça vous colle à la peau, à l'esprit, ça vous ronge, ça vous envoie des cauchemars, des peurs irraisonnées, ça revient …
Et ceux d'en face, qui n'y étaient pas, qui reçoivent le texte, qu'en font-ils ? Publier ou pas ? Accepter le style, l'écrit trente ans après, se dire que les souvenirs ont été émoussés ou pas ? Est-ce vraiment nécessaire de remuer tout ça ?
J'ai fini cette lecture laminée, vidée, je comprends l'auteur et son ressenti. Son style m'a remuée au plus profond de moi et je sais que je me souviendrai longtemps de ce recueil.
« Perdre la main », c'est peut-être également, se dire que maintenant le texte n'appartient plus à Dominique, il vit. Et c'est à nous, lecteurs, de lui faire continuer son chemin, pour que personne n'oublie, pour que les « ogres » ne restent pas impunies, pour que les survivants aient un peu de reconnaissance, pour que les disparus existent encore dans la mémoire de ceux qui les font vivre en parlant d'eux.

Lien : https://wcassiopee.blogspot...
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En 1994, Dominique Sigaud était au Rwanda en qualité de journaliste, elle a vu, vécu le génocide des Tutsis. Elle avait consigné des mots dans un carnet, elle les ressort 30 ans après dans ce livre, « perdre la main ». 30 ans c'est le temps nécessaire pour que les éléments s'articulent, que l'infâme réalité qu'elle a vécu là-bas sort de sa mémoire.

D'emblée, la journaliste nous confronte aux corps mutilés, abandonnés sur la route, à ceux dont on a coupé les jambes pour qu'ils stagnent sur leur lieu d'agonie, à l'ivresse des assassins, des ogres puant la mort, à leur rage qui s'abat sur l'humain. Elle nomme l'innommable. C'est cru et c'est la réalité qu'elle a vécu.

Dominique Sigaud explicite le titre dans son livre, plusieurs spectres de lecture peuvent être appliqués pour cette main perdue.
Elle explore aussi le rôle du journaliste. « Dire à ceux qui sont loin, les tenir informés, s'ils veulent. Tout journaliste sait que les pages des journaux servent, ensuite, à débarrasser les épluchures de légumes. ».

Elle oscille entre le « je » et le « elle », comme si la distance était nécessaire pour se rappeler, pour récupérer les repères d'antan qui ont été mis à néant au Rwanda. Parfois la ponctuation s'envole, pas de virgule ni de point, la respiration en suspens.

Un livre qui rappelle le devoir de mémoire, qui est la force incarnée même si elle côtoie l'abject, elle nous le transmet, pour se rappeler.
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Journaliste engagée pour couvrir plusieurs fronts et rendre compte de réalités effroyables, primée pour son travail autour des femmes rwandaises, Dominique Sigaud aura pourtant mis plus de 25 ans pour écrire ce récit hybride au titre fortement polysémique

Elle nous emmène au coeur de ses souvenirs, de ses pensées, au fil de ses réminiscences, qui sont venus en plusieurs temps, jusqu'à la somatisation, la prise de conscience et l'écriture

Ce livre est un témoignage personnel et intime sur un génocide horrible, qui se fait parfois répétitif pour nous immerger auprès d'elle (et l' alourdissant quelque peu), autant qu'une réflexion sur la légitimité du témoin (étranger) comme le poids et la signification de la langue et des mots
Ainsi, oscille-t-elle entre le "je" et le "elle", pour se donner la distance nécessaire, et nous livre-t-elle quelques coulisses avec la volonté émise par un tiers d'une relecture par un sensitivity reader, un "premier concerné", et son refus. Ce récit dans le récit pose une interrogation profonde sur l'écriture de l'Histoire, la mémoire, la transmission

Je ne crois pas qu'on puisse trop lire sur un sujet, et ce livre me/nous le prouve
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Dominique Sigaud raconte un métier, un traumatisme.
Journaliste de guerre, elle s'est retrouvée au Rwanda face à un génocide. Un génocide qui s'est passé impunément aux yeux de tous. Pendant 25 ans elle n'a rien pu dire, elle a même oublié. Aujourd'hui encore, elle a beaucoup oublié, face à la violence, la guerre les morts. Comment se souvenir devant tant d'inhumanité ?

Ce livre est un témoignage d'une observatrice, non d'une victime. Car être journaliste c'est observer. Une observation qui a été dépassée par la violence de la réalité. C'est un témoignage épars, discontinu, car comment raconter l'horreur ?
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Il aura fallu sans doute ce temps très long, impossible à écourter, pour en venir à admettre de ne pas se remettre de ce qui eut lieu il y a trente ans.
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L'idée selon laquelle les "premiers concernés" seraient par essence vaccinés contre la production de récits échappant à l'écriture forcément singulière, forcément affectée, forcément incomplète, me semble relever, au mieux, d'une vision infantile de la langue.
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Elle me faisait savoir ce qu'ils lui avaient fait perdre. Et en même temps, dans le même mouvement, impossible à distinguer l'un de l'autre, ce qu'ils lui avaient laissé d'eux.
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Il confirmait ce que je savais déjà, qu'ils étaient venus exfiltrer des génocidaires amis des amis de notre président, sous couvert du sauvetage humanitaire de Tutsis.
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C'est ce qui m'impressionne le plus je crois. Ce n'est pas une cicatrice, c'est un recouvrement, presque un effacement, comme s'il n'y avait jamais eu de main.
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Videos de Dominique Sigaud (6) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Dominique Sigaud
A l'occasion du salon "Le livre sur la place" à Nancy, rencontre avec Dominique Sigaud autour de son ouvrage "La malédiction d'être fille" aux éditions Albin Michel. Rentrée littéraire Septembre 2019.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2340671/dominique-sigaud-la-malediction-d-etre-fille
Notes de musique : Youtube Audio Library
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