Encore un retour aux sources, où les lieux revisités coîncident avec un passé enfantin, un monde perdu..
Mais là s'arrête la comparaison avec les autres retours au paradis de l’enfance perdue..;Bagheria, petite ville sicilienne où les splendeurs des palais baroques retombent en poussière au milieu des constructions nouvelles, absurdes et sans grâce, et où seules demeurent, tenaces, les odeurs ferventes et enivrantes des jasmins en fleur, est une ville aux mains de la Maffia, et surtout une ville où Dacia Maraini retrouve , avec quelques ombres chères malgré tout, des souvenirs de pauvreté, de rejet et de maltraitance.
Pourtant sa mère est la blonde et sémillante descendante d'une grande famille de l'aristocratie sicilienne, son père un beau et farouche ethnologue que sa profession a conduit à partir, très jeune, avec sa femme et ses trois filles, au Japon..mais la guerre, le fascisme, le jeu des alliances entre le Japon et l'Italie mussolinienne a conduit ces jeunes parents à un internement dans un camp de concentration japonais pour avoir refusé de signer leur allégeance à la république de Salo. La prime enfance de Dacia a donc été marquée par la faim, la misère et la crainte. Quand, après la guerre, le couple et ses enfants reviennent en Italie, ils échouent à Bagheria, berceau de la grande famille aristocratique de la mère. Mais ils y arrivent en bannis, en exclus, en misérables..
Ceci - et l'amour fou de Dacia pour son papa qui déjà se détache des siens et va bientôt partir seul pour Rome- explique le regard acidulé, critique et ironique jeté sur la Sicile par l'écrivain -qui fut la compagne de Moravia.
Un récit haut en couleurs, en saveurs et en odeurs, riche de quelques portraits savoureux- la grand- mère sicilienne sombre, cruelle, rebelle, fugueuse, mettant sa vocation de cantatrice au-dessus de tout !- mais que j'ai trouvé pour ma part un peu décousu, tant sur la trame que sur le ton.
Les plus fortes pages sont celles consacrées à la prédation , impénitente et impunie, des mâles adultes sur les petites filles dans cette société sicilienne machiste, terrienne, forte de ses traditions et de ses privilèges, maltraitance que l'auteur de "BUIO" (Ombre) sort précisément de l'ombre et porte au jour avec une âpreté et une crudité décapantes.
Commenter  J’apprécie         303
À cette occasion je découvris que la dite " maltraitance sexuelle"des adultes sur les enfants était la chose la plus commune, bien connue de quasiment toutes les petites filles. Lesquelles souvent la taisent pour le reste de leur vie, effrayées par les menaces, les remontrances de ces hommes qui les ont entraînées dans les coins sombres. Se sentant toujours en faute, comme si c' étaient elles qui avaient allongé leurs mains, conçu des pensées interdites, forcé la volonté encore hésitante des hommes, et non le contraire.
Si je devais me maintenir en vie pendant quelques jours en attendant la mort, je choisirais les jasmins de Bagheria comme Démocrite choisit le pain frais.
.La folle arrogance du monde paysan défaisait la nuit ce que les règles de la morale bourgeoise et de la morale catholique reconstituaient de jour.
Ce pourrait être aussi la vieillesse qui joue ses tours habituels: elle rapproche ce qui est lointain et éloigne ce qui est proche.
Un corps pourvu d' utérus doit seulement se cacher et se nier. Toute acceptation, fût-ce d'un mot, d'un regard, d'un moment de solitude , est considérée comme un abandon, une reddition inconditionnelle.
Dacia Maraini : La vie silencieuse de Marianna Ucria
Olivier BARROT présente le livre de
Dacia MARAINI, "La vie silencieuse de Marianna UCRIA" publié chez Robert LAFFONT. Il parle de d'MARAINI, compagne d'
Alberto MORAVIA, née en Sicile où se situe son
roman. L'
action se déroule au début
du 18ème siècle, Marianna UCRIA est sourde et muette. Ce livre, tout en nuances, retrace son accession à une certaine
liberté et prend le parti des femmes.