Il faut rendre hommage à
Jean-Paul Nozière pour ce roman qui plonge ces racines dans une époque paradoxale de l'histoire de France.
La France du Général de Gaulle, conquérante économiquement, la bombe A, les Mirages IV, les records de vitesse des locomotives BB, la reconstruction, l'euphorie économique, l'Europe en marche, la réconciliation avec l'Allemagne, Catherine Langeais et Pierre Sabbagh, Bonne nuit les petits, ..... mais ce bonheur d'une nation est tourmenté, un gros caillou s'est immiscé dans les mocassins de velours qu'ont chaussés les français, les «événements d'Algérie» les «opérations de pacification» ou de «maintien de la paix» comme on disait alors pour ne pas parler de guerre.
Les français veulent s'en débarrasser à tout prix de ce caillou qui les gêne et les ennuie, à tout prix !
Alors, il y eut le «je vous ai compris» du Général, le rêve éphémère d'une Algérie française à portée de main, légitime et pacifiée, et puis le qui rêve tourne au cauchemar, les attentats, les disparus du 5 juillet 1962 et la haine irréductible qui s'installe entre deux communautés qui communiquaient malgré tout.
Vu d'aujourd'hui, des deux côtés de la Méditerranée on professe la vision des méchants colons-exploiteurs et des bons algériens victimes de leur cupidité. Hors de ces clichés point de salut, malgré les témoignages des acteurs des deux bords.
Le mérite de
Trabadja est justement de sortir de ces clichés et de nous livrer une galerie de personnages complexes, ballotés par les événements, dont certains profitent pour en tirer avantage.
Dans la région de Sétif, des agriculteurs français les Bodard, la ferme du Bel-Oranger, Lisette leur fille de 6 ans, leurs ouvriers algériens, dont Fatma la nounou de Lisette, vivent désormais avec la peur de voir leur ferme brulée par l'ALN, et les algériens qui y travaillent, dans la hantise d'être considérés comme des traitres.
Mais le danger ne vient pas de ce côté. Les prédateurs sont ceux qui sont censés les protéger.
Deux destins se croisent puis se perdent pour se retrouver, celui de Lisette et de Fatma, qui chacune à leur façon vont chercher à se venger.
La trame de l'histoire est simple mais sort des sentiers battus.
Jean-Paul Nozière nous tient en haleine, même si sur la fin des révélations sont anticipées par le lecteur sagace.
Un livre agréable à lire, qui ne moralise pas sur ce sujet souvent tabou et présente une réalité très plausible.
A lire pour ceux qui s'intéressent à la fois au roman noir et à la décolonisation de l'Algérie.
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