Cette sensation du vide laissé, le coeur à vif, l'estomac noué, le cerveau en ébullition,
Gipsy Paladini m'a emporté dans cette quête désespérée et jouissive de creuser toujours plus la vérité au sein de la matrice humaine, de me faire goûter à cette saveur décuplée en pénétrant au sein de ses personnages, à comprendre les mécanismes qui régulent ou tourmentent les êtres, qu'ils soient de la BJV, une Brigade des Jeunes Victimes censée résoudre des affaires touchant principalement les jeunes victimes, qu'ils évoluent dans des cités oubliées comme celle des 608, une chose est sûre, plus jamais vous ne lirez les polars autrement qu'en cherchant ... les
vices !
Après l'avoir découverte avec deux romans "Coup de poing !", d'abord avec
Sang pour sang (2009, 2015) puis J'endends le bruit des ailes qui tombent (2015), quand l'émotion brute de décoffrage supplante le décor urbain et désintégré d'un New York sur le fil du rasoir avec des enquêtes époustouflantes dans la tête d'un flic borderline, al Seriani, au bord du chaos pour tenter d'éradiquer
le mal sévissant dans la faune d'une ville qui ne dort jamais, cette croisade qui a déjà entamé le peu d'humanité restant encore dans les âmes de tous les personnages en lutte contre les démons mais surtout contre eux-mêmes.
Trois petits singes
En amorçant cette série intitulée sobrement
Vices et prévue pour 8 épisodes, érigée comme une série télévisée avec une piqûre de rappel à partir du 3ème en résumant brièvement l'essentiel à retenir ainsi que les personnages principaux, cet ambitieux projet littéraire se décline à toutes les surfaces pour transcender un genre largement reconnu pour exploiter les miroirs d'une société en proie à ses doutes existentiels comme dans les crevasses d'hommes et de femmes qui se liguent pour le meilleurs et surtout ... le pire à venir, la preuve une fois de plus que le polar se marie merveilleusement avec les drames sociétaux et contemporains en vue d'aspirer le venin, d'en comprendre un tant soit peu les tenants et les aboutissants, d'approcher un peu plus ce qui différencie et sème la confusion dans les esprits, cette danse langoureuse et machiavélique entre le bien et
le mal, une frontière mince et paradoxalement exaltante à en saisir des concepts, des prémices d'une ère nouvelle pour considérer autrement le destin tourmenté des personnages, leurs désirs enfouis, le poids du passé qui les plombe mais jamais ne semble disposer à les-en lester, qui d'un chagrin, qui d'une souffrance infini, l'auteure propose sa version opéra rock'n'roll du quotidien d'une jeune brigade policière spécialisée dans la défense et la cause perdue des jeunes, une galerie épatante de personnages aux antipodes l'un l'autre insufflant une énergie contagieuse au rythme du récit, telle une chevauchée sauvage qui cadrerait de près chacun, de l'ombre à la lumière, au fil des pages, chacun se dévoilera ou laissera apparaître des fissures, des zones d'ombre imprimant cette curiosité mordante au lecteur de tourner les pages afin d'en repousser les murs plus avant, à vos risques et périls pour la suite.
Le noir peut se déflorer et conter à toutes les sauces, du noir profond et presque opaque à la grisaille d'une urbanisation galopante, la nature des personnages révèlent des blessures secrètes et constamment au bord du précipice, les apparences trompeuses toquent à la porte, les mots de l'auteur résonnent longtemps et ricochent dans les salles à la lumière tamisée jusqu'aux bas-fonds de la ville, au bord de la nausée ou de la décrépitude,
Vices est une oeuvre exigeante pour oser s'aventurer dans des zones inhabituelles et tenter le diable, de caresser d'autres frontières, de la déchéance inéluctable à la rédemption, la culpabilité qui ronge les âmes pour l'assoiffer jusqu'à ce que mort s'ensuive, sentir les effluves de la fin avec ses nécroses et parfums morbides, il est des passages difficiles à encaisser pour mieux en ressentir les répercussions inaliénables, l'ambiance explosive peut coltiner des instants de poésie éphémère mais d'une beauté suffisante à combler le coeur que tout reste encore possible à drainer, à espérer des jours et des lendemains meilleurs, c'est cette humanité-là qu'attirent les charognards et les
prédateurs de tous les horizons qui participent à rendre les romans de
Gipsy Paladini tellement ... vraie, à force de gratter sous le vernis désincarné et délabré, vous ne serez pas au bout de vos surprises, quand le polar se mêle avec le réalisme,
Vices devient rapidement addictif, vous le lisez plus, vous finissez par vous confondre non pas avec un seul mais plusieurs personnages-clés, c'est ce qui rend un style unique et atypique, la patte de l'auteure est comme des griffes propres à faire grincer les tympans et vous rendre accro, des enquêtes de disparitions aux effets dévastateurs de drogues touchant l'innocence, au-delà des mots et des cicatrices, l'âme meurtrie des contemporains laissent des sillons et des bouches béantes, vous n'en sortirez pas indemne.
Cette conviction profonde de toucher aux organes sensibles, de capter le bruit des ailes des papillons, dans le tumulte des actions ne manquant pas de panache et de toucher aux fibres de chacun, la mort n'est jamais loin, mettre un point d'honneur à repérer le point de bascule, cet instant suspendu dans le clair-obscur, votre coeur pourrait rater un battement que vous vous surprendriez à vous faire oublier pour vous immerger plus loin dans ces contrées inconnues et salvatrice, une batterie d'émotions surgissent au coin des pages que vous vous demanderez encore comment l'auteure a réussi ce tour de passe-passe, c'est la magie évanescente des mots qui s'aligne, cette fragrance entêtante qui ne vous quitte pas, cette nuit qui n'en finit plus d'éloigner le jour suivant de poindre son nez, défendre l'irrécupérable pour lui laisser une deuxième chance, loin de traverser les zones de turbulence qui menacent d'ébranler jusqu'aux fondations de la BJV, les histoires d'amour se suivent mais ne se ressemblent pas, de l'opéra rock à la chevauchée des cabossés de la vie, dans le deuil ou la raison d'être,
Vices propulse un monde jamais figé dans ses veines, une représentation haute en couleur d'un microcosme à l'échelle de la société, des fulgurances viennent happer et remettre en cause tous les acquis, une plume percutante dans le but de dresser des tableaux criants de vérité, des aspects étouffés et défenestrés en même temps, l'air peut combiner des relents nauséabonds et des fraises Tagada, c'est toute l'ironie cruelle d'une société cherchant inlassablement un nouveau souffle, de détruire à petits feux pour renaître de ses cendres, un jour ...
La chance n'est pas réservé seulement aux privilégiés, la roue du destin peut embrayer et dérailler à tout instant, l'impermanence des choses est propre à la vie, rien ne laisse transpirer un long fleuve tranquille, les dérives et échappatoires appartiennent à la colère des flots, si la nature est dotée d'une empreinte génétique, les êtres humains ne sont pas en reste avec leur fragilité camouflée, leur égo démesuré,
Vices pose des questions essentielles sur les rapports entre la loi et les hommes, les envies flirtent avec les mystères que chaque personnage recèle, du premier épisode à Kuyashii, l'écriture de
Gipsy Paladini gagne en intensité, de l'introduction des protagonistes à la peinture progressive des fêlures, de l'absence de lumière à la sagacité de Marie pourtant chargée d'un passé nébuleux, Zolan traîne sa silhouette alourdie de spectres avec sa moto au milieu de la nuit, le commandant Tala et son lourd fardeau, la désinvolture de Bia, Marcus pourrait s'ériger comme un roc si seulement, les confidences sur Myriam dans le 4ème épisode, les choix de Sophie, Amir et sa vie familial compliquée, tout le socle de l'édifice de la BJV est comme un château de cartes, un seul être vous manque et tout l'air semble différent, d'autres personnages ne manquent pas de piment pour réserver le meilleur à venir, dans les motivations et attentes, l'auteure prouve une nouvelle fois sa capacité à sonder l'âme de l'humanité dans tous ses recoins et instabilités affectives, la violence n'est pas en reste avec certaines séquences choc pour rappeler que l'être humain est aussi le pire
prédateur sur la Terre, à l'égard des autres espèces mais surtout à ses semblables.
Plus qu'une saga littéraire en cours et dont chaque épisode peut se lire indépendamment les uns les autres, le talent de
Gipsy Paladini avec un style original alliant le polar et le drame humain, exercice délicat entre équilibre des intrigues et volonté de s'affranchir des codes du genre, d'oser pénétrer au coeur de territoires dangereux tant géométrique que sur le plan psychologique, l'art de l'auteure réside dans cette capacité à éviter les pièges du pathos et du voyeurisme, de surenchérir dans la violence pour mieux encore la faire ressentir et palpiter au creux des tripes, bien après la dernière page tournée, cette humanité qui oscille entre la lumière et la noirceur de l'âme, toujours plus près, toujours plus loin dans les abysses ...
Le
vices dans la peau, quand tu nous tiens ...
A noter, à l'instar d'auteurs comme
James Osmont et sa trilogie psychiatrique,
Maxime Chattam, l'auteure invite le lecteur à écouter les clips ou morceaux de musique (et les paroles certes en anglais mais collant à l'ambiance et la pertinence de
Vices dans ses propos) disponibles sur Youtube.
De la fiction à la réalité, j'ai pris mon temps pour coller et adhérer au plus près de l'univers de
Vices, ces 4 épisodes inauguraient, déboussolaient, déchiraient, révélaient et une chose demeure, pour conclure, hâte de lire la suite des péripéties et du devenir des protagonistes, l'histoire d'une Brigade policière pas comme les autres, singulière pour conjuguer le meilleur du polar et de l'humanité sous toutes ses couleurs.
Coup de coeur pour
Vices ❤️
Vices de Gipsy Paladini Auteur est une pépite littéraire à découvrir et à lire sans modération, dans l'ivresse de la nuit, dans les bas-fonds de la ville et de votre esprit, partout où le vice existe ...