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EAN : 9782721009722
160 pages
Editions des Femmes (29/09/2022)
4.5/5   3 notes
Résumé :
Le soulèvement en Syrie a suivi le début du printemps arabe, mais a été concomitant à la naissance de Daesh et dudit État islamique (EI) en Irak et en Syrie, qui restera dans l'Histoire et dans la mémoire collective comme l'exemple d'une sauvagerie brute. La cruauté d'une guerre devenant de plus en plus complexe a provoqué la fuite des humains qui ont côtoyé la déshumanisation et ont vécu les affres de l'exil lorsqu'ils n'ont pas été engloutis par la Méditerranée, d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Comment et surtout pourquoi un espoir fou de liberté et d'émancipation de régimes totalitaires, espoir né en 2011, a pu dégénérer en une atroce destruction, en un retour en arrière inimaginable de plusieurs siècles ?
Houria Abdelouaed, professeure à la Sorbonne-Paris Nord, psychanalyste et traductrice, a tenté de faire le bilan de ce désastre dans Face à la destruction, ouvrage sous-titré Psychanalyse en temps de guerre.
Son travail d'analyste lui a permis de rencontrer et d'écouter de nombreux réfugiés, femmes, hommes, enfants. Elle a dégagé de ces entretiens de terribles leçons. Cette Syrie, pays non démocratique, où elle allait travailler avec des psychanalystes, était un pays où l'on pouvait vivre heureux. Or, ses patients ont fui « un pays ravagé par la guerre qui extermine, foudroie, ravage, brûle, engloutit et dévore aussi bien l'humain que la civilisation. Les patients racontent la destruction de quartiers que l'analyste connaît et qu'ils chérissent ensemble. Les patients parlent du désastre et de l'horreur. Une horreur qui glace le corps et la pensée. »
À partir d'un tel constat, Houria Abdelouaed commence à décortiquer le processus qui s'est développé à partir du retour de concepts religieux moyenâgeux. le mouvement salafiste et le djihad mêlent politique et religion afin de pouvoir commettre les pires exactions dont les femmes et les enfants sont les premières victimes.
Bien sûr, le passé colonial du Moyen-Orient et de l'Afrique n'est pas négligeable car il est souvent la cause et la conséquence de ces extrémismes. La blessure narcissique causée par l'exploitation sans limites des ressources de ces pays est difficilement effaçable.
Quand les révolutions arabes ont été lancées, le pire est advenu dans un autre pays déjà bien malmené : « C'est ainsi que ceux que l'Occident a nommé « les authentiques combattants de la liberté » ont fait revenir l'Afghanistan au Moyen-Âge : le sort des femmes y est parmi le plus triste de la planète, application stricte de la charia, écoles interdites aux filles, flagellation sur les places publiques, lapidations, bombes et assassinats n'importe où et n'importe quand… »
Si le constat est clair, sans ambigüité, en 2023, nous en sommes toujours au même point et cela empire encore.
Au début de son livre, l'autrice a défini la fitna, ce chaos qui a eu comme aboutissement Daesh. Ensuite, elle s'attache à détailler le phénomène de la radicalisation.
Lorsque débute la deuxième partie, je suis de plus en plus captivé par le travail de Houria Abdelouaed car elle entre dans le concret avec ce qu'elle a entendu au cours de ses rencontres. Comme elle l'a fait depuis le début, elle cite, entre autres, Hannah Arendt, Primo Levi, Gilles Kepel, Marc Trévidic, Sigmund Freud, Chantal Chawaf, etc…
Dans son travail de psychanalyste, l'autrice commence à voir et à écouter le cri de ces réfugiés si mal traités lorsqu'ils parviennent dans notre pays. Quand ils tentent d'obtenir le statut de réfugié, on leur demande de raconter, on les pousse à replonger dans toutes les horreurs vécues, traumatismes insupportables et indélébiles.
À la différence de l'administration, l'analyste donne le droit au silence, laisse le patient parler s'il le veut, pleurer s'il en a besoin. L'analyste rend son visage d'humain à ce réfugié. de plus, Houria Abdelaoued le souligne : elle parle un mélange d'arabe littéraire, de dialecte syrien avec un accent marocain, ce qui donne confiance au patient.
Enfin, la conclusion de Face à la destruction (Psychanalyse en temps de guerre) - livre que j'ai pu lire grâce à Babelio et aux éditions des femmes-Antoinette-Fouque que je remercie – doit être lue et relue car ce bilan remet bien à sa place cet espoir fou qui a abouti à un désastre : « Avec amertume, l'enfant d'hier s'interroge aujourd'hui : est-ce pour ce chaos ? Est-ce pour ce désastre qu'il a donné sa vie ? »

Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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J'ai connu Houria Abdelouahed grâce à ma femme qui avait adoré son livre Les femmes du prophète, joli exercice de fiction religieuse solidement documenté où elle recréait la vie probable des femmes de Mahomet (périlleux projet s'il en est de nos jours). Quand j'ai vu que Babelio et les éditions des femmes-Antoinette Fouque proposaient son dernier ouvrage en Masse Critique, je n'ai pas longtemps hésité à le cocher. Qu'ils en soient bien remerciés !

Ce livre a un sujet bien différent puisque l'auteure, psychanalyste quand elle n'endosse pas sa cape de teneuse de plume, a pour volonté ici de partager avec son lecteur son expérience professionnelle auprès des personnes ayant vécu la guerre en Syrie et qu'elle a pu recevoir dans son cabinet.

La construction du livre étonne dans une première partie où après avoir présenté le projet en introduction, l'auteure semble changer totalement d'axe en s'interrogeant sur les motivations des jeunes français décidant de rejoindre le Djihad syrien. Hors sujet pensez-vous ? Pas à la lecture où on comprend la nécessité pour la thérapeute de se confronter à l'incompréhension de ses patients venant chercher refuge en provenance de l'horreur... dans un pays qui a fourni de la main d'oeuvre à leurs tortionnaires... Elle sait utiliser à la fois ses compétences professionnelles et ses sérieuses compétences théologiques ou culturelles pour venir questionner les ressorts qui pourraient expliquer l'enrôlement de ces jeunes dans une cause si mortifère. Elle ne peut éluder les aspects sociologiques et politiques, tout en précisant bien une certaine méconnaissance dans ces domaines.

La deuxième partie revient sur le projet initial, et nous sommes plus armés des connaissances engrangées pour l'affronter. Car nous sommes confrontés à l'horreur des témoignages chocs recueillis auprès des patients, soutenus dans l'analyse par une professionnelle qui n'hésite pas à dévoiler sa fragilité et son humanité face aux émotions qui la submergent. Plus habitués aux froids thérapeutes impassibles cultivant une image de total détachement, il est très agréable de voir à l'oeuvre des psychanalystes n'ayant pas peur d'explorer leurs failles, leurs émotions, leurs réactions d'humains face à l'inacceptable.

Ayant été confronté professionnellement au même public que l'écrivain, sur le versant travail social, je n'ai pas trouvé de solution toute faite pour parvenir à affronter sereinement de telles histoires. Mais j'y ai trouvé le réconfort d'une communauté d'attitude bienveillante et soutenante, quand l'humanité dans son expression la plus pure et basique est la seule réponse face à la barbarie... qui n'est finalement que l'autre versant de l'ombre de cette même humanité, comme un combat intérieur et schizophrénique que mèneraient deux faces d'une même personnalité.
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Un livre poignant et d'une grande importance. le point de vue de la psychanalyste Houria Abdelouhed est intéressant par son aspect complet.

D'abord par l'originalité de son approche qui implique, témoigne-t-elle un bouleversement dans son rôle de psychanalyste. Par son auto-analyse, elle explicite ses ressentiments comme : la gêne ou l'embarras. Ecouter le.a patient.e suppose de s'imaginer ce qu'il.elle a vécu. Les traumatismes sont engendrés souvent par des réalités de l'ordre de l'inhumain. Comment peut-on être neutre dans un contexte de guerre, pendant que tout s'effondre ? Comment ne pas être touché ? Quand les traumatismes concernent des viols, des disparition et des endoctrinement d'enfants, des morts, la culpabilité. Quand le rapport au corps ne peut plus être comme avant comme par exemple "resexualiser le sexe en passant par la reconstruction des enveloppes psychiques".

Un autre point est celui de la nécessité de comprendre l'aspect social de l'individu pour saisir le traumatisme dans toute ses dimensions. Ainsi, l'autrice reprend l'histoire du mouvement islamique et tente une analyse de psychologie sociale des origines et des raisons de l'allégeance à la mouvance de daesh (Cela ressemble aux analyses de Fathi Benslama. ) en partant du problème de l'adolescent vis à vis de ses parents pour déduire l'intrusion de la mouvance dans les faiblesses du jeune qui se cherche, mais pas uniquement.

Ainsi, trois dimensions sont montrés dans ce livre : un contexte de guerre qui implique une réflexion sur la manière d'exercer son métier, l'étude de l'origine de la guerre pour comprendre les causes et les espoirs, enfin les conséquences sur la population victime des dégâts.
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Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Les récits sidèrent, bouleversent, révoltent et donnent la nausée. Le corps de l'analyste devient le réceptacle du cru, de l'inassimilable. Le haut-le-cœur exprime le désir d'éjecter le trop-plein indigeste. En outre, les mots des patients se confondent, dans l'écoute de l'analyste, avec des images véhiculées par la télévision ou par les réseaux sociaux. Images d'un réel dont la cruauté défie les capacités représentatives de l'humain.
(pages 10-11)
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Or, depuis 2011, le feu ne cesse de dévorer le monde arabe.
En effet, depuis l’immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, mort le 4 janvier 2011, provoquant le début du soulèvement en Tunisie contre le dictateur Ben Ali, contrairement aux attentes des peuples arabes assoiffés de liberté et de démocratie, la voix du peuple, proclamant dignité et justice, a été réprimée, bridée, voire brisée soit par des régimes encore plus totalitaires, soit par le tribalisme ou encore le chaos.
(page 143)
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C’est ainsi que ceux que l’Occident a nommé « les authentiques combattants de la liberté » ont fait revenir l’Afghanistan au Moyen-Âge : le sort des femmes y est parmi les plus tristes de la planète, application stricte de la charia, écoles interdites aux filles, flagellation sur les places publiques, lapidations, bombes et assassinats n’importe où et n’importe quand…
(page 43)
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L’analyste qui écoute a déjà vu ces images qui ne sont pas les fenêtres des fantasmes dans la parole des patients, mais le réel d’une guerre ravageante qui se complexifie au fil des jours et des mois et où les enjeux nationaux et internationaux deviennent si difficiles à démêler. Aux images qui participent de la propagande daeshienne s’en ajoutent d’autres sur les crimes du régime et de ses alliés.
(page 122)
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Après la terreur de la guerre, l’exode, l’épuisement sur les routes, les malheureuses embarcations, la traversée incertaine… leur arrivée en Europe ne signifie pas la fin du traumatisme. Outre les conditions de vie précaires dans le pays d’accueil, afin d’obtenir le statut de réfugié, ces derniers doivent raconter une histoire linéaire alors que le temps semble figé. Ils doivent livrer un récit « correct, irréprochable » alors que l’irreprésentable défait et défie toute tentative de mise en récit.
(page 118)
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