Malgré un achat à sa sortie, j'ai un peu tardé à sortir le résultat de cette collaboration entre
Benjamin Lacombe, illustrateur que j'adore, et
Eliette Abécassis, autrice et +, que je découvre, mais quelle meilleure saison pour le faire !
Ce bel objet est en fait un conte sous forme de roman illustré prenant place dans un univers historique véridique, celui de la cour du roi Rodolphe II à Prague, où les auteurs ont ajouté en sus une pointe de fantastique avec cette créature qu'est le Golem, que le lecteur de mangas aura eu l'occasion de croiser à plusieurs reprise et sera ravi de retrouver ici.
Au vu de mon passé de lectrice et de la couverture, j'étais persuadée de tomber sur l'histoire d'une belle amitié entre enfant humaine et golem, mais en tournant les pages, j'ai eu l'impression d'avoir un tout autre texte entre les mains, et tant mieux, car j'aime être surprise !
Les auteurs nous plongent plutôt dans le Prague des années 1550, où il y avait une certaine effervescence mais aussi agitation autour des questions ésotériques. Avec un roi mélancolique, fragile, qui écoutait un peu trop les voix discordantes autour de lui, la ville et la cour sont remplis aussi bien d'artistes, de scientifiques et de penseurs que de charlatans. C'est toute la Renaissance qui est ainsi mise en scène avec ses progrès et ses travers. J'ai beaucoup aimé cette justesse du décor historique ici dépeint pour servir de support à l'histoire.
Cette histoire, elle est menée à travers les yeux d'une jeune enfant très curieuse, fille d'alchimiste, qui va se lier d'amitié avec une famille juive du ghetto et se retrouver embarquée dans leurs problèmes avec l'homme de religion que le roi écoute un peu trop et qui les persécute. A travers ses yeux d'enfants et avec l'appui d'auteurs souhaitant glisser un peu de fantastique dans cette histoire bien rude autrement, nous allons vivre une véritable aventure qui nous questionnera sur notre rapport à l'autre et à l'humain.
J'ai beaucoup aimé que l'histoire ne soit pas celle d'une banale amitié entre deux êtres qui se sentiraient différents : Zelmira, un peu à l'écart dans sa famille et le Golem, qui n'arrive pas à communiquer et est instrumenté comme arme ou outil, selon. Les auteurs nous invitent à nous interroger sur la façon dont on conçoit cette créature, dont on la voit, dont on l'utilise, et la vision très pure de Zelmira permet de faire redescendre toute la tension et d'ouvrir le regard aux adultes un peu enfermés dans un schéma d'attaque défense qui fait peur.
Cependant, l'histoire étant conçue comme un conte, elle reprend également des schémas stylistiques du genre et certaines de ses facilités. Ainsi sa fin est bien trop rapide, trop facile, avec des éléments qui sortent de nulle part comme les origines de Zelmira, et un Golem au final assez mal défini, tout comme il en va de l'inimitié entre juifs et chrétiens qui se dégonfle bien vite. C'est un peu décevant après tout le beau travail qui avait été fait auparavant pour nous faire comprendre leurs tensions, le rôle de ce roi défaillant, et les conséquences de ceci.
Ainsi, je peux dire que certes le texte est charmant mais je lui ai quand même préféré tout le travail iconographique. Quand on enlève la jaquette, il y a ainsi un superbe hommage aux gravures astronomiques de l'époque. Quand on parcoure les pages, les chapitres sont joliment mis en scène et l'objet n'est pas avare en pages couleurs ni en dessin au fusain. C'est splendide. le trait de
Benjamin Lacombe se fond très bien dans ce décor historique comme il l'avait fait lors de sa bande dessinée Salaï. C'est terrible et enchanteur à la fois.
Conte surprenant qui propose une nouvelle définition de la figure du Golem, ce roman est surtout le portrait d'une époque et de tensions qui ont perduré à travers le temps et dont nous n'avons ici qu'un épisode. Bel objet historique, bel objet artistique aussi grâce aux compositions crayonnées de
Benjamin Lacombe qui retranscrivent magnifiquement cette ambiance historico-fantastique, ce fut une belle lecture de saison, inaboutie mais prometteuse.
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