Pour produire des vins fruités et concentrés, les vignerons avaient appris de longue date à ajouter une bonne quantité de sucre au moût, à hauteur de dix-sept grammes par litre. Mais, en ces temps de modération morale et d’hygiénisme institutionnel, il fallait désormais prendre en compte les atermoiements des technocrates de Bruxelles estimant soudain qu’il ne fallait plus dépasser les quinze degrés d’alcool. Peu d’entre eux devaient avoir lu Montaigne qui déclarait à qui voulait l’entendre : « La coutume a tort de condamner le vin parce que quelques-uns s’en enivrent. »
Ces hommes de la terre avaient toujours su reconnaître l’ennemi, celui qui s’attaque au cœur des plants et œuvre à ruiner le raisin. De tous temps, ils avaient dû apprendre à identifier les maladies, guetter les symptômes : la tache d’huile du mildiou, la poussière blanc-gris de l’oïdium, les boursouflures et le pointillisme inquiétant du black-rot… Mais, contre le stress hydrique, la connaissance et la volonté d’en découdre sont souvent vaines.
Et puis, le Noir en question, il avait le tort d’avoir tout bon. Il bossait, il était respecté, il réussissait. Et rien que ça, un Noir qui leur fait la nique, ça doit énerver les ploucs. Il y a forcément des racistes dans le coin, c’est obligé. Il y en a partout de toute façon. Ça ne m’étonnerait pas qu’il y en ait un qui ne supportait plus de le voir pavoiser dans des vignes de Blancs…
De la complexité naît le mystère. Du mystère découle le mythe. À partir du mythe se forgent les légendes…
La grasse matinée relevait du sacrilège et le petit déjeuner répondait à un rite immuable : café noir, pain grillé, tranche de jambon, voire un œuf au plat, le tout accompagné d’un bol de corn-flakes.
Interview de Jean-Pierre Alaux par Gérard Meudal lors de la soirée inaugurale du festival "Parcours d'auteurs : de l'écrit à l'écran" du 15 novembre 2013