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EAN : 9782373050356
448 pages
Aux forges de Vulcain (18/05/2018)
3.45/5   21 notes
Résumé :
A la mort du dirigeant nord-corééen, le monde entier espère que la perspective d'une guerre totale s éloigne. Hélas, lors d'une conférence de presse, son fils de treize ans annonce qu'il a fait placer des bombes nucléaires dans toutes les grandes capitales, et l'Occident n'a que quelques jours pour se repentir. D'abord dubitatifs, la population et les dirigeants commencent à prendre peur. L'occasion pour un fan de petits trains électriques, une lieutenante de gendar... >Voir plus
Que lire après La fin du monde est plus compliquée que prévuVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Les éditions Aux forges de Vulcain tentent de mettre en avant de nouveaux auteurs et notamment par des romans à cheval entre la littérature de l'imaginaire et la littérature générale. Voyons ce qu'il en est avec La fin du monde est plus compliquée que prévue, de Franck Thomas.

L'apocalypse en marche
Ce roman part d'un pitch simple mais osé : l'héritier de la République populaire de Corée du Nord annonce avoir placé des mini-bombes nucléaires partout dans le monde et compte tout faire sauter pour son anniversaire ! Forcément, panique dans les ambassades, branle-bas de combat dans les agences d'espionnage et stupeur dans les chaumières… Dans l'une d'entre elles, en plein coeur de la France périphérique, Sylvestre lui aussi entend parler de cette nouvelle annonçant la fin du monde pour bientôt. Sylvestre est un solitaire, voire un misanthrope, qui ne vit quasiment que pour sa collection de trains miniatures et se dit que cette apocalypse annoncée est peut-être une bonne chose du moment qu'on le laisse tranquille. Mais cela est sans compter sur son entourage (ex-copine, facteur, voisins, etc.) bien bouleversé par la situation.

Un ton détonant
Pour narrer l'histoire de Sylvestre et les tribulations géopolitiques du moment, Franck Thomas adopte un ton volontairement humoristique, à la fois dans les péripéties et dans la forme de son récit. En effet, sur le fond, il multiplie les situations absurdes, les quiproquos constants et les péripéties burlesques : un dictateur adolescent qui mène son pays comme un youtubeur débutant, des ambassadeurs qui désertent et perdent complètement les pédales, des banlieusards qui se reconvertissent en gourous des mamies… les étrangetés ne manquent pas. Sur la forme, Franck Thomas fait exprès d'en rajouter dans les digressions humoristiques (un peu à la Pierre Raufast dans ses écrits chez Alma Éditeur), d'autant plus que de temps en temps, il se permet d'apostropher directement le lecteur pour lui faire comprendre qu'il gagne du temps en comblant et que l'intrigue est volontairement téléphonée.

La fin du roman est plus compliquée que prévue
Toutefois, à force de miser sur ce cocktail détonant, le lecteur risque de déceler beaucoup de répétitions sur l'ensemble du roman. Il y a donc possibilité d'être lassé par cet humour et ces apostrophes finalement un peu faciles tant elles reviennent toujours au même principe. Au fur et à mesure que le roman pointe vers son terme, les situations sont de plus en plus abracadabrantesques ; il faut reconnaître que, même en partant du principe que nous sommes dans de l'anticipation burlesque, on peut être en droit d'attendre un brin de réalisme dans la réaction des personnages : clairement, ce n'est plus la considération du roman une fois attaqué le dernier tiers. le tout est donc poussé jusqu'au bout du processus, il faut savoir y adhérer et accepter un certain nombre d'entorses au réalisme (c'est le moins que nous puissions dire).

La fin du monde est plus compliquée que prévue laisse donc un sentiment mitigé : l'idée de base est intéressante, le parti-pris peut captiver, mais l'accumulation peut déborder la bonne volonté du lecteur. Après La nuit, je vole, c'est donc un deuxième essai infructueux parmi les publications des éditions Aux forges de Vulcain, alors que le synopsis me disait bien, il faudra réessayer, peut-être avec leur Uther Pendragon qui est également tentant…

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Difficile d'écrire une critique sur un livre aussi riche et bien écrit, surtout quand sa lecture a suscité, chez moi, beaucoup d'enthousiasme mais aussi quelques réticences. J'ai pris le temps d'affûter ma plume et vais tenter d'être le plus fidèle possible à mon ressenti sur ce premier roman ô combien prometteur !

Partant d'une situation politique à fort potentiel dramatique ET comique (que je vous laisse retrouver dans le résumé du livre ou les critiques passionnantes des autres Babelionautes), l'auteur déroule une histoire entraînante et originale. Mettant en scène une fin du monde plus sociale que catastrophique (même si l'une entraîne l'autre), Franck Thomas propose un récit souffrant peut-être de quelques impressions de déjà-vu, mais qui sont bien vite effacées grâce un sens du burlesque incomparable. le rythme endiablé du vaudeville et le sarcasme sont à eux deux l'énergie qui fait avancer l'histoire. Ses personnages déjantés se mettent dans des situations improbables et font preuve d'un enthousiasme délirant pour aller toujours plus loin dans le malheur et l'idiotie. En fait, le comique de situation semble avoir été inventé par ce jeune écrivain, tant le roman en est truffé.

Le texte est par ailleurs porté par une écriture inventive et parfaitement maîtrisée. Complexes et pourtant limpides, les phrases permettent au lecteur de se laisser happer par l'histoire comme par un blockbuster tout en comprenant la subtilité et l'intelligence des propos de l'auteur. Et ceci, naturellement, tout en riant à gorge déployée. Car subtilité il y a dans la réflexion riche et intéressante que l'auteur développe grâce à cette histoire. A travers des humains qui, vivant leurs derniers jours, continuent désespérément à donner un sens (aussi insensé soit-il) à leur existence, il interroge l'absurdité de nos propres comportements. Des comportements aussi absurdes qu'un monde qu'on est parfois las de vouloir comprendre. Bien sûr, formulé comme tel, le propos semble lourd et harassant, alors qu'il est dans le livre fin et limpide.

« Sylvestre ne jouait pas aux petits trains : il recréait un univers selon ses règles, soumis à des caprices, un monde à sa guise, seul moyen de combattre l'autre, celui qui lui échappait en permanence malgré tous ses efforts. »

La légèreté de cette lecture, finalement, réside dans le ton de l'auteur. Un ton, vous l'aurez compris, sarcastique, caustique et éminemment critique sur nos sociétés actuelles et les relations géopolitiques internationales. Reste à savoir où il trouve les moyens d'être aussi drôle sur des sujets aussi sérieux, aussi critique tout en étant ouvert au débat, aussi subtil tout en faisant passer ce message…

Ce qu'il faut retenir de ce roman, c'est qu'il révèle un nouvel auteur doté d'un art de la narration rebondissant et étonnant. Il ne lâche pas son lecteur d'un mot pour le mener au bout de son histoire et utilise tout un tas de tactiques amusantes pour capter son attention : des transitions malines et drôlement efficaces, des apostrophes au lecteur pour l'impliquer dans la narration et un plaisir certain à mettre en scène son roman comme une pièce de théâtre dans laquelle les personnages sont constamment malmenés.

« Ce ne serait que bien plus tard, c'est-à-dire au cours du dernier chapitre de cette première partie que le reste du monde apprendrait l'effroyable nouvelle, et jalouserait alors certainement les quelques êtres d'exception que l'auteur, pour les remercier de leur confiance et de leur patience dans le lancement un peu long de cette histoire, avait choisi d'informer dès les premières lignes de ce roman. »

J'ai vu arriver certaines des dernières ficelles que tire l'auteur à la fin du roman… Mais me suis quand même laissé surprendre par l'ensemble et n'ai perdu aucun plaisir à lire les dernières pages. Elles sont à l'image du roman tout entier, c'est-à-dire tendues, en équilibre parfait sur le fil qui sépare la parodie du réalisme. Diablement juste et en même temps truculent !

Pour ceux à qui ce roman aurait plu, ou inversement, je vous conseille vivement la lecture du roman Les premiers de Xabi Molia. Celui-ci part d'une question très simple – Et si des citoyens tout à fait normaux devenaient soudainement des super-héros ? – pour réinterroger toute la société. Brillant !
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On est sur de la SF humoristique; enfin c'est ce qui est annoncé. C'est plutôt de la littérature blanche, avec un point de départ dystopique. Côté SF, ça s'arrête là. Ce n'a pas du tout un problème pour moi, je cherchais justement quelque chose de rafraîchissant et qui sortait un peu de mes habitudes de lecture. Mais si vous attendez de la SF pure, vous risquez d'être surpris.

C'est vraiment pas mal pendant 100 pages. Oui j'ai souri plus d'une fois : le côté un peu naïf et misanthrope de Sylvestre, certaines situations et des commentaires du narrateur sur son récit m'ont divertie. Après, les vannes commencent rapidement à tourner en rond, ça devient un comique de répétition que j'ai trouvé un peu lourd. Beaucoup d'apartés du narrateur vers le lecteur : là encore, ça va cinq minutes, mais à force, cela alourdit énormément le propos.

Et le tout dure 434 pages...

Finalement, de la fin du monde on ne saura pas grand chose. L'accent est mis sur le côté absurde des réactions des personnages, pour lequel leur passé est exploré dans des digressions assez longues. Au début encore, c'est assez plaisant et participe au comique du roman. Celui-ci se lit comme une caricature d'un monde en bout de course et aux individualités grotesques et absurdes. Ca m'a un peu fait penser à la série The last man on earth, surtout les deux personnages principaux Sylvestre et Anne. Je me souviens d'ailleurs que la série m'avait fait marrer une saison, puis lassée les suivantes…

L'ennui, c'est justement ça : j'ai fini par m'ennuyer. Trop de loufoque tue le loufoque. Les quiproquos sont énormes, les clins d'oeil humoristiques trop nombreux et faciles, les personnages deviennent des caricatures ambulantes tellement énormes que le propos perd en finesse.
Et surtout, j'ai trouvé que le message perdait aussi de sa force; les personnages stéréotypés perdent leur côté touchant et le final complètement what the fuck ne m'a pas convaincue du tout. J'ai trouvé la résolution un peu facile.
D'accord on est clairement sur un registre humoristique et absurde, malgré tout un peu de réalisme n'aurait pas fait de mal. Juste un peu. Pour alléger la sauce.

En fait, j'attendais vraiment quelque chose de plus percutant que ça, mais ça n'a pas été le cas. Je n'ai pas non plus trouvé la fraîcheur espérée, cet humour un peu lourd à la longue et répétitif m'a fait l'effet d'une mayonnaise qui commençait sérieusement à tourner.
En plus, il reste quelques fautes énormes qu'une relecture correcte aurait largement pu effacer.
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La littérature blanche est tout de même plus en avance que nombre de romans SF dans la survenue du Rien : après Trois fois la fin du monde, voici que cette dernière est plus compliquée que prévue. Mais originalité ne rime pas forcément dire qualité.

Un traducteur misanthrope, fan de trains électriques, une lieutenante nymphomane et alcoolique, trois cailleras que personne ne respecte, une agent immobilière à la ramasse, une conseillère Pôle emploi à la langue bien pendue, des bretons nationalistes et un dictateur farceur. Voici quelques uns des protagonistes de ce roman barré.
L'histoire débute sur les chapeaux de roues, tout en ironie et en second degré et au bout de quelques pages, et en regardant celles qui me restaient à lire, je me suis vite interrogé sur la faisabilité de l'ensemble. Sur une centaine de pages, une pochade satirique peut me plaire, sur 400 pages, cela devient vite laborieux et répétitif. C'est le seul reproche, mais de taille, que je ferais à ce premier roman.

Religion, nationalisme, armée, instances internationales, individualisme, société qui marche sur la tête, tous les éléments étaient présents pour me faire passer un moment agréable, d'autant qu'une légère touche anar baigne l'ensemble. La fin grand-guignolesque est très réussie. Mais que le périple fut long pour moi. J'ai fini le livre en diagonale, afin de savoir où tout cela aller m'amener, mais j'ai failli lâcher prise de nombreuse fois.
A vous de voir si vous aimez l'humour sur la longueur...

Critique réalisée dans le cadre d'une opération Masse critique.
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Le dirigeant de la Corée du Nord a définitivement pété les plombs et menace de faire sauter la planète entière. de l'autre côté du globe, un traducteur au bout du rouleau n'a peut-être jamais été aussi préparé pour affronter la fin de notre monde. C'est le point de départ, et quel point de départ, du premier roman de Franck Thomas La fin du monde est plus compliquée que prévu à retrouver du côté de chez Aux forges de Vulcain. Lettres it be vous en dit un peu plus dans la suite de cette chronique.

# La bande-annonce

Ah, si l'on pouvait faire table rase et repartir de zéro ! C'est justement l'opportunité qui se présente à Sylvestre, traducteur misanthrope et asocial, lorsque le dirigeant de la Corée du Nord annonce qu'il va faire sauter la planète à la fin de la semaine. L'issue est claire : Sylvestre n'a plus qu'à se préparer pour l'Apocalypse, d'où rejaillira une société nouvelle. Mais rien n'est jamais simple en ce monde... pas même sa fin ! Et quand celle-ci approche, l'humanité se montre plus absurde, ridicule et touchante que jamais.

# L'avis de Lettres it be

Encore un récit de fin du monde allez-vous dire, alors que fleurissent encore et encore les textes du genre, quelle que soit la forme choisie. Eh bien détrompez-vous braves gens : Franck Thomas imagine la fin du monde de la façon la plus barrée qu'il soit ! Mais cette fois, la fin de notre ère se vit du côté de personnages complètement barrés : le facteur un brin fada à la langue bien fleurie, la conseillère Pôle Emploi lubrique au possible, la policière au bout du rouleau bien poussée par le goulot de ses bouteilles d'alcool, les trois voyous aussi incompétents que délirants… Tout y est dans cette farce bien moderne, tout fonctionne bien dans ce bonbon pétillant qui arrache la gorge et met la tête en ébullition. Dans tous les sens du terme…

Il y a l'absurdité d'un Jean-Paul Didierlaurent au meilleur de sa forme comme avec son Liseur du 6h27, il y a le pessimisme froid du Beigbeder d'il y a quelques romans, il y a la maîtrise de l'écriture et le parfait dosage de l'humour d'un… Franck Thomas. de toute évidence, le primo-romancier impose sa patte dans une histoire flamboyante, terriblement décalée, et pourtant tellement dans l'ère du temps. Facile de perdre pied dans un tel délire littéraire, et pourtant, Thomas réussit la tâche de main de maître. Fort !

Une galerie de personnages parfaitement dingues, une plume enlevée et qui dénote avec bonheur de ce que l'on peut lire ces derniers temps, un délire permanent et qui se déploie page après page… Franck Thomas marque les esprits avec un premier roman aussi frais que désopilant. Une histoire qui fait du bien parce qu'elle n'a pas de sens, ou du moins qu'elle en a autant que notre époque actuelle. On adore !

Retrouvez la chronique en intégralité sur Lettres it be
Lien : https://www.lettres-it-be.fr..
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Dans les salons officiels, après avoir écouté d’une oreille distraite le discours largement convenu du frère du dictateur défunt, les convives se détournaient déjà des écrans plats où la foule coréenne pleurait des rivières de sincérité au rythme synchrone des blindés en parade. Ils ne virent ainsi pas tout de suite l’adolescent qui s’approchait du pupitre pour y prendre la parole à son tour.
Ce n’est qu’en entendant l’interprète hésiter qu’ils se retournèrent :
— Euh… hé, bande de boloss ! Ouais, vous, les tocards de l’ONU et tout ce bordel. C’est pas tonton qui reprend les affaires, c’est moi ! Hé ouais, surprise. Vous vous êtes bien foutu de notre gueule, hein ? Ça vous a bien fait marrer d’assassiner mon père, bande de sales rats. Et ben, bouffez du LOL tant que vous pouvez, espèces de baltringues, parce que ça va pas durer ! J’ai un petit cadeau d’adieu pour vous : cinq cents bombes nucléaires miniatures planquées un peu partout chez vous, prêtes à vous exploser à la face. C’est pas beau, ça ? Un vrai feu d’artifices pour mon anniversaire, dimanche ! Pas la peine de venir nous envahir, j’en ai foutu chez nous aussi : hé hé, pas de jaloux ! Ah, et pas la peine non plus d’essayer de me faire tuer moi aussi : vous auriez plus aucun moyen de savoir où est le système de mise à feu que j’ai bien planqué, ni comment l’arrêter.
Puis, les yeux face à la caméra, il fit un geste du majeur largement populaire auprès des adolescents du monde entier, qui résumait avec assez d’évidence la position générale de sa famille vis-à-vis de ce même monde entier, au cas où ce dernier ne l’aurait pas encore bien saisie.

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Je l’ai branché et j’ai bien vu les effets que ça faisait ! Le déversoir à niaiseries que c’était ! […]
Cette télé, quand on est seule comme moi toute la journée, ça fait un peu de compagnie facile, ça délasse je dois reconnaître. Et puis même parfois, on n’en est pas fière, mais on rigole. Et quand on éteint, avec le silence et les binettes des vieux sur les murs qui nous fixent à travers les cadres, c’est comme qui dirait une solitude qui double. Oh oui, c’est pas évident, je vous dis. Parce qu’alors, y’a qu’une envie, c’est d’y revenir, à ce machin, pour oublier la mort qui vient. Mais c’est ça, la mort ! C’est juste qu’elle ne se voit plus, à force de la regarder trop en face à danser sur l’écran.
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Sylvestre roulait. Il était contrarié, donc il roulait. Il envoyait du fret, du voyageur, du wagon travaux, tout ce qu’il trouvait à portée de rail. Il roulait, c’était tout ce qui comptait, sans but et sans heurt, afin d ‘éparpiller sur le ballast la moisson de son courroux.
C’était devenu sa drogue : un tracas ? un rail. Et dès qu’il se sentait à l’étroit, il posait un aiguillage.
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Longtemps, il s’était couché de bonne heure. Cela ne l’avait pourtant pas empêché de mourir dans la force de l’âge, tout Chef Suprême de la République populaire et démocratique de Corée qu’il était.
La Corée du Nord avait, depuis plus d’un demi-siècle, un régime unique en son genre qui n’était parvenu à gagner, malgré un leadership incontesté dans l’oppression de son peuple et la provocation internationale, qu’une indifférence moqueuse de la part des autres nations, à peine ponctuée parfois de quelques pics de colère pour la forme. C’était d’ailleurs, disait-on, une grande frustration pour son dirigeant, qui l’emportait dans la tombe.
Bien sûr, à l’annonce de la mort du Sérénissime Maréchal du Pays du Matin Calme, quelques voix s’étaient élevées sur la scène internationale – particulièrement dans les pays aux échéances électorales prochaines – pour dénoncer la barbarie du tyran et le soulagement que sa disparition laissait espérer, en n’oubliant pas d’avoir une pensée émue pour ce peuple si valeureux qui méritait d’être soutenu dans sa transition vers la démocratie (par exemple, en bénéficiant des richesses que de généreuses volontés étrangères sauraient tirer des ressources minières de leur pays).
Mais dans l’ensemble, tous ces discours avaient l’accent de la gronderie parentale envers l’enfant qui s’est ébouillanté avec la casserole sur le feu : ça lui apprendrait, la prochaine fois, à vouloir la verser sur la gueule de son petit frère. Qu’il retourne en tirer la leçon dans sa chambre, et ne vienne surtout plus déranger les adultes, qui avaient d’autres choses autrement plus importantes à traiter.
Au fond, personne ne s’intéressait vraiment à ce qui allait advenir, puisque la poursuite dynastique du pouvoir ne faisait aucun doute. Le fils du défunt, Kim Jon-Hee, 13 ans, n’étant pas encore en âge de régner, ce serait inévitablement le frère qui prendrait la conduite du pays, avec peut-être une légère inflexion libérale comme on avait pu le voir à Cuba, mais rien qui nécessite dans l’immédiat de revoir sa politique étrangère ou de renouer des relations diplomatiques. On se contenterait du champagne à la santé du tortionnaire, comme on l’avait fait pour Saddam et Mouammar, et l’on retournerait jouer à se fair epeur entre puissances dirigeantes à grands coups de menaces et de porte-avions.
Dans les salons officiels, après avoir écouté d’une oreille distraite le discours largement convenu du frère du dictateur défunt, les convives se détournaient déjà des écrans plats où la foule coréenne pleurait des rivières de sincérité au rythme synchrone des blindés en parade. Ils ne virent ainsi pas tout de suite l’adolescent qui s’approchait du pupitre pour y prendre la parole à son tour.
Ce n’est qu’en entendant l’interprète hésiter qu’ils se retournèrent :
– Euh… hé, bande de boloss ! Ouais, vous, les tocards de l’ONU et tout ce bordel. C’est pas tonton qui reprend les affaires, c’est moi ! Hé ouais, surprise. Vous vous êtes bien foutu de notre gueule, hein ? Ça vous a bien fait marrer d’assassiner mon père, bande de sales rats. Et ben, bouffez du LOL tant que vous pouvez, espèces de baltringues, parce que ça va pas durer ! J’ai un petit cadeau d’adieu pour vous : cinq cents bombes nucléaires miniatures planquées un peu partout chez vous, prêtes à vous exploser à la face. C’est pas beau, ça ? Un vrai feu d’artifices pour mon anniversaire, dimanche ! Pas la peine de venir nous envahir, j’en ai foutu chez nous aussi : hé hé, pas de jaloux ! Ah, et pas la peine non plus d’essayer de me faire tuer moi aussi : vous auriez plus aucun moyen de savoir où est le système de mise à feu que j’ai bien planqué, ni comment l’arrêter…
Puis, les yeux face à la caméra, il fit un geste du majeur largement populaire auprès des adolescents du monde entier, qui résumait avec assez d’évidence la position générale de sa famille vis-à-vis de ce même monde entier, au cas où ce dernier ne l’aurait pas encore bien saisie.
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Vous avez su faire la preuve de vos compétences parmi nous, et comme disait mon grand-père général : excellence mérite récompense. Il disait aussi perte de repères conduit à l’adultère et insomnie de mamie c’est pipi au lit, mais cela n’a pas vraiment grand rapport.
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