Pierre-Ange Sawyer : Les Pieds sur terre

Monte-Carlo se préparait au grand sommet de la saison d'été, le gala de la Croix-Rouge, un évènement où la présence du prince Rainier et de sa famille est garantie. C'est l'apogée de la petite guerre mondaine. Tout le jet-set, de Saint-Moritz à Palm Beach en passant par le Koweit, converge cette semaine-là sur la minuscule principauté pour se confirmer dans son standing. Le jeu consiste à se faire inviter aux réceptions qu'il faut et à éviter celles où, comme l'insinue la rumeur publique, les personnalités ne viendront pas.

L’homme était vautré sur le dos en travers du lit défait. Autour de la blessure par balle sous son sternum, le sang était encore humide et brillant. Il avait un autre trou dans le front, d’où un filet de sang avait coulé dans les yeux grands ouverts.
La femme était couchée en chien de fusil sur le tapis près de la porte. Elle avait tenté de s’enfuir. Elle avait été tuée d’une balle entre les épaules et d’une autre derrière l’oreille.
Du travail de professionnel. Rien que deux balles pour chacun. Un dans le corps pour abattre la victime, l’autre dans la tête pour l’achever.
Deux personnes avaient cessé d’être des personnes très peu avant mon entrée dans la maison.

Il n’y avait personne dans le living-room et aucun désordre. J’attendis un instant, en tendant l’oreille. Je n’entendis rien.
Il y avait aussi de la lumière dans la grande chambre à coucher. La porte était ouverte. J’y allai et m’arrêtai net.
Ils étaient nus tous les deux, leurs vêtements dispersés sur le plancher.

Du travail de professionnel. Rien que deux balles pour chacun. Un dans le corps pour abattre la victime, l’autre dans la tête pour l’achever.