Il se dit vulgairement que la joie est le contraire de la douleur et que ces deux impressions de l’âme ou du corps sont incompatibles. On les oppose donc l’une à l’autre. C’est la ressource des littératures.
Comment faire comprendre qu’à une certaine hauteur, c’est la même chose et qu’une âme héroïque les assimile avec facilité ? Où sont-elles aujourd’hui, les âmes héroïques […] L’alternance immémoriale de la joie et de la douleur […] cela concerne la multitude.
Les âmes supérieures sont étrangères à ce flottement. Elles sont situés trop haut pour qu’aucune vague les troubles. Ce qu’on veut appeler bonheur ou malheur est accueilli par elles avec indifférence. Elles ne dédaigneront pas de jouir, si Dieu l’ordonne, mais leur prédilection est pour la souffrance et la souffrance est leur joie parfaite. C’est une joie telle qu’il n’y a pas pour ces chères âmes d’autre consolation ni d’autres espérances, lorsque des chocs imprévus ont brisé ou souillé momentanément leurs vases. Alors elles jouissent de souffrir, elles ont la concupiscence des tourments et, l’énormité de la peine devenant leur plénitude, elles ne savent plus rien du conflit supposé chez les autres âmes. La joie de souffrir ! Le Paradis terrestre ne l’a pas connue, ne pouvait pas la connaître, avant l’“heureuse faute” par laquelle serait procurée l’exultation de tous les dormants. (…)
Le point de vue qui doit tout embrasser et tout résumer à la fin dans les trois ordres de nature, de grâce, et de gloire est d’une simplicité absolue et presque monotone à force de sublimité: la Pureté même, c’est l’Homme de Douleur; la Patience même, c’est l’Homme de Douleur; la Beauté, la Force infinies c’est l’Homme de Douleur; l’Humilité qui est le plus insondable des abîmes, et la Douceur, plus vaste que le pacifique, c’est encore Lui; La Voie, la Vérité, la Vie, c’est toujours Lui; omnia in ipso constant. Du haut de cette Montagne symbolisée, à ce qu’il semble, par la Montagne de la Tentation, ont découvres tous les empires, c’est-à-dire toutes les vertus morales, invisible de tout autre point, et l’Amour seul, le grand, le passionné, le ravissant Amour, peut donner des forces pour y parvenir.
http://le-semaphore.blogspot.fr/2015/.... Le 29 novembre 2015 - pour l'émission “Les Racines du ciel” (diffusée tous les dimanches sur France Culture) -, Leili Anvar s'entretenait avec François Angelier, producteur de “Mauvais genres” à France Culture, chroniqueur au Monde, auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels on peut citer le “Dictionnaire Jules Verne” (Pygmalion, 2006) et le “Dictionnaire des voyageurs et explorateurs occidentaux” (Pygmalion, 2011). Il vient de publier “Bloy ou la fureur du juste” (Points, 2015), essai dans lequel il revient sur la trajectoire de Léon Bloy, qui ne cessa, entre la défaite de 1870 et la Première Guerre mondiale, de clamer la gloire du Christ pauvre et de harceler sans trêve la médiocrité convenue de la société bourgeoise, ses élites et sa culture. Catholique absolu, disciple de Barbey d'Aurevilly, frère spirituel d'Hello et de Huysmans, dévot de la Notre-Dame en larmes apparue à La Salette, hanté par la Fin des temps et l'avènement de l'Esprit saint, Léon Bloy, écrivain et pamphlétaire, théologien de l'histoire, fut un paria des Lettres, un « mystique de la douleur » et le plus furieux invocateur de la justice au coeur d'une époque dont il dénonça la misère sociale, l'hypocrisie bien-pensante et l'antisémitisme. Bloy ou le feu roulant de la charité, une voix plus que présente - nécessaire. Photographie : François Angelier - Photo : C. Abramowitz / Radio France. François Angelier est aussi l'auteur de l'essai intitulé “Léon devant les canons” qui introduit “Dans les ténèbres”, livre écrit par Léon Bloy au soir de sa vie et réédité par Jérôme Millon éditeur.
Invité :
François Angelier, producteur de l’émission « Mauvais Genres » à France Culture, spécialiste de littérature populaire
Thèmes : Idées| Religion| Leili Anvar| Catholicisme| Mystique| Douleur| Littérature| François Angelier| Léon Bloy
Source : France Culture
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