Il y a des livres, sortis de ma bibliothèque, qui traînent sur ma table de chevet, pour cause de lecture imminente, ou de lecture en cours qui s'éternise. Dans ce second cas, cela cache soit une difficulté particulière, fatigue, surbooking ou autre qui m'empêche d'avancer, soit un manque cruel d'enthousiasme pour l'oeuvre en question, parfois mise en jachère…mais il arrive, généralement pour les livres témoignages, les essais philosophiques ou spirituels, les poèmes, les nouvelles, bref, des non-romans, que j'aime à les sentir proches de moi à l'heure de m'endormir, comme si j'escomptais inconsciemment qu'ils s'invitent dans mes songes et m'apaisent.
le zen et la vie est ainsi resté des mois à portée de main, parce qu'il délivre un message fort.
Ce message, ce fil rouge, c'est celui de l'expérience de la vie, d'une longue vie au service des autres, pour les aider à surmonter des épreuves difficiles, relativiser une situation pénible, leur permettre de se détacher d'une vaine souffrance. Cette nonne de 91 ans véhicule le zen soto, principale école du bouddhisme zen, dont l'illustre importateur au Japon, au XIIIème siècle, était Dôgen. La pratique est fondée sur le zazen, la méditation assise, et s'est exportée en occident, notamment en France grâce à
Taisen Deshimaru.
La force de
Shundô Aoyama est de s'appuyer sur ses souvenirs, avec des situations qu'elle a vécues tout au long de sa vie, et dont elle tire un message de simplicité, d'humilité, de compassion et d'altruisme qui marque le lecteur. Son regard distancié, voire parfois critique envers certains de ses pairs qui se sont perdus dans une forme de mercantilisme, la grande accessibilité de son discours pour des non adeptes est particulièrement précieux et nous la rendent proche de nous, comme une vieille mère qui nous prodiguerait ses conseils pleins de sagesse. J'ai déjà pu en tirer de nombreuses citations ici, il y a quelques mois, donc.
Shundô Aoyama est aussi une femme d'engagement, dans son domaine, non seulement pour avoir dédié sa vie au zen, mais aussi à la formation de nonnes zen, au temple Aichi Semmon Nisodo de Nagoya, portant ses efforts sur la reconnaissance du statut des nonnes dans ce Japon où la place des femmes reste une cause plus difficile encore qu'ailleurs.
L'auteure a beaucoup publié au Japon, mais ses traductions en français se résument à deux ouvrages aux excellentes éditions Sully, dont celui-ci, essentiel. L'exposition bien chapitrée des situations évoquées permettra au lecteur de s'y replonger à loisir pour y trouver ou retrouver la sérénité.