En 1965, le critique d'art
Gérald Gassiot-Talabot inventa le terme de ‘figuration narrative' pour désigner le travail de jeunes peintres qui se démarquait largement des mouvements artistiques actifs à l'époque ( conceptuel, minimalisme, abstraction, pop art et nouveau réalisme). Ce terme se comprend assez aisément au vu des oeuvres des artistes associés à ce mouvement.
Quelques dizaines d'années plus tard, les concepts de narration et de récit sont devenus fréquents dans les analyses théoriques de l'art actuel. Ce livre rassemble une bonne vingtaine de contributions sur ces thèmes proposées par des théoriciens et des artistes, notamment lors de journées d'études organisées à l'Université d'Aix-Marseille. A la différence de la figuration narrative des années 60, la notion de récit utilisée dans cet ouvrage n'est pas très aisée à comprendre au regard des oeuvres présentées et elle ressemble trop à un vaste fourre-tout, défini de manière peu rigoureuse. D'ailleurs les différents auteurs tournent souvent autour de concepts proches les uns des autres et en font un usage qui leur est propre même si quelques glorieux anciens (Genette, Barthes, Deleuze,…) , convoqués à plusieurs reprises tout au long du livre, peuvent servir de phares au milieu de cet océan d'indétermination. Les différents articles forment donc un kaléidoscope dans lequel il ne faut trop chercher de cohérence. Par contre, la notion d'interférence, que l'on retrouve aussi dans le titre du livre, me semble être un substrat commun qui traverse de manière plus solide l'ensemble des textes : interférences entre plusieurs niveaux de compréhension d'une oeuvre, interférences entre plusieurs média, interférences entre différents lieux…
Malgré le côté quelque peu hétérogène de l'ensemble qui rend tout à fait vain une vision synthétique d'un pan de l'univers artistique actuel, le livre offre de nombreuses ouvertures sur des pratiques peu médiatisées et propose des réflexions d'une fraîcheur bienvenue. Certains articles souffrent d'un caractère un peu abscons mais d'autres sont plus lumineux et très intéressants. J'ai particulièrement apprécié ceux consacrés aux films sur les artistes au travail, à certaines installations exposées à la Biennale de Lyon en 2014, aux relations entre art et BD, à l'exposition de
Pierre Huyghe du Centre Pompidou en 2013, au travail de l'artiste Katrin Gattinger ou à celui de
David Claerbout.