Voici un livre tout à fait passionnant et original qui retrace une partie de la carrière criminelle d'Harry Starks, un gangster qui a écumé Londres dans les années dix-neuf cent soixante. Une partie des personnages est historique (mais traités comme des héros de romans) et d'autres nés de l'imagination de
Jake Arnott. Connaissant très mal et très peu le contexte historique de ce roman, je suis incapable de savoir qui a vraiment existé et qui n'est qu'un héros de papier, mais cela n'a aucune importance pour apprécier ce thriller.
L'ouvrage est divisé en cinq chapitres qui donnent la parole à cinq personnages qui ont croisés Harry et racontent leur histoire. Les personnages se croisent ou disparaissent, la plupart n'apparaissent que dans un ou deux chapitres, sauf George
Mooney, le flic ripou qui est avec Harry le personnage principal du roman et se retrouve tout au long du livre. Peu à peu se dessine un portrait d'Harry tout en nuances. Et le vrai méchant ce n'est pas lui, même s'il est loin d'être un ange.
Mis à part un acte de torture sur un futur complice (il lui passe à trois reprises son briquet sous les pieds), Harry se montre sous un jour plutôt agréable, même si on devine qu'il a tué ou fait tuer un autre de ses complices qui avait essayé de l'entourlouper. C'est un gangster à l'ancienne, homosexuel, pas vraiment violent, mais utilisant la menace plus souvent que la force brute et spécialisé dans l'extorsion de fonds et le racket. Il conçoit ses activités comme celles d'un homme d'affaires sans les gants blancs, il rêve tout d'abord de faire de son club un haut lieu du show biz, mais il ne s'adapte pas au goût de ses contemporains, préférant les stars des années cinquante, ce qui fait capoter son rêve.
On traverse les années soixante à Londres avec Harry et ses partenaires qui en dressent un portrait sympathique et même attachant. Il est souvent aussi victime des autres, en particulier du vrai méchant du livre. Les chapitres portent le nom du personnage qui parle, ainsi on y rencontrera un jeune gigolo naïf, un Lord complètement corrompu, un malfrat de seconde zone et un actrice ratée. La décennie septante sera racontée par un sociologue qui a pris Harry pour objet d'études et finit par devenir son complice.
Jake Arnott a réussi à varier les points de vue pour dessiner un portrait tout en nuances d'un gangster plutôt séduisant et touchant. le style varie aussi selon le personnage qui parle, ce qui est très intéressant et démontre le savoir faire de l'auteur. le dernier chapitre est le moins intéressant, racontant l'incarcération d'Harry…. jusqu'à ce que celui-ci reprenne la main. Les deux chapitres que j'ai préférés sont le troisième qui donne la parole à Jack the Hat et le quatrième, mettant en scène Ruby, une actrice ratée. Harry s'y révèle loyal, sympathique et tendre, malgré tous ses défauts et activités peu recommandables. le message du livre est aussi de dire que les méchants ne sont pas toujours ceux qu'on croit.
Un petit point faible de ce très beau et original thriller se trouve dans une certaine incohérence de la chronologie de la fin des années soixante. La succession des évènements de cette période n'est pas toujours claire, mais c'est peut être un effet voulu par l'auteur pour renforcer l'impression d'écouter d'autres personnes parler de Harry, avec bien sûr une mémoire faillible. Et dans ce cas,
Arnott a vraiment fait très fort.
Vous l'avez compris, je suis tombée sous le charme de Harry et je suis bien impatiente de lire la suite de ses aventures dans les tome 2 et 3 de cette trilogie que je vous recommande chaleureusement.
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