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EAN : 9782259278744
176 pages
Plon (05/11/2020)
4.06/5   44 notes
Résumé :
« La naissance est aussi déchirante que la mort. Une fine peau me retient. L’incise légère des crocs sépare mon être de son ultime enveloppe. Je suis passé de l’autre côté de la chair.
Mère lèche mon corps réfugié derrière les paupières closes. Sa langue est râpeuse, ce n’est pas la chair du dedans. Mes membres engourdis s’écartent, s’affolent. L’air me cerne, il rôde, se fraie un chemin à travers ma truffe, court dans ma gueule, fouille à l’intérieur, rentre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (22) Voir plus Ajouter une critique
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« La vie d'un loup advient quand le ciel, quand les arbres, quand le vent, quand les humeurs lui disent combien ils le veulent, lui, gardien des forêts et des sources. » (p. 20) C'est donc un loup que le lecteur est invité à suivre. D'abord louveteau, puis adulte plein de vigueur qui parcourt les montagnes et fonde sa propre meute. Il est libre, maître de son territoire, jusqu'au jour où il est pris par les humains. « Je ne retournerai pas dans ma forêt. » (p. 77) le loup est étudié, pesé, manipulé. On dit de lui qu'il est le premier, l'ancêtre de tous les loups de France. Désormais privé de grands espaces, de terre sous ses pattes et de vent dans sa fourrure, le loup regarde la marche du monde depuis des hauteurs mystiques. « La dernière de mes filles contemple la forêt. Et contempler, c'est déjà être fort. Son clan le sera. » (p. 98)

Avec cette fable antispéciste, Caroline Audibert chante son amour de la nature. Et je la rejoins dans cette harmonie qu'elle appelle de ses voeux. La nature humaine, parlons-en ! Dans son besoin de tout dominer, de tout plier à son ordre, elle nie les énergies millénaires qui animaient le monde. « La voix du berger est découragée, elle dit la fin d'un monde. Cet autre monde qui arrive ne sera pas tendre pour les loups. » (p. 113)

L'autrice s'affranchit parfois de la ponctuation pour montrer le bouillonnement de la vie, la hâte vitale ou des liens si forts entre les choses que placer une virgule n'aurait pas de sens. de même, d'une phrase à l'autre, elle fait passer les saisons, sans hiatus, dans une continuité organique évidente et inarrêtable. Au fil des pages, elle dépeint un ballet primal au sein duquel le loup n'a pas la place principale, mais tient un rôle indispensable pour la bonne marche de la nature. Il a autant de valeur que le champignon ou que l'aigle. Il évolue dans un monde uni et sans cesse renouvelé. C'est donc la colère qui naît en réponse à la violence injustifiée de l'homme et à la marche aveugle des engins. « Les hommes s'intéressent tant à nous qui ne cherchons qu'à les fuir. » (p. 78 & 79)

J'ai été saisie par ce texte puissant, étourdie par ce chant du loup, presque chant du cygne. Et surtout complètement convaincue par la revendication urgente de Caroline Audibert. « Réensauvageons-nous. Car tel est à mes yeux l'enjeu de l'époque. Faisons de notre coeur un pays de légende, ne mourrons pas de froid. Retombons amoureux de la Terre. Renouons avec les mythes. Écoutons les langues fauves, les langues nées de la nuit. » (p. 150)
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Durant quelques heures, je me suis transformée. Par la grâce de l'écriture précise et imagée de Caroline Audibert, je suis devenue loup.
J'ai revécu ma naissance dans la forêt. Nous étions nombreux mes frères et moi, les yeux à peine ouverts à nous presser contre le flanc chaud de notre mère à la recherche des mamelles.
Bien vite, j'ai grandi, j'ai découvert les mystères de la vie sauvage avec ses habitants, qui pour certains me ressemblaient, pour d'autres j'ai une certaine méfiance. Amis ou ennemis.

Ah, que je vous raconte ! Un jour que je me promenais, le nez au vent, j'ai aperçu au détour d'un chemin une drôle de petite montagne parsemée de points noirs se déplaçant en tous sens ? ni une, ni deux, j'y enfonce mon museau et me voilà bien surpris des picotements ressentis à cause de ces minuscules bestioles qui me courraient dessus. Voilà, il faudra que j'apprenne à me méfier même des plus petits que moi, si je veux grandir et devenir aussi beau et fort que mon père.

Un jour, j'ai vu un être étrange, se tenant debout sur deux pattes, avec à la main, un drôle d'engin qui lâchait du feu. D'instinct, je me suis caché.

Un jour, je suis mort, lorsque l'on m'a retrouvé, j'ai été examiné sous toutes les coutures dans un laboratoire.

« Nés de la nuit » est un magnifique roman, hommage à la nature. A la faune et à la flore.
A travers ce texte, l'auteure nous fait prendre conscience de l'importance de la vie sauvage
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C'est essoufflé que l'on ressort de cette lecture : une vie à hauteur de loup à travers les forêts italiennes et ce jusqu'au Mercantour . C'est en 1993 que le cadavre d'un loup y a été retrouvé, c'était le premier revenu en France depuis des siècles.
De sa naissance à sa mort, on ne relève pas le nez, on devient loup , on est loup.
C.Audibert est la fille de l'homme qui a découvert la dépouille, elle se glisse dans sa peau en une sorte d'hybridation pour raviver toutes les perceptions de l'animal. C'est exceptionnel.
On y croise tous les habitants de la forêts, des volants aux rampants, les cerfs, les ours même, les sangliers, nul n'est oublié. Mieux vaut ne pas être allergique à toutes les graminées écrasées sous les courses folles.
N'est pas oubliée la violence nécessaire à la survie de toutes les espèces, et le prédateur qu'est l'homme.
Un livre inclassable de 175p.
Merci aux Edts Plon et à Netgalley pour cette belle lecture.
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🐺 « Je commence à connaître le monde des hommes. Ils veulent savoir, prouver qui je suis. Il leur suffirait de me regarder, de me regarder vraiment, et ils sauraient. Mais les hommes ne regardent pas ainsi ». (P. 69)

🐺Nés de la nuit ou l'histoire d'un loup, le premier loup réapparu en France depuis des années, dans le parc du Mercantour. Son histoire se vit de l'intérieur, dans les profondeurs de la forêt, du fond de sa tanière, où odeurs et rumeurs se mélangent. Il y a celles rassurantes des siens, celles surprenantes des animaux et arbres qui les entourent, celles terrifiantes d'une « bête à deux pattes ». La terre se mêle au sang, à l'odeur chaude des carcasses encore frémissantes, à celle fraîche des glands tombés des arbres et des jours de printemps. Racontée à l'aune de ses sensations animales, dictée par l'instinct et la soif de survie, l'histoire de ce loup à travers les forêts françaises n'est autre qu'un combat pour reprendre sa place dans la nature, dans cet écosystème duquel il a été banni. Fascinants quand ils sont morts, on les trouve pourtant terrifiants lorsqu'il sont vivants. Telle est l'ambiguïté du loup, créature tout autant admirée que détestée.

🐺 Caroline Audibert livre un roman initiatique merveilleux, et ô combien nécessaire. Puisque l'homme est incapable de comprendre l'animal, il faut se mettre dans sa peau, sentir et vivre comme lui, il faut marcher des heures en quête de nourriture, sentir le déclin des forêts, refuge d'une faune sauvage présente depuis des millénaires, il faut ressentir l'instinct, le rythme des saisons, l'hiver qui exclue, qui fouette et qui ensevelit, le printemps qui apporte femelles et descendance, l'été qui livre ses brebis menées par l'homme, la fraîcheur que tous recherchent, et l'automne, terreux et misérable, qui arrache la vie, qui tonne. Il faut en arriver là pour comprendre l'importance du loup, sa rareté, sa légitimité, surtout. Il faut en arriver là pour comprendre l'absurdité de l'Homme, grand Régulateur par excellence, qui, du haut de ses deux jambes et armé du feu, extermine tout ce qui le dérange.

🐺 Voilà le premier livre de Caroline Audibert que je lis, et j'en suis émerveillée. L'intelligence de sa plume et l'urgence de la situation font de cet ouvrage un appel au secours, un besoin de conscience, une nécessité d'agir. Je suis certaine que nous ne pouvons continuer ainsi, et, comme le dit l'auteure, il faut nous « ensauvager ». Non pas vivre dans une cabane au fin fond de la forêt, mais plutôt essayer de comprendre les êtres qui nous entourent, comprendre leurs déplacements, leur évolution. Je suis persuadée, après la lecture de ce livre, que la maxime n'a jamais semblé si vraie : Homo homini lupus est.
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Ce livre retrace la découverte d'un loup, dans le Mercantour, en 1993 mais propose bien plus encore une immersion violente, tangible et fascinante au sein de la vie sauvage. C'est un roman naturaliste et poétique qui nous fait voir la nature autrement voir même de manière intimiste par le biais du narrateur animal doté de pensées humaines et sensibles. A travers le regard du jeune loup du Mercantour se révèle un rapport intime entre la faune, la flore et l'homme. Toute l'ambiance et le mythe de la forêt, protectrice et dangereuse à la fois, est parfaitement retranscrit et rend la lecture haletante, Ce roman original souhaite nous sensibiliser à l'importance de la vie sauvage et à la nécessité du respect de toute vie animale et végétale. La scène finale avec une petite fille dans un musée peut laisser croire que les nouvelles générations seront plus réceptives au langage sauvage d'une nature à protéger..La lecture est courte et captivante et le message écologique passe de manière très naturelle
#netgalleyfrance #nesdelanuit
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
L'aube apporte le soleil et le crissement des engins siffleurs. Ils mangent les branches, avancent, mordent les feuillages, les troncs poussent de hauts cris. Les arbres hurlent sourdement lorsqu'ils tombent, prisonniers des mâchoires avides. Ils roulent sur la terre, précipitent dans leur chute les branches de leurs frères. [...] Les arbres ne fuient pas, les arbres meurent, éclaboussent la terre de leur sève. [...] Étendus l'un contre l'autre, chairs à la merci des êtres grouillants, amoncelés sur un lit de branches qui ne croisent plus le ciel. Et partout cette odeur qui les macule, une odeur qui n'appartient pas à la forêt. La nuit prend fin. Les engins mangeurs de forêt sont partis. Les arbres se sont couchés, silencieux. Le ciel est grand et morne. Dessous, la terre apeurée.
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« Je me souviens de mon dernier printemps. Dans le grand rêve de la forêt, il est un versant où le soleil ne reste pas. La neige a tout emporté. Arbres rocs terre souffles. La neige coule, s’enfuit, mon corps sèche, enroulé autour du mélèze. L’arbre s’est couché contre la terre. Son tronc porte les cicatrices du gel, son écorce imbibée, griffée, écorchée raconte la lutte. La neige a refermé sa gueule sur l’arbre, sur mon corps hardi, la neige nous a brisés. La neige nous rend à l’été. L’arbre s’effrite par endroits, capitule »
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Je me repose à peine. Mon épaule est raide mais je marche vite. J'arpente ces terres nues. Des patrouilleurs, voilà ce que nous sommes. Aller venir écouter regarder sentir ouïr. Notre vie, ausculter nos terres, entendre les bois, les pentes raconter l'herbe qui pousse. L'herbe, nous avons besoin de l'herbe. L'herbe c'est le cerf c'est le chevreuil et le mouflon c'est le chamois le mouton et le lièvre la sauterelle le mulot le sanglier l'escargot l'oiseau le ver. Ces brins d'herbe foisonnants sont le début de ce que nous sommes. Lorsque nous posons nos pattes devant, nous savons où elle en est l'herbe, nous la sentons se relever, drue après la neige, devenir molle de chaleur, prendre des saveurs d'armoise, de mousse, de paille, nous savons si elle a soif et quand elle se gorge d'eau, quand elle monte en graines et quand elle vacille, harassée de soleil, nous connaissons ses odeurs et toutes les bouches qui la mangent. Toutes les bouches qui se retrouvent en nous.
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« Réensauvageons-nous. Car tel est à mes yeux l’enjeu de l’époque. Faisons de notre cœur un pays de légende, ne mourrons pas de froid. Retombons amoureux de la Terre. Renouons avec les mythes. Écoutons les langues fauves, les langues nées de la nuit. » (p. 150)
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Nous sommes des loups. Si l’un de nous tombe, d’autres se relèvent. Ensemble, nous ne mourrons pas. Nous venons de la nuit. Nous allons parmi les bêtes et les hommes, nous allons parmi les chants de la forêt, à peine séparés de la terre, pleinement nous-mêmes. Vieux peuple qui revient, qui grandit, qui lutte. Je foule la terre des ancêtres, louve farouche contre la terre aux pelages chamarrés.
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