Amour, amour...
La Valse de l'Amour retentit sous le chapiteau du cirque.
Les Quatre Diables entrent en scène pour un numéro périlleux de voltige. Sur les trapèzes, dans les airs : Aimée et Louise, les deux soeurs et Fritz et Adolphe, les deux frères. Achetés, élevés enfants à la dure par le père Cecchi, propriétaire de cirque. «Sur son corps les anciennes cicatrices se rouvraient et se mettaient à saigner, et le vieux collant était maculé de sang."
«Et soudain, pendant que Louise et Adolphe tourbillonnaient comme deux roues éternelles autour de leurs trapèzes, une pluie d'or étincelant tomba du haut du chapiteau et s'évanouit enscintillant dans le flot laiteux des ampoules électriques. L'espace d'un instant, les Diables parurent voler à travers un essaim d'or, tandis que la poussière, retombant lentement, parsemait leur nudité de milliers de paillettes resplendissantes.» Magnifique !
Aimée aime Fritz. Mais Fritz aime «la dame de la loge», une belle aristocrate fidèle spectatrice. Aimée et Fritz ont vécu toute leur vie ensemble, toute leur vie l'un à côté de l'autre. Les souffrances du travail car les saltimbanques, oui, les saltimbanques du cirque travaillent dur pour préparer leurs numéros, le froid et la misère quand le public est absent. «Dans l'écurie, les artistes, bleus de froid, tendaient leurs bras nus au-dessus d'une chaufferette, et les clowns sautillaient sur la terre battue, dans leurs chaussures de toile, pour se réchauffer.» Terrible !
Aimée ne peut plus supporter cette infidélité de Fritz. «Et maintenant, elle était là, cette étrangère; et à celle seule pensée, l'acrobate serrait les dents dans la colère de l'impuissance, une colère désepérée, purement physique. Qu'est-ce qu'elle lui voulait, cette femme, avec ses yeux de chatte ? Qu'est-ce qu'elle lui voulait, avec ses sourires de garce ? Qu'est-ce qu'elle lui voulait en s'offrant comme une catin ? le corrompre, le voler, lui dérober ses forces, le détruire ?» Cruel !
Fritz, allait-il finir ses jours dans un asile comme la troupe des Stars ?
Allait-il se pendre comme Charles le jongleur ? Allait-il finir dans la rue comme Hubert ou Paul ?
«Le désir, le désir triomphant, le désir dévastateur.» Tout cela va mal finir...
Ce court roman d'une centaine de pages est en réalité une longue nouvelle publiée en feuilleton en 1890. Les éditions Libretto republie aujourd'hui ce chef d'oeuvre oublié d'
Herman Bang. Traduction du danois impeccable d'Isabelle Frambourg et préface éclairante d'
Elena Balzamo.
Herman Bang, né en 1857, est un écrivain majeur de la littérature danoise du XIXème siècle. Proposé pour le
Prix Nobel de littérature en 1911, il le refuse.
Ecrivain mais aussi journaliste, conférencier, acteur et metteur en scène d'
Ibsen ou de Strinberg, il décrit la vie des petites gens qui souvent sombrent, corps et âme...
Ici,
Herman Bang vit le cirque : les répétitions, le spectacle, les soirées au foyer où le clown Tom «faisait de la musique en mettant de petits sifflets dans ses narines dilatées.»
Roulements de tambour...
«Monsieur Fritz et mademoiselle Aimée vont maintenant exécuter le grand saut, sans filet.»
Entrez, entrez, cher lecteur, sous le chapiteau du cirque, ouvrez bien grands vos yeux, vous allez lire un livre époustouflant ! Vous allez trembler de peur, pleurer de tristesse...vous allez vivre des sentations inoubliables, entrez, entrez, cher lecteur, dans ce chef d'oeuvre d'
Herman Bang !
Lu dans le cadre de Masse Critique. Merci Babelio !