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Denis Hollier (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070267941
464 pages
Gallimard (03/06/1970)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Ce deuxième volume rassemble ce qui, rédigé par Georges Bataille entre 1922 et 1940, est resté inédit. II contient des articles achevés, des conférences, des fragments abandonnés, des notes, de simples esquisses ou programmes. Le volume s'ouvre sur le récit d'un Rêve. - Sous le titre de L'Œil pinéal sont groupées les ébauches d'une "anthropologie mythologique" qui effectue l'articulation de l'expérience érotique et des différents niveaux de la pensée rationnelle. - ... >Voir plus
Que lire après Oeuvres Complètes 02 : Ecrits Posthumes (1922-1940)Voir plus
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Calaveras
A Jacques Prévert

L’existence que nous avons reçue n’est qu’une existence mise en morceaux : elle ne sait plus retrouver elle-même ses débris. En face des pays arriérés nous apparaissons pleins d’orgueil et de satisfaction : l’orgueil et la satisfaction démasquent la dégradation et la bêtise. Dans la mesure où elle se situe dans l’espace étoilé qui éblouit et déchire les sens, notre existence ne peut qu’avoir honte d’elle-même : elle devient mendication et gémissement.
Frappés par la misère morale nous avons regardé les pays que cette misère n’avait pas atteints et qui avaient gardé des secrets vivants. Mais le parcours a presque toujours été accompli si mal qu’il nous apprend plus sur nos misères et nos inssufisances que sur la vie, la VIE, que les peuples arriérés refusent de lâcher. De la mensuration de la science aux étalages dégradants des journeaux, la vie a été, là aussi, traitée en objet utile, en marchandise dont il est possible de disposer.
Il est lâche, il est abject de pénétrer dans ce qui est la vie autrement qu’avec l’embrasement intérieur que la vie est. Il serait préférable pour un homme d’être mutilé plutôt que de promener sa curiosité satisfaite et de faire entendre ses paroles de touriste devant chaque chose qui exige le silence et le tremblement. Autrefois des êtres ravagés par la misère de l’homme se mettaient en quête de Dieu au prix de ce l’angoisse insupportable. Aujourd’hui il n’est possible de rendre ce Dieu de la misère au néant qu’en s’avançant soi-même là où sévit le néant; qu’en cessant d’appartenir au repos pour entrer dans un hilarité extatique, proche de la mort. Ce n’est pas aux absents de la vie, c’est à ceux qui tremblent de jouer avec la mort et de découvrir la vie ingénue là où elle rit.
La peur a perverti les civilisés. L’ingénuité et le recueillement exigent l’audace extrême. Des êtres qui ont peur perdent l’ingénuité et il ne leur est pas possible d’être recueillis parce qu’ils sont obligés de fuir sans arrêt d’une illusion courte à une autre. Seuls les arriérés s’amusent avec la mort. L’intégrité de l’existence éclate dans les arriérés. Il est inévitable qu’elle fasse peur : notre fatigue exige qu’elle soit mise en morceaux. Lorsque l’intégrité appraraît liée à la misère et le gaspillage de la vie à l’abondance, il est juste que la mauvaise odeur de l’intégrité fasse trembler : ce qui est ingénu a une odeur de pourriture. Il appartient aux satisfaits de placer au-dessus des autres un monde où les tentures des pompes funèbres couvrent le visage mal élevé de la mort : toute l’abjection de la fuite et du gaspillage est trahie par l’abjection des tentures. Mais lorsqu’un homme blessé échappe à cet enfer de la satisfaction, il retrouve auprès de ses frères arriérés le bonheur d’être un homme.
Les civilisés cachent le visage de leurs semblables morts. Les yeux vides, les yeux tragi-comiques des morts ne les regardent pas vivre. L’hilarité ne secoue complètement les hommes que lorsquelle ala mort pour objet. L’hilarité fuyante qui n’est pas ingénue et déchaînée n’est qu’une prudence insupportable. Le rire sans danger est une abdication. Il sent mauvais la soutane. Le danger du rire est la mort. Le vent qui passe à travers les dents et les yeux des squeleetes est risible. La mort est une plaisanterie naïve. La mort fait du ciel sans étoiles un jeu d’enfant.
Tu ne décevras jamais avec assez de colère la comédie des GRANDES PERSONNES. Seule ta mort décevra cela avec un éclat suffisamment stupide. Si tu mourai “comme il faut” les grandes personnes pourraient te cacher avec leurs tentures. Les grandes personnes guettent ta mort pour pouvoir te prendre au sérieux comme une grande personne. Elles ont besoin de ta mort pour récurer leur dignité.
Ne meurt pas comme le roi Louis XIV.
MEURS COMME UN CHIEN.
Les hommes et les femmes à tentures noires voudraient que ta gaité tombe devant leur solennité. Ils prétendent qu’être gai, ivre et surtout plus n’est pas aussi boulversant que d’être solennel. Regarde leurs têtes par transparence : sous les chairs vertueuses et contrites leurs têtes de mort invisibles sifflent JE MENS entre les dents.
Quand une grande personne tombe par terre, ne souris pas : éclate de rire. Le néant s’ouvre sous tes yeux. Si tu abandonnais une parcelle du bonheur éclatant de vivre, tu serais étouffé dans leurs tentures. Les égoûts, c’est ce qui avalera les vieux enfants morts. Il y a un soleil éclatant au fond des égoûts. Quand tu seras englouti par la terre, tu sera ravi par le néant. Toutes leurs tentures ne sont rien de moins inavouable que la peur du néant. Ils sont pâles dans leurs vêtements de deuil devant ce qui provoque ton hilarité éperdue, ton bonheur de goujat.
Dans les kermesses du Mexique Dom Juan se retrouve aussi (il est squelette)
En europe pendant que le viel infatué de pierre approche, le goujat qui va mourir et qui boi chante à tue-tête assis sur la table :

Vivan le femine
Viva il buon vino
Gloria e sostegono
D’umanità
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OC II P377

Manuel de l'anti-Chrétien

"L'esprit chrétien exerce son action au-delà des églises chrétiennes"

2 Si tu ne veux pas accepter le christianisme, tu dois évidemment t'unir avec ceux qui le haïssent et envisager une lutte qui n'aurait pas de sens si tu n'y apportais pas l'essentiel de tes forces. Et tout d'abord tu dois prendre conscience de la signification de l'esprit chrétien dans le monde et, en particulier, de l'action que cet esprit exerce au-delà des prêtres et des églises. Les formes et les méfaits occasionnels du christianisme sont peu de chose, mis en regard de son essence intime et universelle, qui étend ses destructions aussi subtilement q'une peste, parfois même dans le camps de ceux qui croient lui être hostiles.

3 L'existence partagée entre la peur et la cruauté devenue chrétienne par défaillance

Afin de te représenter clairement l'essence de l'esprit chrétien, tu dois considérer tout d'abord les conditions chargées de l'existence sur la Terre. Tout ce qui s'anime à la surface de la planète refroidie est soumis à la dure loi de l'avidité, tous les êtres sont condamnés à se manger les uns les autres afin de se conserver et de croître : ainsi l'être humain tuant et opprimant ou participant au meurtre et à l'oppression, doit tenter de s'approprier toute richesse et toute force disponibles. D'autre part, la dépense libre des forces et des richesses accumulées est limité du fait qu'elle introduit en même temps que la joie explosive une menace immédiate de dépérition et de mort. Ainsi l'existence humaine est à la fois agression cruelle et conscience grandissante de l'anéantissement inévitable : elle passe de la cruauté à l'extrême effroi et revient subitement dans un grand désordre à une cruauté accrue. Il ne faut donc pas t'étonner que tes semblables aient cherché une issue (=christianisme) dans le gémissement et qu'ils se soient abandonnés à la honte d'eux-mêmes.


4 l'avidité est devenue le mal, le bien est devenu Dieu

Une vie aussi dure à supporter devait nécessairement être maudite par ceux qui la vivent. Et la malédiction ne pouvait être prononcée qu'aucun nom d'un bien qui aurait dû être. Ainsi tes lointains ancêtres ont-ils opposé au monde immédiat et malheureux dans lequel ils étaient condamnés à vivre une réalité supérieure à l'abri des changements et des destructions qui les effrayaient. Le bien s'est vu attribuer une sorte de souveraineté intangible et véritable; et le monde réel dont ce bien est absent a été regardé comme illusoire. Il a semblé que derrière les apparences changeantes des choses il devait y avoir quelque immuable substance et que cette substance seule véritable devait être conforme au bien quand les apparences trompeuses ne le sont pas. La philosophie a lentement construit le dieu unique et éternel du bien et de la raison, qui transcende la réalité déraisonnable et immorale. L'avidité - cad l'homme, cad toi- est devenue le mal et la malédiction divine s'est lentement étendue comme un brouillard sur ce monde où nous mourons.

5 La haine de l'homme pour l'homme

Dans la mesure où Dieu a exercé son obsession sur les esprits, l'homme réel est donc devenu objet de haine pour l'homme. La vie humaine n'a plus trouvé de raison d'être à ses propres yeux que la satisfaction qu'elle a de se savoir condamnable.


6 Nécessité d'une médiation entre le bien idéal et la réalité humaine

Tant que la divinité transcendante du bien n'était qu'une obscure représentation philosophique , il y avait une parfaite absence de rapport entre cette divinité et l'existence réelle des hommes. La condamnation de ce qui existe ne pouvait donc avoir aucune conséquence appréciable. Ce qui était humain ne pouvait pas être changé sensiblement et le dieu des philosophes demeurait dans l'inaccessible transcendance.
Il était cependant fatal qu'une communication s'établisse entre les deux mondes sans contact. Le christianisme est le pont jeté sur l'abîme qui séparait la réalité de l'idéal. Le mythe évangélique de la rédemption, l'incarnation du fils de Dieu et le rachat du péché originel par la mort sur la croix ont rempli l'espace que la philosophie laissait vide. Etant donné que l'angoisse humaine n'avait pas de cause plus décourageante que l'abandon dans lequel le Dieu bon aurait laissé le monde réel, une solution dramatique répondant aux besoins d'un symbole vivant et émouvant devait prendre aussitôt la valeur de l'interprétation lucide d'un mauvais rêve. Ainsi la "vérité" du christianisme s'est-elle implorée avec une force de conviction sans exemple.
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La « vieille taupe » et le préfixe "sur" dans les mots "surhomme" et "surréaliste"




Si l’on déterminait sous le nom de matérialisme une émancipation grossière de la vie humaine emprisonnée et larvée dans son système moral, un recours à tout ce qui est choquant, impossible à détruire et même abject, à tout ce qui abat, dévoie et ridiculise l’esprit – il deviendrait possible de déterminer en même temps le surréalisme comme une maladie infantile de ce bas matérialisme : c’est par cette dernière détermination que les nécessités actuelles d’un dévelloppemet conséquent se trouveraient précisées avec quelque force et sans retour possible aux prétentieuses aberrations idéalistes.

L’accord est suffisant en ce qui concernent l’état social actuel, les valeurs morales bourgeoises, l’édifice intellectuel qui les soutient. Il y a assez longtemps que toute activité de la pensée qui ne sape pas cet édifice délabré prend immédiatement l’apparence de rouerie gâteuse et de béatitude comique de cet édifice lui-même. Mais il est inutile d’insister ici sur la faillite de la culture bourgeoise, sur la nécessité de détruire un jour jusque à sa mémoire et de s’en tenir ds maintenant à de nouveaux principes d’agitation mentale. Pour peu qu’un malheureux bourgeois ait gardé une grossièreté humaine, un certain goût de la virilité, la désaffection à l’égard de sa propre classe devient rapidement une haine tenace ; et il est nécessaire d’insister dès l’abord sur le fait qu’une activité intellectuelle un peu fraîche, pas encore châtrée et domestiquée, est liée par la force des choses au soulèvement des basses couches sociales au travail de nos jours.
Reste à savoir comment agit cette force des choses, comment ce qui se passe dans des têtes bourgeoises, pratiquement désaffectées, vouées le plus souvent à des égarements criards, peut être associé à un bouleversement continu de toutes les constructions humaines, à une série d’effondrements et de catastrophes sociales dont l’ampleur et le caractère dépasseront naturellement la portée des ambitions même radicales.
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Dossier de a polémique avec André Breton

La seule possibilité d'émancipation pour l'individu de la classe bourgeoise résulte de l'action éventuelle d'un complexe icarien. Il est impossible de trahir sa classe par amitié pour le prolétariat, mais seulement pour s'arracher ce qu'il faut bien appeler "le feu du ciel", conformément à une terminologie proprement Nietzschéenne; et cela par simple subversion, pour le plaisir d'enfreindre des lois prétendues intangibles. Mais les individus ne veulent arracher le feu du ciel que pour s'anéantir, agissant comme des mites en présence de flammes d'acétylène.
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L'homme est ce qui lui manque.
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Vidéo de Georges Bataille
Elle s'inscrit dans la lignée De Sade, Baudelaire ou encore de George Bataille et devient une des premières femmes à écrire la sexualité "comme un homme". Cette écrivaine mi-pirate mi-punk a bouleversé la littérature avec une liberté de ton qui inspire encore les autrices d'aujourd'hui comme Virginie Despentes.
#littérature #féminisme #punk _____________
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