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Cécile Térouanne (Traducteur)
EAN : 9782742702404
156 pages
Actes Sud (04/01/1999)
3.32/5   48 notes
Résumé :
Parfois une nuit suffit pour changer un homme.
Celle que Sacha, jeune immigré russe déclassé, partage avec la très belle et très riche Lena le bouleverse au point de modifier le regard qu'il portait sur le monde. Au matin tout a changé, il ne reconnaît plus les rues de Paris et ceux qui, la veille encore, lui étaient proches, son frère, sa belle-soeur, son meilleur ami, ont désormais un visage accablant : celui de la misère.
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique
L'écriture de Nina Berberova me touche. Toujours.

Livre lu voilà des années, je viens de le relire et j'y découvre encore autre chose (merci Babélio pour la redécouverte de ma bibliothèque).

La construction d'un homme en devenir, déraciné (Sacha).

Comment trouver sa place dans un univers où vous n'avez pas assez de jalons, de clés de lecture, laissés par vos parents, disparus, partis trop tôt.

"Son coeur se serra lorsqu'il éteignit la lumière, un spasme comprima sa gorge quelques secondes, et il pensa que s'il était vraiment la "petite fille", la "chérie" qu'appelait sa mère autrefois, il pleurerait et que cela irait mieux. Mais il ne pleura pas, il faisait froid et mauvais dans son coeur sans vie, et dans sa tête pleine de songes venimeux s'installait une tristesse sans sommeil."

Combien le vide laissé par l'absence d'un père et d'une mère est une blessure ouverte. Il me semble que l'adulte qui se crée au travers des expériences (ici la rencontre avec une femme) aurait pu trouver une voie apaisée à ses questionnements s'il avait eu ses parents pour le guider dans son enfance, lui donner des clés, petit, dans la lecture de ses émotions, afin qu'il ne se retrouve pas pris dans un tourbillon de sentiments qui l'épuise et le paralyse.

Magnifique roman.
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Pour un premier roman ou presque, Berberova frappe fort et juste. Non seulement elle montre de façon discrète et sans apitoiements la condition des émigrés russes à Paris, leur extrême pauvreté, mais elle démontre comment aucun amour, en tant que sentiment, ne peut résister à de telles conditions et comment la misère détruit en l'individu ce qu'il a de plus fort et de plus beau, le réduisant à sa condition : "Que suis-je ? Qui suis-je ? Je suis pauvre, avec une mère déshonorée, un frère payé à la course, sa Catherine simplette et sortie de sa province ; prisonnier de mon avenir, je suis comme un aveugle les traces d'un autre, je mène une existence minable et je suis envieux."
D'une lucidité impitoyable, Berberova analyse comment aucun sentiment sincère ne peut résister au pouvoir de l'argent et que la pauvreté, loin de faire grandir l'être humain en le purifiant, le limite au contraire à ce qu'il porte de plus mesquin en lui et renforce dans son sentiment de solitude un être déjà loin de son pays et de ses racines. Et en même temps, c'est cet amour qui lui fait prendre conscience de sa situation, un peu comme le fruit défendu révèle à Adam et Eve qu'ils sont nus.
Il y a en germe dans ce court texte tout ce qui constituera l'oeuvre de Nina Berberova dans un style déjà extrêmement concis et efficace : on "voit" comme dans un film les personnages, leurs pensées et leurs actes.
Ce livre, qui n'est sans doute pas son meilleur, a été tout de même une belle découverte.
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LA SOUVERAINE de NINA BERBEROVA.
Comment une seule nuit d'amour peut changer la vision du monde du héros de ce livre. Plein de finesse une brillante analyse des sentiments et des codes sociaux. Sacha passe une nuit avec Léna et ne reconnaît plus rien autour de lui, ni sa famille ni la ville dans laquelle il vit. Que s'est il donc passé entre ces deux êtres? J'ai pensé à Zweig en lisant ce livre que j'ai beaucoup aimé.
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"La Souveraine" est le premier roman de Nina Berberova publié port mortem, en 1994, mais aussi un des premiers qu'elle ait écrits. C'est un court livre, dense, d'une finesse d'écriture qui parvient à nous faire ressentir toutes les émotions et le basculement qui s'opère chez Sacha, jeune immigré russe a Paris déclassé, après sa nuit passée avec la riche et libre Léna.
Il a compris que dans cette relation naissante il était celui qui serait capturé par la "Souveraine". En fait il ne maîtrise pas grand-chose. Ni la situation misérable dans laquelle il vit, ni les projets d'avenir d'avocat conçus et financés par le renoncement de son frère à une vie plus digne, ni la relation naissante avec Léna, ni le bouleversement qui en découle. D'un seul coup le regard qu'il portait sur le monde est changé, il ne reconnaît plus ceux qui, la veille encore, lui étaient proches, son frère Yvan, sa belle-soeur, son meilleur ami, ils ont désormais le visage accablant de la misère. Et le sentiment de honte qu'il ressent est tellement puissant, que pour le surmonter seule la colère et la haine lui permettent de survivre. L'amour ne lui apporte pas le bonheur, bien au contraire en ouvrant les yeux de Sacha sur sa condition, il tourmente son esprit et fait naître des sentiments sombres, l'envie et la mesquinerie. Il renonce à tous les projets d'avenir et ne ressentira que dégoût pour lui-même. Nina Berberova excelle en peu de pages à creuser l'âme humaine.
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Meilleur que le laquais et la putain mais moins bon que L'Accompagnatrice, ce court roman met en scène un personnage intelligent maix socialement contraint, modeste, honteux de sa condition sociale, de sa mère, de son frère et de sa belle-soeur. Une brève rencontre amoureuse avec une riche héritière sophistiquée et riche de sa propre existence accentue ce sentiment de déclassement, d'inaccompli. Comme à son habitude, Nina Berberova décrit ce processus qui mène, par comparaison, des êtres intelligents mais sans qualité particulière, incapables de se créer à mépriser leur environnement, à concevoir du dégoût pour eux-même, de l'envie pour des personnages brillants.Cette envie confine à la haine généralisée quand, impuissants, ces personnages refusent d'agir, de se développer en tant qu'individu, et mettant tout sur le compte du déterminisme et de la malchance, s'indignent sans s'insurger.
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Mon cher Vania ! Dieu ne te pardonnera pas ce silence de cinq mois, ni ton interdiction à mon petit Sacha chéri de m'écrire, comme si je n'étais pas ta chère maman, qui t'aime si fort et qui prie pour toi tous les soirs. C'est vraiment inhumain de me réduire, comme si je n'étais qu'une étrangère, à écrire à des proches pour obtenir des nouvelles de mon petit Sacha, et apprendre qu'il a réussi ses examens, par exemple. Suis-je donc si criminelle qu'il faille ne plus m'écrire ? Qu'ai-je fait de si affreux ? On ne vit qu'une fois, tu sais, et si j'étais restée avec vous, si je n'étais pas partie avec Garry, jamais je n'aurais pu vous envoyer cet argent, que j'obtiens à force de prières, sans lui dire bien sûr qu'il vous est destiné. Et si tu t'imagines, mon cher Vania, que mon départ fut une trahison, tu te trompes complètement, car c'était de l'amour. L'amour s'est emparé de moi, il m'a pris jusqu'au moindre souffle, et je n'ai pu lui résister, d'autant que c'était un homme bon et d'une excellente famille.
(...)
Peut-être ai-je été faible, mais que pouvais-je faire ? Si vous aviez été petits, mes chéris, je serais morte plutôt que de vous abandonner, mais là, tu avais un travail et pouvais entretenir Sacha, et puis la tendresse envers votre mère n'a jamais été votre fort. Et dieux du ciel, feu Alexandre Pétrovitch, ton père, ne m'a jamais donné non plus l'amour que mérite une femme.
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Il s'enfonçait ; alors même qu'il aurait dû exulter de bonheur, il était envahi par le sentiment d'un échec fatal. Il se retournait dans son lit ; ;il luttait faiblement pour rassembler les débris de ce qu'il avait toujours considéré comme beau et nécessaire, mais le combat était inégal, et la tentation nouvelle de ne rien croire et de se moquer de tout s'imposait avec chaque fois plus de vigueur. Il ne cherchait en fait dans ce combat que l'assurance enivrante d'une victoire facile, celle d'un Sacha puissant sur la gamin d'hier.
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En un éclair l'idée le traversa de faire ses comptes, l'inventaire de ses richesses et de se demander où était l'amour là-dedans. Cette question le laissa abasourdi quelques minutes ; brusquement l'expression des yeux plus sombres et de la bouche plus large dans le visage si pâle émergea de sa mémoire... Il se cramponna à ce souvenir, le sang afflua de nouveau dans son corps, il ressentit des picotements dans les mains et des bourdonnements d'oreilles. "Le voilà l'amour ! soupira-t-il avec un soulagement triste, c'est cela : un endroit secret, une étreinte, l'obscurité."
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Debout devant cette vitrine, Sacha, par désoeuvrement, se mit à penser en son for intérieur qu'assurément la géographie aussi était une science illustre à laquelle on pouvait consacrer ses années de jeunesse, qu'il y avait en elle quelque chose de particulier, non pas dans la discipline elle-même, mais dans ce rêve d'un espace illimité, propre à apaiser la soif de voyages et de migrations humaines, cette soif d'oubli de soi et de sa condition matérielle, cette aspiration à se trouver une nouvelle enveloppe, à briser le cadre établi par les gens et les événements autour de soi, à détruire les réactions figées associées à son nom ou à son visage.
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"Que faire ? se demandait-il. Les quitter, leur rendre tout ce que je leur dois, pour qu'ils n'interviennent plus dans ma vie. Mais avec quel argent ? ... Ce qui l'emplissait maintenant n'était plus l'amour de Léna -il pouvait rester longtemps sans penser à elle, pour y revenir paresseusement, un court moment, le temps d'un souvenir brûlant et d'un frisson-mais pour la première fois une haine inexplicable de tout ce qui n'était pas elle. Cette haine allait parfois jusqu'à l'extrême et englobait le jeune femme elle-même, sans aucune raison...
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Videos de Nina Berberova (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Nina Berberova
Nina BERBEROVA – Documentaire ultime (France 3, 1992) Un documentaire en deux parties, intitulées "Le passeport rouge" et "Allègement du destin", réalisé par Dominique Rabourdin. Présence : Jean-José Marchand et Marie-Armelle Deguy.
Dans la catégorie : Littérature russeVoir plus
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