Peut-être ai-je ainsi oscillé toute ma vie entre le désir d’invisibilité, de fusion dans l’apparaître du monde, et la terreur de disparaître ? Aurais-je traversé toutes ces années dans la hantise et la honte de faire tache – grasse, obscène – sur l’ordre infiniment subtil, impénétrable, inépuisable, du monde, du cosmos – ou de ne pas exister en mon nom propre ? Comment se faire accepter du cosmos, de l’ordre beau ? Et ces mots mêmes font tache. Comment les faire musique ?
Or, ce pouvoir d'État, où qu'il s'exerce et sous quelque forme que ce soit - libéral-bureaucratique, dictatorial, théocratique... -, nous assène chaque jour la démonstration de son incurie, de son incompréhension de la réalité, de l'étroitesse de ses intérêts, qu'il croit dissimuler sous l'autoritarisme et l'arbitraire...
Cette irrationalité radicale, essentielle, de la machinerie capitaliste ne peut - on s'en aperçoit bien tard - qu'engendrer des catastrophes. "Le sommeil de la raison engendre des monstres", disait Goya. Ce "sommeil de la raison", c'est ici son atrophie en raison instrumentale asservie à la dévastatrice production de valeur.
Le Cercle Littéraire de la BNF
Marie-Hélène Lafon, Daniel Blanchard, Stéphane Velut
Présenté par Laure Adler et Bruno Racine
Entretien du 26 octobre 2009 (60 min)