Le fait est que la virtuosité de Cézanne n’est pas adaptée à un public et une critique qui ne sont pas préparés ne serait-ce qu’à essayer de comprendre une nouveauté étrangement unique et solitaire. Ils sont peu nombreux à le défendre au départ, et ils sont foule quand il commence à être apprécié.
Nous voici donc arrivés à sa dernière période, dite « synthétique », lorsqu’il tente de préciser la finalité de son art, réduisant dès qu’il le peut les formes à leurs termes essentiels. Mais la géométrie des volumes, l’aridité des rochers, la plasticité des figures, des objets traités « par le cylindre, la sphère, le cône » sont baignées de poésie. Une poésie que Zola ne saura malheureusement jamais lire. Il ne comprend pas et renie l’art de son ami.
Non seulement, mais il en fait le protagoniste d’un roman intitulé L’œuvre (publié en 1886) qui décrit l’histoire d’un peintre raté, incapable de se réaliser (que l’on peut lire aujourd’hui comme l’histoire d’un incompris, mais qui fâcha alors définitivement Cézanne avec son auteur).
Pour arriver vraiment à comprendre la vie de Cézanne, le solitaire d'Aix-en-Provence, celui qui sans disciples ni présomptions a jeté les bases de l'art d'avant-garde de notre siècle et soulevé des problèmes essentiels comme celui de la composition et de la décomposition des formes, il ne suffit pas de regarder les faits. Il faut aussi, st surtout, interroger les écrits, les lettres qui témoignent de ses amitiés, de ses idées, de la cohérence de son travail assidu.
Aucune aventure, aucun scandale, aucune bizarrerie. …. Il n’a pas eu de relations profondes qui aient pu marquer ses choix et sa pensée, il n’a jamais adhéré à aucune théorie ni à aucune philosophie voulues ou dictées par d’autres…. Il étudiait de manière personnelle pour créer une façon de peindre authentique et bien à lui. Il a pourtant souffert de l’exclusion et de la dérision dont il a été victime, fuyant ceux qui le refusaient, mais il a toujours lutté pour être fidèle à lui-même et suivre son propre courant.
La peinture, il l’a vraiment choisie rationnellement, en la mettant déjà tout jeune en tête de la liste de ses nombreux intérêts. En effet, l’éducation humaniste, les études classiques, le collège Bourbon qu’il fréquente en 1852 avec Emile Zola et même l’Ecole de Dessin d’Aix ont éveillé sa passion pour les lettres, la poésie et la musique (c’est un grand admirateur de Wagner) qu’il pratique en jouant dans un orchestre où Zola est flûtiste