Face au Styx est une odyssée s’autorisant le délire, joyeusement excessive dans sa volonté de faire bander les morts.
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De la steppe soviétique à Paris, puis à la littérature et à cette langue d’adoption, le français, que l’écrivain russe pousse dans ses retranchements : c’est « Face au Styx ».
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Le héros du nouvel ouvrage de Dimitri Bortnikov dérive dans un espace dévasté et crépusculaire.
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Un Russe erre dans Paris, dialoguant avec des amis morts ou vivants. L'auteur prend le lecteur au piège d'une logorrhée étourdissante.
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Ma famille et nos fêtes et rêveries à la gueule ouverte pleine de mouches qui copulent, et soleil, et les nuages gonflés comme des braguettes. journées d’automne, journées de cristal quand l’hiver retient son souffle et puis – moissons d’âmes, mains gelées, et on s’écroule et on roupille comme la hache sur le billot, journées fraîches et nuits qui rallongent…et on voit à travers ces journées de rubis – forêts rouges et vermeil, forêts or ! ça ne dure qu’une semaine, oui, semaine sainte du Nord ! même aux enfers y en a une ! semaine, quand l’hiver éternel cherche sa nappe ! matins au ventre couleur grenade comme les bouvreuils en janvier, couchers et aubes saphir ! mon sang ! les journées pour renaître sans mourir.
Tire au moindre mouvement, la tête du trouduc dans le viseur à l’intersection exacte des abscisses et des ordonnées, sa cervelle qui roule en bas de la digue, dans le fleuve. Italiens et Autrichiens. Puis le trouduc se déshabille, me dis-je en parcourant les douze kilomètres de voie désaffectée, il se déshabille, le trouduc, avec sa cervelle toujours sur la digue et sur son cou, il se baigne dans le fleuve, et le fleuve c’est de l’acide qui dissout, me dis-je, veillant à poser les pieds sur les traverses et pas sur les cailloux du ballast, et le trouduc se dissout dans l’acide du fleuve avec un petit nuage de fumée, me dis-je en parcourant les douze kilomètres de voie ferrée désaffectée. Et le Piave murmurait calme et placide au passage, et les soldats autrichiens et italiens se lèvent, des milliers et des milliers de soldats se lèvent et marchent vers le fleuve. Italiens et Autrichiens, front et front, debout, vers le fleuve. Et des milliers et des milliers de soldats marchent vers le fleuve, me dis-je en marchant sur les traverses, ils marchent vers le fleuve, l’exode des hommes minuscules vers le fleuve empoisonné, et ils se déshabillent, les hommes minuscules, tous les hommes se déshabillent en marchant vers le fleuve empoisonné, me dis-je en marchant, et ils se baignent dans le fleuve, un après l’autre ils se baignent dans le fleuve, un après l’autre ils se dissolvent dans le fleuve et deviennent un petit nuage de fumée, me dis-je en promenant mon nuage en laisse, un petit nuage de fumée dissous dans l’acide, un après l’autre, des milliers et des milliers de soldats, et ils laissent une tache couleur rouille dans le fleuve, une tache couleur rouille que le courant emporte, me dis-je en marchant en haut de la digue.
ça touche à la vie, ça... oui ! ça perce le sac du réel, ça ! alors non et re-non ! faire délirer le présent, réchauffer les rails du présent et - les tordre ! ça... on te coupera et la langue et les oreilles et ! on les changera de place !
Le Piave murmurait calme et placide au passage des premiers fantassins le 24 mai1. Le Piave. Deux fronts. Italiens, Autrichiens. Tu te postes au milieu des branchages. Tire au moindre mouvement. Guerre de position. Tu le vois en face, l’ennemi. Tu le vois en face, le trouduc. Italiens et Autrichiens, me dis-je en parcourant les douze kilomètres de voie ferrée désaffectée avec mon nuage en laisse, mon nuage d’expiations amères en laisse. Tire au moindre mouvement. L’ennemi, un ennemi, se dirige vers le fleuve. Tu le vois en face, le trouduc. Tire au moindre mouvement, tu le vois en face, le trouduc, tire. Peut-être qu’il va chercher de l’eau, peut-être qu’il va chercher de l’eau avec un seau, le trouduc dans le viseur, au centre du viseur, à l’intersection des deux lignes du viseur, le crâne écrabouillé du trouduc, il suffit que tu presses la détente, il suffit que tu presses cette con de détente, me dis-je en parcourant les douze kilomètres de voie ferrée désaffectée pour aller récupérer ma femme couchée sur la voie désaffectée, qui attend que le train fasse rouler sa tête en bas de la digue, dans le fleuve. Tire au moindre mouvement. Italiens et Autrichiens, front contre front
Oui,je sais , je sais ...on ne baise plus les yeux fermés depuis Proust!Mais on s'allonge quand même , le lit est propre , on le défait sans amour,sans mots,et on s'endort comme deux chauves-souris clouées au plafond en plein midi par des gosses méchants !oui, ça arrive ! et alors?
Traverser le Styx avec Dmitri Bortnikov et Julie Bouvard. Modération par Camille Thomine - samedi 1er octobre 2022, 16h30-17h30 - Château du Val Fleury, Gif-sur-Yvette.
Festival Vo-Vf, traduire le monde (les traducteurs à l'honneur)