Si vous connaissez déjà
Ella Maillart, grande voyageuse suisse, vous n'apprendrez sans doute pas grand chose avec ce tout petit livre, mais vous pourrez toujours apprécier la magnifique présentation que
Nicolas Bouvier fait d'elle.
Dans ce portrait, on lit toute l'admiration, le respect et l'affection qu'il a pour cette grande dame, cette femme qui dans les années trente a parcouru toute l'Asie en compagnie de Peter Fleming - celui-là même qui a inspiré le personnage de James Bond à son petit frère! - et a maintes fois recommencé seule ou accompagnée, jusqu'à ses 80 ans passés!
Quelle personnalité! Enfant, elle se passionne pour les grandes villes soviétiques aux sonorités exotiques, dévore les récits de voyages et d'explorations, rejoint la Corse en bateau seule avec son amie Miette - future maman de
Delphine Seyrig - à vingt ans. Puis fréquente les milieux bohèmes, avant de se lancer dans un reportage sur le jeunesse russe, prétexte à partir, enfin, pour la grande aventure.
Quand, en 1952, le jeune
Nicolas Bouvier lui demande quelles routes prendre pour aller de Genève à Madras, elle lui répond: "partout où des hommes vivent, un voyageur peut vivre aussi..."
D'abord fascinée par les différences, elle finit par apprécier, plus tard, les ressemblances, ce qui nous unit plus que ce qui nous sépare. Son regard sur le monde se veut à l'écoute de ce qui l'entoure, hommes comme nature.
Les quelques photos présentées dans ce livre,allant de l'Ouzbékistan au Tibet, sont empreintes d'humanisme et de beauté, montrant des portraits pris sur le vif. Je suis restée un long moment émerveillée devant le visage extatique d'un jeune pèlerin tibétain, en 1935, venant à me demander ce qu'avait bien pu être sa vie par la suite, son portrait étant si net.
Une petite anecdote pour finir: invitée chez Pivot à 86 ans, alors qu'elle évoquait Pékin, un invité lui demande si elle aurait par hasard croisé le chemin de cette femme aventurière qui a traversé l'Asie et la Chine en compagnie de Fleming. Amusée, elle s'est écriée: "c'est moi!"