Dire quelque chose de plus après la magnifique critique d'un de nos babeliotes, Endymion, semble difficile et superflu mais je continue l'exercice car l'écriture de
Joseph Boyden m'a vraiment touchée , émue et accrochée .
J'ai donc découvert cet auteur à travers ce recueil de nouvelles, et quelles nouvelles !
Mon premier Boyden est et sera
Là-Haut vers le nord .
Treize nouvelles, comme les treize semaines composant le temps d'une saison…et il y a bien quatre saisons dans ce recueil .
Joseph Boyden amorce sa partition avec l'Est, la saison de la peine, ensuite avec le Sud, la saison de la ruine, puis avec le l'Ouest la saison de la course et enfin le Nord la saison du retour.
Cycle des saisons, cycle des illusions et des désillusions qu'il faut guérir. Et chez les Cree pour guérir, il faut honorer les quatre points cardinaux dans ce sens pour former le cercle avant le rituel.
L'auteur est avant tout un passeur de mémoire et il s'exprime à travers ses personnages, comme Rémi. « Rémi n'aime rien tant que les cycles. Les choses qui se répètent, les routines quotidiennes, il semble ne vivre que pour ça. Maman dit qu'il est l'incarnation des Crees d'autrefois, avec leur passion pour les cycles, les saisons, le cercle de guérison. »
Treize nouvelles pour nous faire ressentir le déchirement entre passé et présent et le futur rêvé ou possible.
Nous voyageons à travers une série de personnages, tous apparentés de près ou de loin à l'aïeul, « le vieux », celui qui parle au Weesageechak, le trompeur ou figure bouffone .
Dans ces tranches de vie, chacun à sa manière, témoigne d'une réalité quotidienne où affleure légendes et croyances amérindiennes : ici, les indiens Crees du Nord de l'Ontario, de la baie James (partie inférieure de la baie d'Hudson).
A travers chacun d'eux, l'auteur donne la parole à des âmes blessées, des esprits éveillés.
En même temps réalistes et poétiques, ces nouvelles nous permettent de percevoir, partager les difficultés, failles et maux (diabète, malformations dus à la pollution, drogue…) que les Crees rencontrent dans leur réserve au contact de la société moderne matérialiste.
Comme le dit Soeur Jane « N'oubliez pas, Père Jimmy, qu'il n'y a pas si longtemps, ce peuple vivait en autosuffisance. Les jeunes d'ici sont écartelés entre ce qui n'est plus et ce qui n'est pas encore là ; entre tout ce qui fait leur identité de peuple et tout ce que nous leur demandons de devenir. »
Mais ces nouvelles dessinent aussi les contours d'une spiritualité toujours vivace : les esprits, les windingos (les démons), les animaux totems sont bien présents et n'ont pas été effacés.
J'ai été particulièrement émue par la dernière saison, le retour, où les points de vue de différents personnages interfèrent sur la vision d'un même événement : le décès de l'une d'entre eux Linda (petite-fille pour l'un, fille, tante, nièce, cousine pour d'autres).
le retour de son corps parmi les siens permettra à la communauté de communier autour du chant de la rivière et , pour quelques heures renaître en célébrant les Manitous.
C' est avec ce recueil,
Là-haut vers le Nord, que j'ai découvert
Joseph Boyden.
C'est un gros coup de coeur, je suis tombé sous le charme de son écriture, profonde et sincère qui a déclenché en moi beaucoup d'émotions.
J'attends avec impatience de le retrouver dans «
Le chemin des âmes » et «
Les saisons de la solitude » ou «
Dans le grand cercle du monde » .