Depuis que la série Viking existe, tout le monde veut en être un. C'est vrai que la vie de viking, ça a l'air cool, surtout depuis le canapé. Pourquoi les gens sont-ils aussi cons à prendre leurs rêves pour des réalités possibles ? Nous ne vivons une époque de merde que parce que nous n'y survivrons pas, mais à part ça, la vie des vikings n'a rien à nous envier. C'est un peu ce que nous rappelle
Régis Boyer.
Régis est un spécialiste de l'histoire scandinave et de tous les trucs qui tournent autour. Après avoir lu son gros bouquin sur
l'Edda poétique, on m'a filé ça entre les pattes, le jour où j'ai eu 26 ans (c'était il y a longtemps et je me croyais déjà vieille, si j'avais su). Il pleuvait beaucoup ce jour-là, et j'avais dû faire la vaisselle quand même. Heureusement, il restait une bouteille de blanc dans le frigo. C'est ça d'être née en hiver, ça fait pleurer tout le monde.
Avec son livre sur les Vikings, Régis vise avant tout à démythifier le viking. Il nous rappelle qu'avant d'être un viking sanguinaire habité par la furor divine, comme on se l'imagine tous, le viking n'est qu'un commerçant qui cherche à se faire du fric et à coloniser des terres. Sa réussite dépendait moins de son ingéniosité, de sa force ou de sa ruse, mais de la nullité de ses adversaires qui pensaient, parce que le Christ les avait déjà sauvés une fois, que plus personne ne viendrait jamais les tabasser à domicile. Etre plus fort qu'un Irlandais au 9e siècle, ça ne veut pas dire être fort, ça veut dire être moins nul qu'un Irlandais. Aussi, le viking est un type qui s'adapte bien aux contrées qu'il colonise. Il s'acculture très vite, finit par adopter les coutumes, les institutions et la religion. C'est ce qui permit au phénomène viking de durer près de 2 siècles, entre 850 et 1050, et c'est ce qui causa sa fin également. Avec la christianisation progressive de la Scandinavie, le mouvement viking partit en débandade. Régis explique tout ça beaucoup plus en détails mais faut se taper des centaines de pages d'histoire et encore, c'est le foutoir parce que ça ne se passe pas du tout de la même façon en Suède, en Norvège et pour les Danois. Une grosse partie qui prend la tête.
L'autre partie chiante du livre, c'est quand Régis fait l'inventaire technique de l'outillage, de l'habitat, de l'habillement et de la nautique viking.
Une partie intéressante, c'est quand il explique la mythologie viking. On évite les raccourcis sur le Ragnarök (la fin du monde semble en fait préluder à une renaissance, comme Noé et son déluge) et on voit comment les figures des dieux les plus connus, Odinn en tête, ont évolué dans le mélange interculturel. Régis démythifie aussi le phénomène runique en nous disant que ce n'est pas que de la magie et que les runes servaient aussi comme moyen de communication basique, pour compter les moutons, pour faire la liste des courses, ou pour d'autres trucs comme ça.
Enfin, Régis termine en faisant le bilan de la récupération du phénomène viking dans la culture occidentale depuis le 12e siècle. Il nous montre qu'on est passé du viking-méchant au viking-sauveur de l'occident, romantique avant l'heure, et c'est sans doute à cause de cette image romantique (encore une fois, le romantisme est une plaie) que l'occidental en vient à se haïr, alors que c'est finalement lui qui a vaincu le viking à l'usure.