Tout d'abord, un grand merci à Gallimard pour ce nouveau service presse. A chaque colis que je reçois, c'est un enchantement total. Sincèrement, merci pour la confiance que vous continuez de placer en moi, cela vaut tout l'or du monde. J'étais très curieuse de lire le premier tome de la saga Les sorcières du clan du Nord (The Hawkweed Prophecy en VO) car ce dernier est décrit comme un mélange parfait de roman contemporain et de fantasy, et qui aurait déjà des airs de grand classique des deux genres. Voilà de quoi m'intriguer franchement. Et puis, la couverture, aussi bien la française que l'originale et les autres couvertures internationales, bien que différentes, ont toutes une aura intemporelle, envoûtante, presque mystique. Bref, de quoi nous enivrer et nous donner envie de découvrir cette histoire sombre, mystérieuse et à l'enjeu incertain et pesant. Vous allez comprendre de quoi il en retourne. Deux jeunes filles ont été inter-changées avant même leur naissance, dans le ventre de leur mère respective. Oui, c'est déjà choquant. Nos deux héroïnes vont alors évoluer dans un monde qui n'est pas le leur et les rejette ainsi naturellement.
Elles mêmes sentent que leur place est ailleurs. Oui, mais où ? On pourrait croire que leur rencontre va tout arranger. Or, ce sera loin d'être le cas. Certes, la vérité va éclater mais va amener le chaos avec elle, et le désarroi. Au niveau des personnages, Poppy est de loin mon préféré. Elle a grandi rejetée par tous à cause de ses dons surpuissants qu'elle ne maîtrise pas et qui explosent avec ses sentiments de colère et d'injustice, ce qui a crée une image d'elle d'indésirée folle à lier et à l'âme très sombre, alors qu'en réalité, Poppy est le personnage le plus humain du roman. Certes, ses capacités sembleraient faire croire qu'elle est une fille hors normes à tous les niveaux, mais justement : c'est parce-qu'elle n'est pas "normale", qu'elle se démarque, qu'elle a une personnalité et une âme plus belle que toutes les autres, même au sein des sorcières, son clan, qui n'est au fond qu'un calque des humains faibles et avides de pouvoir, de supériorité. La seule différence, c'est que les sorcières savent utiliser les herbes comme personne, se transformer et jeter des sorts. Point final.
Poppy sort du lot car elle est force et vulnérabilité à la fois. Elle m'a véritablement bouleversée car elle fait preuve d'une grande abnégation, envers Clarée, Leo et les deux clans rivaux de sorcières, Nord et Est, mais elle ne se laisse pas faire pour autant. Poppy a l'âme d'une survivante, elle éprouve tout de manière intense et cela va risquer de la briser, mais cela rend son personnage d'autant plus poétique et évocateur, d'une humanité remarquable. Quant à Clarée, celle-ci paraît de prime abord le soleil à la lune que serait Poppy, lui apportant la chaleur de l'amitié dans sa vie solitaire et malheureuse, mais en réalité, je trouve que Clarée représente beaucoup plus l'humanité dans toute sa faiblesse à céder trop vite à la tentation de vouloir se faire aimer des autres. Ni son prénom, qui rappelle la lueur du matin, ni la blondeur angélique de ses cheveux et ni son teint laiteux de poupée en porcelaine n'ont eu raison de moi. Je n'ai pas cédé comme Leo, ou même comme Poppy, qui pense que la vie de Clarée vaut mieux que la sienne.
Et laissez-moi vous dire que je ne suis pas du tout d'accord. J'aime Clarée également, car au fond, elle est une bonne personne et, au début du récit, je la préférais même à Poppy de par son optimisme spontané et son innocence qui lui faisait voir tout dans la vie avec émerveillement. Mais en se retrouvant plongée dans la grande ville, Clarée va se dénaturaliser,_et perdre son étincelle de pureté et d'authenticité pour devenir une fille qui se maquille et qui a un petit copain. A travers ce personnage, on a l'allégorie du passage de l'enfance à l'âge adulte, qui se fait toujours très durement malheureusement, et où la plupart des adultes y perdent leur âme d'enfant, comme le disait
Saint-Exupéry. Je n'en veux pas à Clarée, d'avoir ce besoin viscéral, presque malsain, de se faire accepter, au risque de se perdre elle-même et de devenir une vraie égoïste. Elle ressemble en cela à sa mère adoptive, Charlock, d'ailleurs. Cette sorcière, qui me semblait très douce et compréhensive au début, a perdu le savoir de profiter de la vie pleinement, avec les choses élémentaires, que l'amour de ses proches,_au profit d'une guerre civile au sein des magiciennes qui l'a rendue aigrie, au point d'y sacrifier sa fille biologique, Poppy, dans le processus.
Autrement dit, on se complique vachement la vie pour des querelles avares, qui nous plongent dans une souffrance sans nom. Voilà notre seule récompense. J'ai beaucoup apprécié le fait que l'auteure parvienne ainsi à dépeindre toute la complexité du genre humain, de nos émotions et de nos objectifs, au travers de personnages qui prennent toutes les teintes du trombinoscope et dont les actions, tantôt joyeuses et désintéressées, tantôt emplies de noirceur et de l'envie de faire mal, à divers degrés, sont déterminantes de qui ils sont. Par exemple, Surelle est l'image de la sorcière disgracieuse, qui ne soucie pas de son physique mais de tout ce qu'elle peut accomplir en tant que sorcière, de son ascension. Je la pensais antipathique au possible, par rapport à sa "cousine" Clarée,_mais elle est d'autant plus intéressante car elle aimerait juste que sa mère l'aime pour ce qu'elle est, même si il lui arrive d'échouer, même si elle n'est pas parfaite dans tout ce qu'elle fait. Qu'elle l'aime juste parce-qu'elle est sa fille. N'est-ce pas la plus belle chose qui soit ? le pire, c'est que Crécerelle, l'impitoyable cheffe du clan Nord, aime sa fille du plus profond de son coeur, mais ce n'est que lors de l'issue tragique de toute cette histoire qu'elle le réalise, alors brisée par son existence.
Pour conclure, je dirais que ce premier roman écrit par une scénariste m'a agréablement surprise. L'écriture est belle et fluide, et est multicolore, comme le rayonnement des personnages : de l'ombre à la lumière, de l'enfance à l'adolescence au passage à l'âge adulte, de la maturité, du talent, de la lucidité, de la vigueur d'esprit : ce livre sait s'adresser à tous, et c'est ce qui fait d'
Irena Brignull une très bonne conteuse qui donne vie à son imagination sous nos yeux, à la manière d'une projection cinématographique. Je confirme donc que, pour ma part, son expertise en matière de scénaristique n'éclipse pas sa patte d'écrivain mais au contraire : la bonifie. le coup de ♥ ou coup de ϟ ne s'est pas ressenti ici, mais cela ne saurait tarder. Je suis convaincue que le second tome aura ce petit je-ne-sais-quoi qu'il faut pour que mon coeur soit totalement conquis, voir électrisé. Patience est de rigueur. Il me tarde de retrouver Poppy, qui, à la fin de ce premier tome, trouve sa délivrance et parvient à s'envoler. En espérant que ses ailes la porteront jusqu'à son Leo, le si doux et torturé Leo, dont l'amour ardent m'a fait frissonner et m'a enflammée. Puissent nos deux amoureux se réunir, sans obstacles pour les tenir à distance l'un de l'autre cette fois. Une lecture que je ne peux que vous recommander.
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